Elles sont plus de 35.000 jeunes filles mineures à avoir été mariées en 2015, selon les chiffres officiels du ministère de la Justice et des libertés. Soit quelque 10% du nombre total des autorisations de mariage. Un taux jugé énorme par l’Association Droit & Justice, qui a fait de la lutte contre le mariage des mineures son cheval de bataille.
En effet, le travail sur le terrain effectué par l’Association lui a fait découvrir une panoplie de pratiques dans lesquelles les jeunes filles mineures sont utilisées comme des marchandises et le mariage s’apparente plus à un acte commercial que la fondation d’un foyer. «Malgré l'entrée en vigueur du nouveau code de la famille en 2004 (la Moudawana), le mariage des mineures est encore largement répandu au Maroc. C’est pour cela que l’Association travaille, avec d’autres acteurs de la société civile, sur l’élaboration d’un cahier revendicatif qui vise à mettre fin à ce phénomène et à incriminer tous ceux qui y participent, avant de le présenter par la suite à l’institution législative», indique Faouzi.
Ce dernier a mis en avant, lors de son intervention, le vide juridique qui contribue à l’ampleur du phénomène et qui permet de contourner la loi pour marier de plus en plus de mineures. Il est question notamment des articles 16, 20 et 21 du Code de la famille. «Il faut interdire le mariage des mineures de moins de 18 ans dans l’article 20 et supprimer l’article 21. Il faut aussi préciser dans l’article 16 que le contrat ou l’acte de mariage est le seul document accepté pour prouver le mariage», recommande l’Association, tout en précisant que l’article 16 est souvent utilisé pour officialiser le mariage à une mineure par les personnes de mauvaise foi.Mourad Faouzi a formulé aussi plusieurs recommandations afin de limiter le mariage des mineures. Le président de l’Association a ainsi appelé à déterminer le tribunal compétent pour juger ces affaires. «Le tribunal de famille compétent pour décider du mariage ou non des mineures n’est pas fixé par la loi. À ce titre, si un juge refuse l’autorisation de mariage d’une mineure dans une ville, la demande peut être déposée dans une autre ville, et ainsi de suite jusqu’à l’obtention de l’aval du tribunal», précise Faouzi.Ce dernier a appelé, par la même occasion, à mettre en place une expertise médicale pluridisciplinaire avant toute autorisation de mariage de mineures et non une simple expertise effectuée par un médecin général comme c’est le cas actuellement.
«L’appréciation des juges peut être un élément fondamental pour mettre fin au mariage des mineures, sauf qu’elle n’est pas toujours utilisée de la bonne manière. Par exemple, le juge peut procéder à l’expertise médicale et l’enquête sociale au lieu de recourir à un seul procédé, tout en élargissant le champ de l’expertise médicale», note M.Faouzi.Enfin, l’Association appelle à pénaliser le mariage coutumier dans l’article 475 du Code pénal et à inclure dans la loi n°27-14, relative à la lutte contre la traite des êtres humains, les sanctions pour les cas particuliers de relation entre la victime et la famille, les parents, l’époux ou les proches pouvant être complices de la traite.