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«La neutralité de la TVA encouragerait la création de fonds au Maroc et éviterait leur domiciliation à l’étranger»

Étendre la suppression des droits d'enregistrement aux capital investisseurs, exonérer les frais de gestion de la TVA, accorder un abattement de 25% de l’IS pendant toute la période d'investissement et prévoir des avantages fiscaux liés au régime mère-filiale. Ce sont là les principales revendications fiscales de l’Association marocaine des investisseurs en capital. Ces propositions, transverses pour certaines, permettraient de dynamiser un secteur qui a fait ses preuves. Les entreprises investies voient leurs revenus et leurs effectifs croître en moyenne annuelle de 14,9 et 16,7% respectivement selon les chiffres 2017.

Le Matin-Éco : Quelles sont vos attentes concernant le projet de loi de Finances 2019 ?
Françoise De Donder :
Parmi nos attentes, il y a d’abord le maintien de la suppression des droits d’enregistrement. Ces droits ont été supprimés par la loi de Finances 2018. L’AMIC souhaite que cette mesure soit reconduite. En effet, contrairement aux investisseurs en capital, les gestionnaires d’OPCVM ne paient pas de droits d’enregistrement. Or, les cessions/acquisitions sont au cœur du métier des investisseurs en capital.
Il y a ensuite l’exonération de la TVA sur les frais de gestion. Actuellement, les fonds d’investissement paient la TVA sur les frais de gestion sans pouvoir la récupérer. Dans d’autres pays, notamment la Tunisie et l’Afrique du Sud avec qui les fonds marocains sont en compétition, ce n’est pas le cas. Il est illogique que les fonds marocains supportent la TVA alors qu’ils n’en génèrent pas. De plus, la neutralité de la TVA encouragerait la création de fonds au Maroc et éviterait leur domiciliation à l’étranger.
Enfin, il y a les incitations fiscales pour les sociétés cibles : Inciter les entreprises à recourir au capital investissement, sur le principe des sociétés cotées, avec un format différent. Notre proposition à ce sujet consiste en un abattement de 25% de l’IS pendant toute la présence du capital investisseur (OPCC) au capital de l’entreprise.

S’agit-il d’anciennes revendications que vous remettez sur la table ? 
Ce sont d’anciennes revendications qui ne peuvent être portées uniquement par une structure de la taille de l’AMIC, car elles sont transverses. À cela s’ajoutent la mise en place de la consolidation fiscale et des avantages fiscaux liés au régime mère-filiale. Dans le cadre du développement du capital-transmission au Maroc, les sociétés de gestion ont généralement recours à une holding d’acquisition. La consolidation fiscale et le régime mère-filiale favoriseraient, notamment, la fiscalisation des intérêts de la dette et le développement de cet important segment du capital investissement.
Autre revendication, le report de fiscalisation au moment de la cession effective des apports de titres d’une filiale vers une holding-mère de reprise (lien avec la loi 2010 sur les fusions). Enfin, nous demandons la suppression des frottements fiscaux pour les fonds basés à l’étranger pour qui la transparence n’est actuellement pas reconnue au Maroc.

Quels sont les actions et grands projets en cours pour améliorer votre activité ?
La Commission Amorçage de l’AMIC finalise un travail de recherche en partenariat avec la CDG, CIH Bank et le Technopark pour dresser un état des lieux du capital amorçage au Maroc. Ce travail permettra de réaliser un benchmark international du capital amorçage et mettre en avant les modèles potentiellement applicables au contexte marocain. Il en découlera une feuille de route détaillant les projets à mener pour le développement de l’écosystème des start-up au Maroc. 
Pour encourager l’éclosion de ces entités et leur financement, nous proposons quelques pistes qui pourraient notamment être examinées. À commencer par l’adaptation de la réglementation des changes et de l’export pour l’internationalisation des start-up et l’adaptation du système fiscal à la start-up et au fondateur : Stock-options, avantages fiscaux, exonérations fiscales à la création de jeunes entreprises innovantes, exonération de la TVA ou report de TVA sans pénalité, exonération de l’IR pour les salariés de la start-up. 
Nous pourrions aussi suggérer l’adaptation du système fiscal pour tous les investisseurs. J'entends le renforcement des crédits d’impôts pour tout investissement dans un fonds d’amorçage, start-up et projets R&D, la transparence de l’IS pour les véhicules autres que les OPCC pour tous les investisseurs et des incitations fiscales pour les prestataires de services juridiques et fiscaux qui adressent les start-up.

Qu'envisagez-vous pour contribuer à redynamiser l’investissement et partant l’emploi ?
D’abord, améliorer les performances du Capital Investissement. Les sociétés financées par ce véhicule enregistrent sur la durée des performances supérieures à la moyenne des entreprises marocaines en termes d’évolution du chiffre d’affaires et des effectifs. En 2017, les entreprises investies ont, en effet, vu leurs revenus et leurs effectifs croître en moyenne annuelle respectivement de 14,9 et 16,7%. Ces performances se traduisent par l’augmentation de la contribution fiscale - TVA, IR et IS - de ces PME grâce à l’amélioration du couple transparence/performance. Enfin, l’amélioration de la gouvernance et du développement de la responsabilité sociale et environnementale est également extrêmement importante dans les sociétés cibles.
Par ailleurs, le Capital Investissement possède 3 atouts majeurs inhérents à son modèle qui lui permettent de se différencier des autres classes d’actifs. Premièrement, le processus de sélection des cibles qui repose essentiellement sur la performance opérationnelle de la société et sur les informations détaillées fournies par celle-ci lors des audits de pré-acquisition.
Deuxièmement, l’approche d’un investisseur sur le long terme permet la mise en place de stratégies fondamentales de création de valeur, bien au-delà des résultats à court terme. Troisièmement, les systèmes de gouvernance mis en place par les investisseurs en capital leur permettent de s’impliquer fortement dans les sociétés cibles et de mettre en place de réelles améliorations au niveau opérationnel. Cette capacité à conduire des changements opérationnels dans une entreprise constitue un facteur clé de différenciation par rapport aux marchés cotés.

Par nature, le Capital Investissement ne peut tirer ses performances que de la croissance réelle et durable des entreprises dans lesquelles il investit. La durée moyenne d’investissement étant de 6,1 années, la seule façon de créer durablement de la valeur dans l’entreprise cible consiste à faire en sorte que celle-ci se développe, gagne des parts de marché, rationalise sa gestion et assainisse sa gouvernance. L’investisseur en capital ne se contente donc pas de faire de l’achat et de la vente de parts de capital, il engage directement ses compétences, son savoir-faire et son expérience. De cette façon, il se différencie de tous les autres métiers financiers qui ne contribuent pas à l’amélioration des actifs dans lesquels ils investissent.
Formidable outil de financement et d’accompagnement de la croissance d’entreprises locales dans la durée, le Capital Investissement a largement démontré une rentabilité supérieure à celle du marché coté ces dernières années, justifiant ainsi la contrainte de non-liquidité inhérente à toute stratégie d’investissement dont la performance repose sur une véritable création de valeur dans le temps. Malgré le parcours remarquable du Capital Investissement, il faut développer la dynamique et assurer la modernisation de cette source de financement afin que le nombre d’entreprises marocaines accompagnées passe d’une dizaine à 30, 50 voire 100. Cela permettra également d’attirer l’attention des investisseurs institutionnels locaux et personnes physiques à cette classe d’actifs. 

Ainsi, les leviers de développement du Capital Investissement sont au nombre de 3 : un cadre réglementaire et fiscal des fonds d’investissement, un environnement juridique des affaires et fiscalité des entreprises et, enfin, une fiscalité des personnes physiques.
Les investisseurs pondèrent les critères de ces 3 différents leviers en faveur des pays ou des opportunités d’investissement qui leur offrent le meilleur rapport entre la rentabilité et le risque. L’AMIC compte donc poursuivre ses activités pour agir sur ces 3 leviers. 


Propos recueillis par Abdelhafid Marzak

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