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«En matière d’innovation, le Maroc est l'un des principaux pays africains avec plus de 21 pôles technologiques actifs»

L’appel à candidatures pour la septième édition du Prix de l’innovation pour l’Afrique, qui célèbre l’innovation locale sur le continent, vient d’être clôturé. Walter Fust, président de l’African Innovation Foundation, nous explique, dans cet entretien, l’importance de ce Prix et le rôle que joue le Maroc en matière d’innovation en Afrique.

«En matière d’innovation, le Maroc est l'un des principaux pays africains avec plus de 21 pôles technologiques actifs»

Le Matin : Quels sont les enjeux du «Prix de l'innovation pour l'Afrique» (PIA) ?
Walter Fust :
L'African Innovation Foundation (AIF) a été lancée en 2009 pour catalyser l'esprit d'innovation en Afrique. En 2011, nous avons lancé le Prix de l'innovation pour l'Afrique en partenariat avec la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA). En 2012, nous avons attribué le premier PIA à une conférence conjointe de l'Union africaine (UA) et de la CEA à Addis-Abeba, en Éthiopie. Le Prix de l’innovation pour l’Afrique a été approuvé par les ministres qui ont adopté une résolution visant à soutenir l’AIF dans la promotion des sociétés encourageant l'innovation à travers le continent. Depuis lors, nous constatons de plus en plus que les pays d’Afrique placent l'innovation au cœur de leurs programmes de développement.
Aujourd'hui, l'AIF est devenue l'une des organisations les plus établies et qui travaillent activement à soutenir la transformation socioéconomique menée grâce à l'innovation à travers l'Afrique. Partout en Afrique émergent toutes sortes de pôles d'innovation, des parcs scientifiques aux grappes créatives, aux espaces de création et aux espaces de coworking. Avec notre grande base de données des innovateurs africains accumulée pendant 7 ans, nous continuons de démontrer que les Africains sont capables de résoudre les défis africains et de contribuer au développement durable de leur continent. Aujourd’hui, nous devons faire relever un nouveau défi qui consiste à établir et renforcer ces écosystèmes d'innovation émergents. L'AIF et ses partenaires travaillent sans relâche pour renforcer les synergies avec les gouvernements africains et les parties prenantes des secteurs public et privé pour investir dans l'infrastructure d'innovation et s'assurer que les innovateurs africains bénéficient du soutien adéquat en termes de développement des capacités, de mentorat, de transfert de connaissances et d'investissement financier.

Pensez-vous qu'un tel Prix pourrait contribuer à promouvoir l’innovation en Afrique et partant soutenir le développement économique et social ?
Les innovateurs africains présentent tout le potentiel nécessaire pour pouvoir contribuer à la création d'une économie diversifiée, de nouveaux emplois et de solutions locales indispensables aux défis locaux. En tant que telle, la société devrait grandement bénéficier de leur succès. Il est important de noter que l'Afrique ne ressemble à aucune autre région du monde. L'Afrique a la population de jeunes avec la plus forte croissance mondiale, 60% de sa population a moins de 24 ans. Cette jeunesse exprimera des besoins spécifiques différents de ceux exprimés dans les pays développés ou dans les grandes puissances mondiales. Par conséquent, il est urgent d'investir dans des écosystèmes d'innovation locaux qui répondent à ces besoins réels.

 C'est justement ce qui rend le travail de l'AIF hautement pertinent. Nous rassemblons les catalyseurs africains de l'innovation, y compris ceux dans la diaspora, pour soutenir le développement d'écosystèmes d'innovation africains plus inclusifs, qui stimulent l'innovation basée sur les besoins spécifiques des populations locales et apportent des opportunités à ces franges de la société africaine. Le PIA offre aux innovateurs africains une plateforme pour présenter leurs innovations et bénéficier d’une grande visibilité grâce à une couverture médiatique internationale de premier plan, ce qui leur permet d'attirer des investisseurs. Au fur et à mesure que les projets de nos innovateurs atteignent un niveau de maturité, ils peuvent à leur tour lancer des entreprises durables, créer de nouveaux emplois et aider à diversifier les économies africaines.
À titre d’exemple, notre gagnant du grand Prix en 2013, le team de «Agriprotein», a inventé une méthode qui utilise des déchets et des larves de mouches pour produire une alimentation animale naturelle, plus respectueuse de l'environnement, plus nutritive et plus rentable pour les agriculteurs africains. En l'espace d'un an, l’entreprise a levé 11 millions de dollars et 17,5 millions de dollars supplémentaires en 2016. Agriprotein a construit deux fermes commerciales à grande échelle en Afrique du Sud et rejoint aujourd'hui les rangs des plus gros producteurs d'insectes au monde, évalués à 117 millions de dollars.

Dans le même esprit d’innovation, le Dr Valentin Agon du Bénin et le Dr Eddy Agbo du Nigeria ont inventé des solutions novatrices de détection et de prévention du paludisme. Tous deux collaborent pour s'attaquer au problème du paludisme sur le continent. Ils ont été récemment invités à présenter leurs innovations aux Chefs d'État africains lors du sommet de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et finalisent aujourd’hui des investissements supplémentaires de 2 millions de dollars chacun pour améliorer la disponibilité et l’accessibilité de leurs produits aux pays sujets au paludisme en Afrique. Leurs efforts aideront à réduire les taux de mortalité élevés liés à cette maladie. Il faut noter que nous n’essayons en aucun cas de nous attribuer le mérite de ces innovateurs et de leur ingéniosité. Cependant, c'est grâce à des initiatives telles que le PIA que nous pouvons montrer au monde que les Africains sont capables de proposer des innovations comparables aux standards internationaux qui résolvent les problèmes africains et au-delà.

L’African Innovation Foundation a récemment lancé l’appel à candidatures qui marque l’ouverture de la septième édition du «Prix de l'innovation pour l'Afrique». Quel a été le bilan des six éditions précédentes ?
L'AIF est un réseau qui compte désormais plus de 9.400 innovateurs représentant 54 pays africains. Plus de 400 facilitateurs d'innovation et partenaires partagent notre vision. C’est désormais un mouvement d'innovation panafricain. Nous avons accordé plus d'un million de dollars à des innovateurs africains pour faire avancer leurs travaux. L'exposition importante qu'ils ont reçue du PIA a permis aux innovateurs d’obtenir plus de 30 millions de dollars américains d'investissements. Aujourd'hui, la valeur combinée des entreprises de ces incroyables innovateurs s'élève à plus de 200 millions de dollars. Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais l'AIF est très fière de ce qui a été accompli jusque-là.

Quel est le rôle joué par les Marocains dans le cadre de ce prix depuis son lancement, que ce soit en ce qui concerne la composition des membres des jurys, les lauréats des prix ou les nominés ?
Le Maroc est l'un des principaux pays africains avec plus de 21 pôles technologiques actifs. Il se classe en tête de la liste des pays africains ayant le plus de centres technologiques. Le Royaume est une référence dans les domaines de la science, de la technologie et a su prouver sa capacité d'innovation, d’après les conclusions de l’Africa Capacity Report. C'est un pays en pleine croissance avec un développement incroyable des écosystèmes de startups locales. Les efforts impressionnants du Royaume pour placer l'innovation au cœur de sa stratégie de développement ont été la raison principale pour laquelle le Maroc a été sélectionné pour accueillir la quatrième édition du PIA en 2015, en partenariat avec le ministère de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique et placé sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc. 
La cérémonie de remise des Prix avait réuni plus de 400 catalyseurs d’innovation, parmi lesquels des ministres, des dignitaires, des innovateurs marocains, des entrepreneurs et d'anciens lauréats du PIA. L’édition 2015 avait aussi coïncidé avec la reconnaissance de l’innovation de Adnane Remmal qui a remporté le Grand Prix du PIA pour avoir inventé une alternative naturelle aux antibiotiques du bétail. Son innovation brevetée, qui peut être ajoutée aux aliments pour animaux ou à l'eau potable, a été élaborée à partir de molécules naturelles possédant des propriétés antibactériennes, antiparasitaires et antifongiques. Il a remporté le Grand Prix de 100.000 dollars américains. Badr Idrissi, PDG et cofondateur d'Atlan Space, fait partie des nominés du PIA 2017 et sa startup a développé une technologie logicielle qui est ensuite déployée pour gérer le fonctionnement des véhicules aériens sans pilote ou drones. Concernant les membres des jurys, Dounia Boumehdi, directrice générale du Maroc Numeric Fund (MNF), une société de capital-risque au Maroc, était membre du jury pour l’édition 2015. Omar Balafrej, qui est maintenant membre du Parlement marocain, fut aussi membre du jury du PIA 2014. Aujourd’hui, M. Balafrej fait également partie du conseil d’administration de l’AIF. Nous espérons voir de plus en plus d'innovateurs marocains et de catalyseurs d'innovation faire partie du réseau AIF. Nous remercions également tous nos partenaires marocains pour leur soutien continu pour répandre l'esprit d'innovation africain et renforcer les écosystèmes d'innovation sur l’ensemble du continent. 


Propos recueillis par Brahim Mokhliss

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