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L’univers carcéral des femmes marocaines mis à nu

«Silences des cellules» est le nouveau documentaire de Mohamed Nabil, projeté dans le cadre de la compétition officielle du 19e Festival national du film à Tanger, ayant abordé la thématique des femmes détenues dans les prisons marocaines. Cette production représente la deuxième partie de la trilogie de films sur les femmes au Maroc, après celle intitulée «Joyaux de la tristesse» qui s’est focalisée sur les mères célibataires. Le réalisateur nous promet une troisième partie très prochainement.

L’univers carcéral des femmes marocaines mis à nu
Mohamed Nabil.

Concernant ce deuxième long métrage du genre documentaire, qui a suscité la curiosité du public cinéphile à Tanger, le réalisateur n’a pas hésité à faire des pieds et des mains pour pénétrer dans l’univers carcéral des femmes afin d’en dévoiler tout ce que cachent 
les barreaux de fer. Il voulait savoir et faire découvrir ce qui se passe avec ces femmes détenues dans les prisons au Maroc. Leurs pensées, leurs souffrances et ce qu’elles pensent de leur condamnation. 
Comme le souligne le réalisateur, parfois, ce n’était pas facile de les faire parler, vu la situation dans laquelle elles se trouvent. Ainsi, ce monde, resté tabou, a été en partie montré dans le film de Mohamed Nabil, après deux longues année d'attente pour avoir l’autorisation de tourner entre les murs de béton de ces institutions pénitentiaires. 

Mais, selon Mohamed Nabil, cela n’a pas été une tâche des plus simples. Il a fallu beaucoup d’efforts pour obtenir les 65 minutes de la projection finale, après plusieurs montages pour avoir des scènes concordantes et 
bien claires. Le réalisateur, en compagnie de son équipe, a fait le maximum pour livrer l'histoire de la prison marocaine au féminin, à travers des protagonistes qui ne sont pas, comme il le précise, uniquement définies par leurs crimes, «mais par le vécu qu’elles endurent et la vérité qu’on voit dans leurs yeux. Pour réduire l'indicible dans le silence des cellules, le réalisateur a également interviewé des ex-prisonnières. Le film pose des questions provocantes sur le système pénitentiaire et la société au Maroc et offre des images remarquables des détenues et du personnel pénitentiaire», précise Mohamed Nabil. Rappelons que ce natif du Maroc a fait des études en philosophie, avant d'immigrer au Canada en 2001, où il a étudié le journalisme et les sciences politiques, puis a étudié le cinéma. En 2005, il a tourné son premier court métrage au Canada : «Philosophe». 
Depuis 2006, Mohamed Nabil vit à Berlin et travaille comme journaliste, artiste et cinéaste. En 2009, il a créé la société de production Mia Paradies Productions, en collaboration avec Eva Leonardi et réalise son premier documentaire «Rêves de femmes» en 2010, un film sur les femmes allemandes converties à l'Islam. Le documentaire suivant est «Joyaux de la tristesse» en 2013, constitue la première partie d'une trilogie 
defilms sur les femmes au Maroc. Il a été montré dans plusieurs festivals internationaux autour du monde, ainsi que sur la télévision BBC World arabe. Par ailleurs, Mohamed Nabil a obtenu divers Prix, notamment celui du Festival international du film documentaire de Khouribga en 2011 et de Dacca Film Festival au Bangladesh en 2012. 


Questions au réalisateur Mohamed Nabil

«La production de ce film est un point lumineux dans le cinéma marocain»

Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir cette thématique au cœur des prisons des femmes ?
Ceci rentre dans le contexte du choix d’une thématique sur la femme. Depuis que j’étais à la faculté, j’avais fait des recherches sur la femme. Quand je suis parti au Canada pour poursuivre mes études, j’ai traduit tout ce que j’avais fait comme recherches sur la femme, sur le sexe et le sacré dans la société marocaine en productions cinématographiques. Donc, après «Joyaux de tristesse» où j’aborde le phénomène des mères célibataires, «Silence des cellules» est sous forme de révélations de prisonnières qui parlent d’elles-mêmes derrière les barreaux, ainsi que des femmes qui évoquent cette expérience de la prison suite à leur sortie. Il y a un contraste entre ces dernières qui sont actuellement libres et celles qui sont toujours enfermées derrière des murs. Ce travail rentre dans le cadre d’une trilogie féminine marocaine qui se terminera 
par un troisième film. 

Avez-vous rencontré des obstacles pendant le tournage ?
Il y avait pas mal d’obstacles pendant le tournage et avant, je peux dire que toutes les étapes n’étaient pas des plus simples. D’ailleurs, ce n’est qu’après deux ans d’attente que j’ai eu le droit de pénétrer dans ces endroits pour filmer. Mais, je dirai que la production de ce film est en elle-même un point lumineux dans le cinéma marocain. Je saisis cette occasion pour remercier les institutions qui veillent sur la direction des prisons et celles qui encouragent la cinématographie au Maroc. Il y a eu  une bonne communication qui a donné lieu à ce documentaire. En tout cas, l’artiste est souvent confronté à ces obstacles et défis qui, en général, sont récompensés par des produits originaux. L’artiste doit s’exprimer de n’importe quelle manière, le cinéma est une expression parmi tant d’autres.

Est-ce qu’après le tournage, vous avez été obligé de couper certaines séquences qui ne pouvaient être projetées ?
Il n’y avait pas de censure, sauf pour des séquences qui n’avaient pas leur place dans le film et sa construction dramatique.

Pourquoi ce retour au sujet de la femme ? A-t-il une relation avec votre vécu ?
Oui, surtout avec mon enfance où j’avais une relation très forte avec les femmes de la famille, notamment ma mère, ma grand-mère, ma tante avec lesquelles je sortais tout le temps. Donc, j’avais l’occasion d’écouter ce qu’elles racontaient. En ces temps-là, j’enregistrais tout ce qu’elles disaient sans qu’elles s’en aperçoivent. Quand j'ai rejoint l’université, ces discussions se sont cristallisées et traduites dans ma recherche scientifique, surtout en sociologie et philosophie. Puis est venue la phase du cinéma comme suite à ces recherches où elles ont trouvé un terrain propice pour être mises en exergue dans la production de films en relation avec la femme. Car la philosophie et les sciences humaines ont une grande relation avec le cinéma, que ce soit le documentaire ou la fiction, car on recherche le fond de la chose et sa profondeur. 
Ainsi, le cinéma peut exprimer ces phénomènes avec le langage de l’image, le silence, la photo...

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