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Pretoria se prépare pour un recentrage de sa politique africaine

Éclaboussée par une crise économique interminable et un déficit chronique d’image en Afrique, l’Afrique du Sud s’apprête à procéder à une profonde révision de sa politique africaine de façon à rompre avec les rhétoriques révolues pour se concentrer sur les questions économiques, vitales pour la survie du pays dans son environnement continental.

Pretoria se prépare pour un recentrage de sa politique africaine
Le Président Cyril Ramaphosa prononçant, le 16 février, son premier grand discours au Parlement. Ph. AFP

En Afrique du Sud, un panel de haut niveau a été mis en place par la ministre des Relations internationales, Lindiwe Sisulu, pour mener la révision de la politique africaine. Cette révision marquera, selon des sources proches du dossier, un retour aux valeurs du panafricanisme, Pretoria souhaitant, sous la houlette de la nouvelle administration conduite par le Président Cyrial Ramaphosa, se démarquer de l’insistance à outrance sur la rhétorique politique stérile. À travers cette révision, l’Afrique du Sud cherche à jouer un rôle à la mesure de son poids économique dans le continent, indique Sithembile Mbete, chercheuse au département de science politique à l’Université de Pretoria. La nouvelle équipe qui dirige le pays semble avoir pris conscience de l’importance d’un repositionnement de la politique étrangère du pays sur une trajectoire différente de celle suivie sous l’ancien président Jacob Zuma (2009-2018). La politique étrangère adoptée par l’Afrique du Sud depuis la fin du régime de l’apartheid en 1994 a fait l’objet de nombreuses analyses, qui ont souligné presque à l’unanimité l’incapacité de l’ANC, parti qui détient le pouvoir au pays depuis cette date, à se défaire de sa rhétorique de mouvement de libération. Cet échec a plongé le pays, selon ces analyses, dans l’isolement. «L’Afrique du Sud en Afrique : Superpuissance ou néocolonialiste ?» un ouvrage de Liesl Louw-Vaudran, célèbre analyste de l’Institut des études sécuritaires (ISS, basé Pretoria), est une référence dans ce sens. Selon ce bestseller, sorti en 2016, l’Afrique du Sud, sur laquelle reposaient de grands espoirs pour jouer un rôle constructif en Afrique après 1994, a projeté une image de pays hégémonique qui veut imposer sa volonté au continent. L’Afrique du Sud est souvent perçue comme une force néocolonialiste qui intimide les autres pays du continent afin de les obliger à adhérer à certaines décisions au sein des institutions multilatérales, en particulier l’Union africaine», indique l’auteur. Confié à Mme Sisulu, issue d’une famille de militants de premier rang, le département des relations extérieures engagera dans les jours qui viennent un diagnostic de cette situation avant de proposer une nouvelle approche aux questions africaines. Des sources du ministère, citées par les médias, ont indiqué que la chef de la diplomatie sud-africaine, qui a succédé en février dernier à Mme Maite Nkoana-Mashabane, veut régler le bilan négatif de cette dernière. Mme Sisulu estime que l’Afrique du Sud a essuyé de sérieux revers en Afrique, une situation qui impose, d’après les commentateurs sud-africains, la révision de l’approche de Pretoria à ses relations avec l’Afrique, en particulier les principaux acteurs sur l’échiquier continental. La responsable estime que les intérêts économiques doivent dorénavant déterminer la politique africaine du pays arc-en-ciel. Cette nouvelle orientation est en droite ligne de la politique du nouveau président sud-africain, qui a affiché, dès son investiture, sa volonté de ne ménager aucun effort pour faire sortir le pays de sa profonde crise économique. En avril dernier, Ramaphosa a dévoilé un plan visant à stimuler les investissements dans son pays. Il a ainsi désigné des envoyés commerciaux qui vont sillonner le monde, y compris l’Afrique, dans le but de drainer des investissements dans le pays.

«Les membres du panel chargé de la révision de la politique sud-africaine en Afrique focaliseront sur les aspects économiques, car le gouvernement Ramaphosa, dans sa totalité, adhère à la vision du Président, lui-même issu de la communauté d’affaires», indique le commentateur Dineo Bendile.
Outre la concentration sur l’Afrique, le recalibrage de la politique étrangère sud-africaine portera également sur une révision des relations de Pretoria avec les pays du groupe dit du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Un rapprochement plus fort avec les pays occidentaux, en particulier le Royaume-Uni et les États-Unis, occupera une place centrale dans l’ère Ramaphosa. Le rapprochement avec l’Occident a commencé à prendre forme dès le mois d’avril dernier, quand Ramaphosa a réussi à convaincre le gouvernement britannique d’accorder à son pays un financement de l’ordre de 800 millions de rands. Il s’agit ainsi d’un changement important de stratégie que Pretoria s’apprête à opérer. Cependant, les analystes politiques s’interrogent si ce realpolitik l’emportera face aux poches de résistance représentées par les factions de l’ANC nostalgiques de l’ère des confrontations idéologiques stériles.                                           

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