Le Matin : Comment faire de l’intelligence économique un levier de développement pour les régions et les communautés ?
Aimad El Hajri : Aujourd’hui, et plus qu’avant, les régions et les communautés sont confrontées à un contexte ouvert à l’international marqué par une rude compétitivité. Les pratiques de l’intelligence économique telles que l’étude des besoins, le diagnostic, l’étude comparative, la collecte, le traitement et la diffusion des données, la coordination des actions, la protection, l’influence et l’anticipation, appréhendées dans le cadre d’un dispositif économique unifié, institutionnalisé et coordonné par l’ensemble des acteurs, présentent la clé du développement des régions, des communautés et des territoires.
Quel lien ou convergence entre intelligence économique et intelligence territoriale ?
Les deux concepts, à notre sens, sont intimement liés. Les pratiques de l’intelligence économique citées en haut représentent un pilier de base pour pouvoir déjà parler d’une intelligence territoriale. En pratique, cela se traduit par la collecte de données complètes sur l'environnement, la confrontation des points de vue des acteurs locaux, la création de grappes d'entreprises et la définition d'une communication territoriale adaptée à l'ensemble du territoire. Cela consiste également en une meilleure compréhension du territoire, de ses enjeux ainsi que ses atouts et problèmes, qu'ils soient sociaux, écologiques ou économiques.
À votre avis, quelles sont les actions à mener dans le cadre de l’intelligence économique territoriale pour le développement d’un territoire et l’amélioration de sa compétitivité ?
L’intelligence économique territoriale permet de prime abord d’instaurer une culture centrée sur l’information, la connaissance, la protection et l’influence. Cette culture permet de créer une forte coordination entre l’ensemble des acteurs d’un territoire (État, entreprises, société civile, universités, centres de recherches…) dans le but de définir des stratégies compétitives, renforcer la capacité d’anticipation afin de maîtriser les risques et saisir les opportunités.
De ce fait, la création des comités de pilotage et la mise en place des systèmes sécuritaires semblent, à notre sens, être les deux actions primordiales. Au Maroc, et depuis l'annonce en 2017 de la régionalisation avancée dans le discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, de nouvelles missions ont été confiées aux régions.
La Vision du Souverain est claire : «La régionalisation n’est pas seulement un ensemble de lois et de procédures administratives. Elle est, fondamentalement, l’expression d’un changement profond dans les structures de l’État. Elle est aussi le support d’une approche pratique en matière de gouvernance territoriale».
Vous comptez organiser le 10 novembre prochain un événement sur le thème : «L’intelligence économique et l’intelligence territoriale, de l’ignorance au mariage de raison ?» Dites-nous-en plus...
En effet, notre groupe de recherche «Nouvelles pratiques de gestion» de l’Université Cadi Ayyad organise depuis 2016 la JIEM (Journée de l’intelligence économique de Marrakech). L’idée a été initiée par le professeur Mohamadi Rachdi El Yacoubi (actuellement président de l’Organisation professionnelle des comptables agréés du Maroc, OPCA) et moi-même dans le but de sensibiliser le monde universitaire et académique à l’importance de cette nouvelle discipline et ses retombées sur le monde professionnel. Les deux premières éditions organisées en 2016 et 2017 ont traité respectivement les thèmes suivants : «Regards croisés sur l’intelligence économique» et «L’intelligence économique, levier de compétitivité des entreprises et des économies».
L’idée de la troisième édition de la JIEM’2018 que je préside consiste à aborder l’interaction entre l’intelligence économique et l’intelligence territoriale et à tenter de répondre aux questions liées aux rôles des pratiques de l’intelligence économique dans le développement des territoires dans une vision anticipative. L’objectif est de contribuer à une réflexion autour de l’intelligence économique au service de la compétitivité des territoires avec une confrontation de la recherche académique et du développement empirique des praticiens dans le domaine. Cette édition connaîtra la participation de personnalités nationales et internationales, à savoir Driss Guerraoui, Jean Jacques Girardot, Jean-Pierre Bouchez, Mohamed Smani, Nabil El Mabrouki, Mourad Oubrich et plusieurs autres spécialistes dans le domaine de l’intelligence économique et de l’intelligence territoriale. Nous avons également invité Mohcine Jazouli, ministre délégué chargé des Affaires africaines, qui jusqu’à sa nomination occupait le poste du président-directeur général du cabinet d’intelligence économique Valyans.
Propos recueillis par Mounia Senhaji