Les métiers créatifs, des compétences pour l’avenir

Éco-Emploi : Les métiers créatifs intéressent beaucoup les jeunes. Existe-t-il des formations spécifiques pour y accéder au Maroc ?

Anas Taleb : Même si le nombre d’écoles proposant des formations qualifiées dans le domaine reste encore très limité, le choix des spécialités s’enrichit d’année en année dans les facultés marocaines. Il existe actuellement plus de 2.300 filières accréditées dans les universités, et plus de 30% de l’offre globale relève de masters. Ainsi, l’université Ibn Zohr d’Agadir a récemment lancé une Faculté des langues, arts et sciences humaines. L’établissement souhaite aborder le domaine sous l’aspect professionnel et une formation en événementiel sera, par exemple, dispensée. L’établissement dispense également un master unique dans le public en «art et communication», formant des cadres dans les métiers de l’art, de la communication et de la médiation artistique. À terme, la nouvelle faculté ambitionne de façonner des spécialistes en médias, communication et industries créatives. Ces spécialités rares, souvent basées sur une passion, garantissent une insertion professionnelle rapide.    

Cela dit, le nombre de diplômés reste dérisoire et la majorité est issue d’écoles supérieures privées. Les pouvoirs publics doivent se pencher sur la question afin d’alimenter ce marché en matière grise et permettre son développement. Sans cela, nous continuerons à faire appel à des expertises étrangères à des coûts souvent exorbitants.

Quelles compétences faut-il développer pour réussir dans ces métiers et surtout répondre aux besoins du marché ?

La conception est au cœur des métiers créatifs. La finalité est d’apporter une solution pertinente et adaptée à une problématique donnée. Ceci fait appel à des qualités d’observation et d’anticipation des modes de vie et des comportements individuels et collectifs, de formulation conceptuelle de solutions produits et services, utiles et pratiques autant qu’ergonomiques pour les utilisateurs potentiels. En répondant, tant sur un plan fonctionnel qu’émotionnel, de manière harmonieuse, à un cahier des charges qui définit les attentes dans le respect des valeurs identitaires du propriétaire du projet, la proposition créative se veut la synthèse des travaux contributifs ou des contraintes des autres disciplines de l’entreprise : la recherche et le développement, le marketing, le commercial… Les mêmes exigences seront requises, qu’il s’agisse d’un produit de grande consommation ou sur mesure, fabriqué par une entreprise industrielle ou 

artisanale.

Quelles peuvent être les contraintes qui freinent le développement de ces métiers ?

Malheureusement, c’est un secteur encore sous-estimé, comme le sont la plupart des métiers de service au Maroc. La majorité ignore la complexité du travail de designer et de concepteur. Et le manque de respect de la propriété intellectuelle des créations ne fait qu’aggraver la situation.

Pourtant, l’impact de ces services est le plus souvent significatif, et représente un avantage concurrentiel évident pour les entreprises qui y font appel.

Et, comme évoqué précédemment, le manque de formation de profils pointus, cultivés et curieux est un frein important. Les entreprises de ces secteurs peinent aujourd’hui à recruter faute de candidats à la hauteur de leurs attentes.

Jusqu'à quelle mesure la transformation digitale favorise-t-elle le développement des métiers créatifs ?

La création a toujours constitué le miroir de son époque. Elle évolue constamment pour répondre aux besoins du public. Le digital est un virage important pour tous les acteurs du secteur et offre une infinité d’opportunités. D’abord, l’accès à l’information et aux nouveaux outils est devenu quasi instantané ce qui permet à de nouveaux talents d’émerger un peu partout. La créativité n’a désormais plus de limites ni de frontières. La profusion des supports participe aussi à cette richesse : photos, vidéos, art graphique, installations, impression 3D, projections… Tout ceci grâce à l’évolution technique et technologique exponentielle que permet le monde digital.