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La petite révolution de l'industrie du cuir en marche

Les professionnels se battent pour redonner au secteur marocain du cuir son lustre d'antan. À coups de promotion et de contrats de performance, cette industrie globalisée tente ainsi de faire face à une concurrence de plus en plus farouche. En attendant 2020 et un chiffre d'affaires de 5,5 milliards de DH à l'export, le secteur a bouclé l'année 2017 sur une petite hausse de 2,1% pour des revenus de 4 milliards de DH. Néanmoins, il est promis à un meilleur développement avec le lancement en février 2016 de trois écosystèmes.

La petite révolution de l'industrie  du cuir en marche

Le cuir marocain peine à briller. Pourtant, le pays dispose d’un savoir-faire ancestral et d'une main-d’œuvre jugée qualifiée. Cette industrie, constituée de diverses activités, notamment la tannerie, la maroquinerie et vêtements cuir et dans une plus grande mesure la chaussure, compte environ 300 entreprises et emploie 20.500 personnes de façon formelle. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 4 milliards de DH à l’export en 2017, en légère hausse de 2,16% sur un an.  Les principaux clients sont la France, l’Espagne, l’Italie ou encore l’Allemagne. «Ces dernières années ont connu une ouverture prononcée sur de nouveaux marchés tels que les États-Unis, le Japon, les pays scandinaves ainsi que les pays d’Afrique», explique, au «Matin-Éco» Hamid Ben Rhrido, président de la Fédération des industries du cuir (FEDIC). En tête donc, figure la chaussure, dont les exportations ont reculé l’an dernier de 0,46% à près de 2,07 milliards de dirhams. Cette branche est la principale activité de transformation du cuir et compte 236 unités industrielles réalisant près de 70% de la production totale du secteur en valeur. Les industriels de la chaussure opèrent avec des enseignes et marques de renommée mondiale. Celles-ci choisissent le Maroc pour fabriquer et exporter leurs produits. La branche de la chaussure pèse 73% des exportations totales du secteur.

3 écosystèmes et 5,5 milliards de DH à l'export à l’horizon 2020 
Comme d'autres activités, le secteur du cuir a également eu droit à des écosystèmes. En février 2016, trois ont été lancés avec l'objectif de créer 35.000 nouveaux emplois stables et de réaliser 5,5 milliards de dirhams de chiffres d’affaires à l’export à l’horizon 2020.
Les filières concernées sont la chaussure, la maroquinerie et les vêtements en cuir, et la tannerie et mégisserie. Il s'agit pour les professionnels de générer 7,5 milliards de chiffre d’affaires et une valeur ajoutée additionnelle de 2,7 milliards, au lieu de 1,1 milliard en 2017. 
Pour la chaussure spécifiquement, il est prévu la création, à l’horizon 2020, de 25.500 nouveaux emplois stables, un chiffre d’affaires additionnel de 5,1 milliards de DH, dont 3,8 milliards à l’export, et la réalisation d’un minimum de 20 projets d’investissements portés par des locomotives. Cette branche compte aujourd’hui près de 200 entreprises et un peu plus de 28.000 employés.
Pour la filière maroquinerie et vêtements en cuir, qui regroupe actuellement 50 entreprises et emploie 4.000 personnes, la mise en place de l’écosystème devrait se traduire, selon les responsables de la FEDIC, par la création de 5.000 nouveaux emplois et un chiffre d’affaires additionnel de 1,5 milliard de DH dont 700 millions à l’export. Il est prévu de concrétiser au moins une dizaine de projets d’investissements portés par des entreprises leaders.
Le troisième écosystème, tannerie et mégisserie, devrait générer 4.500 nouveaux emplois et un chiffre d’affaires additionnel de 2,7 milliards de DH, dont un milliard à l’export. Et comme pour les deux autres écosystèmes, il est attendu la réalisation d’au moins 10 projets d’investissements. Cette filière compte actuellement 59 entreprises et emploie 4.200 personnes.
Pour la FEDIC, le combat pour un secteur plus compétitif se joue principalement sur deux fronts : mise à disposition des investisseurs nationaux et internationaux de zones industrielles aux normes internationales, notamment pour les tanneries et assurer une formation de qualité des ressources humaines, dans des établissements dédiés. Mais dans l'immédiat, les professionnels poursuivent leurs actions de promotion. «La Fédération s’est fixé des cibles sur le marché mondial du cuir, notamment l’Italie, la Chine, l’Espagne et le Portugal pour l’écosystème de la tannerie et mégisserie, l’Allemagne et les États unis pour ceux de la chaussure et de la maroquinerie & vêtements cuir».

Entretien avec Hamid Ben Rhrido, président de la FEDIC

«Notre principal objectif est de rendre nos tanneries plus modernes et plus compétitives»

Le Matin-Éco : Quel diagnostic faites-vous du tissu industriel du secteur du cuir ?
Hamid Ben Rhrido :
Le secteur marocain du cuir présente une diversité de produits pour chaque écosystème. En effet, nous avons pour l’écosystème chaussure des chaussures de ville, de sécurité, d’intérieur et d’outdoor. Pour celui des Vêtements et Maroquinerie en cuir, nous avons des cartables, des sacs (à main, de voyage, de sport…), des accessoires et articles de cadeaux et des vêtements en cuir. Enfin, pour l’écosystème de la tannerie, ses produits sont principalement représentés par le Wet White ou Wetblue, le satin/Crust, le cuir tanné et la laine.

Quelles sont les branches les plus importantes et à fort potentiel de développement ?
Avec les actions qui sont en cours de mise en œuvre pour le développement des écosystèmes du cuir, les trois écosystèmes présentent en fait un fort potentiel de développement. L’écosystème de la chaussure, qui représente aujourd’hui plus de 70% de la production du secteur, continuera à évoluer avec le même pourcentage. Nous comptons beaucoup, à travers la déclinaison des dispositifs des contrats de performance, notamment en matière de zones industrielles (Aïn Cheggag, Casa City Shoes…), sur le développement de l’écosystème de la tannerie. En effet, l’amont du secteur représente un facteur clé pour l’amélioration de la compétitivité de l’ensemble de la filière. 

Quelles sont les contraintes liées à l’approvisionnement en matières premières et quelles incidences sur la chaîne de valeur ?
Comme vous le savez, le cuir est le principal composant utilisé dans la fabrication de nos produits. Les informations dont nous disposons montrent que les entreprises exportatrices s’approvisionnent localement dans une fourchette de 20 à 30% de leurs besoins, le reste est importé principalement d’Italie, d’Inde et de France. Notre principal objectif est de rendre nos tanneries plus modernes et plus compétitives. Concernant les accessoires et le matériel, ils sont intégralement importés d’Europe ou de Chine. 

Qu’en est-il pour les principaux marchés à l’export ? Est-ce que le Maroc a pu en conquérir de nouveaux ces trois dernières années ?  
Durant l’année 2017, de multiples actions ont été réalisées au moyen de la forte mobilisation de toutes les institutions concernées par le secteur du cuir et ses professionnels, et ce pour la réalisation des objectifs inscrits sur les contrats de performance signés en février 2016 en partenariat avec le ministère. 
L’offre marocaine a ainsi été promue sur le marché mondial du cuir, notamment en Arabie saoudite, États-Unis, Italie et Espagne. 
Le Maroc a pu conquérir, depuis longtemps, plusieurs marchés européens. Ceci a eu comme effet la concrétisation de contrats de sous-traitance et de cotraitance de grandes marques étrangères au Maroc. Ces dernières années ont connu une ouverture prononcée sur de nouveaux marchés tels que les États-Unis, le Japon, les pays scandinaves ainsi que les pays d’Afrique.

Quels sont les freins à un meilleur rayonnement à l’international et quels concurrents faut-il craindre ?
Les principaux concurrents du Maroc sont le Portugal, la Turquie, la Chine et l’Inde.
Comme vous le savez, le secteur du cuir est un secteur globalisé. La concurrence y est mondiale. Nous sommes directement confrontés à des pays comme le Portugal qui ont une longue tradition dans les métiers du cuir et qui disposent de fondations solides en matière d’industrialisation et d’innovation. La Chine est l’un de nos concurrents également. Nous rappelons que ce pays émergent a beaucoup investi dans la formation des ressources humaines. 
Aujourd’hui, en plus des produits et du matériel, la Chine exporte les designs des nouvelles tendances. L’Inde représente aussi une plateforme mondiale du cuir. Elle est connue par ses grandes tanneries et ses grandes usines de chaussures. Ainsi, nous essayons de nous positionner face à ces grands producteurs. 
 Notre combat se situe, à mon sens, principalement au niveau de la mise à disposition des Investisseurs nationaux et internationaux de zones industrielles aux normes internationales, notamment pour les tanneries et assurer une formation de qualité, des ressources humaines, dans les établissements concernés.   

Quelles sont les perspectives du secteur ?
Après avoir défini la stratégie d’action pour le développement des écosystèmes du cuir, une cellule d’animation a été créée au sein de la FEDIC et le recrutement de ses membres a eu lieu en janvier 2017. Dès lors, plusieurs actions ont été réalisées en étroite collaboration avec le ministère de l’Industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique en vue d’atteindre les objectifs des contrats de performance. Aussi, une étude a été lancée sur un projet pilote de collecte et valorisation des peaux de Aïd Al Adha pour une meilleure exploitation de cette matière première utilisée dans les principaux produits de cuir. Plusieurs institutions se sont mobilisées pour cette cause, notamment le ministère des Habous et le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime.
Dans le cadre de la mise à disposition du foncier, le projet d’aménagement de la zone de Aïn Chegag (région de Fès, ndlr) a réellement démarré. L’architecte a été sélectionné ainsi que l’entreprise de conception des voiries et des réseaux qui pilotera le suivi de l’aménagement. Concernant la zone «Casa City Shoes», son aménagement est terminé. Le montage institutionnel de cession/location des lots est en cours de préparation.

Qu’avez-vous prévu pour pallier les défaillances en investissements et en formation ?
Un contrat d’application a été signé avec l’OFPPT en vue d’améliorer l’offre de formation et préparer les ressources humaines nécessaires au développement des écosystèmes. Les programmes de toutes les filières ont été revus et de nouvelles formations adaptées au contexte du secteur ont été créées. L’opérationnalisation effective de ce programme au niveau des centres de formation dédiés au cuir est prévue pour l’entrée 2018-2019.  Au niveau de la Douane, une convention de partenariat est en cours de signature. Un travail de revue des prix d’appréciation à l’import est en cours de réalisation. En matière d’investissements, deux projets d’entreprises locomotives sont en cours de préparation. 

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