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Meryam, Hind et Fatma, 3 jeunes Sahraouies futures chefs d’entreprise

L’entrepreneuriat a été à l’honneur la semaine dernière à Laâyoune lors d’un sommet co-organisé par la fondation Phosboucraa et le MIT D-Lab. Un événement où trois jeunes femmes sahraouies se sont démarquées. Leurs points communs : l'ambition de s’affirmer, s’émanciper et faire changer les choses tout en innovant pour le bien de la communauté sahraouie. «Le Matin-Eco» est parti à la rencontre de ces futures dirigeantes d'entreprise.

Meryam, Hind et Fatma, 3 jeunes Sahraouies futures chefs d’entreprise
De droite à gauche, Hind El Kantaoui, Meryam Iziki, une participante et Fatma Bougharioun (en Melhfa rouge). Ph. M.A.H.

«Seuls ceux qui prendront le risque d’aller très loin découvriront jusqu’où ils peuvent aller». Meryam Iziki, Hind El Kantaoui et Fatma Bougharioun, trois jeunes Sahraouies, ont presque appliqué à lettre ce dicton de T.S. Eliot. Rien ne prédisposait ces jeunes natives de Guelmim et Dakhla, aux parcours distincts, à croiser leurs destins. Aujourd'hui, elles s’apprêtent à se lancer dans le monde du business. Elles sont déterminées à s'y frayer un chemin malgré des obstacles, et non des moindres, nous témoignent-elles. Elles ambitionnent, surtout, de devenir pionnières dans leur domaine. Le 29 novembre, elles ont fait le déplacement à Laâyoune pour participer à un événement co-organisé par la Fondation Phosboucraa et le MIT D-Lab, un programme de l’Institut de technologie du Massachusetts. Échange, partage et réseautage. Nos trois jeunes en ont profité pour gagner en visibilité et afficher, fièrement, leurs ambitions.

• De la confiture à base de tomate-cerise «Made in Dakhla»
Meryam Iziki, du haut de ses 25 ans, lancera la première confiture à base de tomate-cerise «made in Morocco», bio, sans conservateurs, proposant une variété de saveurs, ainsi que plusieurs produits dérivés et transformés de ce fruit. Souriante et pleine de vie, Meryam est une businesswoman dans l’âme. «Je m’intéresse à l’entrepreneuriat et au business depuis mes années d’études. J’ai lancé à Guelmim le premier espace de co-working dans les régions du Sud. J’en suis fière et ça m’a ouvert les yeux sur les opportunités illimitées qui s’offraient à nous», nous témoigne cette technicienne spécialisée en réseaux informatiques. Si elle a créé sa société, Indus Dak, à Dakhla en 2017, elle ne compte ouvrir son unité de transformation que dans quelques mois. Le temps de bien préparer le terrain, notamment en termes de conformité aux normes de l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), d’ailleurs en cours, de dénicher de bons profils dans l’agroalimentaire et de bien ficeler son business plan. Comment financera-t-elle son projet ? «J’ai pu décrocher le troisième prix du Dakhla Business Challenge, organisé le 8 novembre par la Fondation Phosboucraa à Dakhla, avec à la clé 15.000 dirhams, en plus j’ai été retenue dans le cadre de l’initiative Dakhla Moubadara qui m’a promis un accompagnement financier pour la réussite de mon projet. Au-delà du volet financement, ce qui est important à mes yeux c’est la détermination du porteur du projet. S’il croit en la réussite d’un concept novateur et impactant, le financement suivra naturellement», lance-t-elle avec assurance.

• Comment Hind El Kantaoui compte révolutionner la Darâa
Élégantes et aussi gaies que les couleurs des Melhfas qu’elles portent, Hind et Fatma, les deux autres lauréates du dernier Dakhla Business Challenge, n’ont rien à envier à Meryam. Mariée et mère de 3 enfants, Hind El Kantaoui s’apprête à révolutionner l’emblématique habit traditionnel sahraoui, la Darâa. Cette tunique masculine, indispensable dans les foyers sahraouis, peut prendre, pour sa confection, entre 20 et 30 jours. Grâce au projet d’El Kantaoui, on peut en avoir 4 en seulement, tenez-vous bien, une heure ! «La conception traditionnelle et manuelle de la Darâa n’a pas changé depuis les années 1970. Aujourd’hui, grâce à une machine disposant de 12 têtes et fonctionnant avec ordinateur, on peut passer à une production industrielle», nous confie la jeune titulaire d’un master en sciences économiques. «Détrompez-vous !, nous lance-t-elle. Cette industrialisation ne changera en rien l’authenticité et la qualité de ce vêtement». Bien au contraire : alors que cette tunique est souvent proposée en couleurs blanche et bleue, Hind compte la rafraîchir en innovant dans les couleurs, les formes et les broderies, tout en utilisant un tissu spécial haut de gamme. Hind l’a compris : «l’action est la clé fondamentale de tout succès», martelait Pablo Picasso, et elle a agi. Outre sa fibre managériale, Hind compte marier les couleurs, innover et créer tout en faisant rayonner la culture sahraouie aussi bien au niveau national qu’international. Pour cette première au Maroc, la jeune entrepreneure sera accompagnée par la fondation Phosboucraa, notamment pour l’aménagement de son local et l’achat de la matière première depuis l’Europe.

• Fatma Bougharioun, la biochimiste «ambassadrice» des Sahraouies  
Last but not least. Fatma Bougharioun, 32 ans, est la femme combative par excellence. Notre diplômée en biochimie à Agadir a laissé tomber un poste confortable dans le public pour se lancer dans les affaires. Et quoi de mieux que de se spécialiser dans un domaine qu’elle maîtrise ? Le cosmétique naturel sahraoui. Elle a inventé un savon solide à base de plantes naturelles utilisées dans les recettes populaires des Sahraouies. En révélant les secrets de la beauté de la Marocaine du Sud, elle entend également démocratiser ses recettes et rendre la vie facile aux utilisatrices, grâce à des savons variés pouvant être utilisés pour le gommage, les masques et autres.
Si nos trois jeunes prodiges sont dans la dernière phase de concrétisation de leur rêve, elles ont toutes l’ambition de s’internationaliser. Que ce soit pour la confiture à base de tomate-cerise de Dakhla, la Darâa reliftée ou les savons cosmétiques bio à base de plantes du Sud, le marché étranger figure dans la ligne de mire des trois futures exportatrices. La Mauritanie, le Sénégal et l’Europe sont, pour le moment, les premières destinations envisagées.
Des Meryam, Hind et Fatma sont nombreuses dans les provinces du sud du Royaume. Si nos trois jeunes ont laissé éclore leurs potentiels, c’est en grande partie grâce à la Fondation Phosboucraa et ses multiples programmes déployés depuis 2014. À titre d’exemple, Laâyoune Learning Center a pu prodiguer formation, conseil, accompagnement, coaching, mentoring et financement à plus de 13.000 bénéficiaires en seulement 4 ans d’activité. Aux côtés de ce centre et de celui de Dakhla, d’autres sont dans le pipe dans d’autres villes du Sud, nous confie Hajbouha Zoubeir, présidente de la Fondation Phosboucraa, lors du «2018 Practical Impact Alliance Co-design Summit», co-organisé par la fondation avec le MIT D-Lab, du 25 novembre au 1er décembre à Laâyoune. Un événement qui a mobilisé des dizaines de jeunes porteurs de projets qui veulent, comme Meryam, Hind et Fatma, se prendre en main, créer de la richesse et faire avancer les choses. Et comme Gandhi, ils «veulent être le changement qu’ils veulent voir dans ce monde». 

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