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«La priorité actuelle est de maintenir, consolider et améliorer le niveau de coopération judiciaire que nous avons acquis»

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Le Matin : Quelle lecture faites-vous de la relation de coopération judiciaire entre l'Espagne et le Maroc ?
José María Fernandez Villalobos
: Ma lecture est très positive. À mon avis, les relations entre l'Espagne et le Maroc en matière de coopération judiciaire méritent d'être qualifiées de très bonnes. Je pense qu'après une si longue période de coopération étroite entre les deux pays, en particulier depuis la création des Magistrats de liaison en 2004, cette coopération ne peut être menée d'une autre manière. Je suis sincèrement convaincu que la coopération entre les deux pays, qui découle de l’excellente relation qui existe depuis longtemps, s'est consolidée au fil du temps pour devenir un modèle de coopération qui pourrait servir d'inspiration à de nombreuses relations bilatérales qui existent dans la région euro-méditerranéenne.
Afin de bien comprendre la relation qui existe nos deux pays dans le domaine de la coopération judiciaire, je pense qu’il faut remarquer le fait qu'au-delà des instruments juridiques et du cadre réglementaire existants, la relation et la manière de travailler que nous avons développées et sur lesquelles nous basons notre coopération sont fondées sur la confiance mutuelle. Cela nous permet de travailler avec une fluidité et une capacité d'adaptation aux besoins et à l'urgence du cas spécifique qui était jusqu'à récemment difficile à réaliser.
Avec cela, je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de domaines susceptibles d’être améliorés ou des questions pour lesquelles nous devons continuer à chercher un point de rencontre afin de continuer à construire des solutions. Ce serait une erreur de négliger le fait qu'il reste encore un long chemin à parcourir et qu'il y a des aspects sur lesquels nous devons continuer à travailler. En définitive, nous devons continuer à rechercher en permanence l'excellence.
Ceci est nécessairement un processus de recherche, puisque nous sommes conscients du fait que la coopération judiciaire est un instrument dont l'utilité et l'efficacité dépendent de sa capacité à s'adapter à l'évolution inhérente de la société elle-même et, par conséquent, aux nouveaux scénarios et formes possibles de criminalité qui surviendront. Cela exige une sensibilité et un engagement particuliers de la part de tous les interlocuteurs concernés, ce qui exige que nous soyons toujours attentifs à ces domaines.
Quoi qu'il en soit, je suis convaincu qu'avec le modèle de coopération que nous avons déjà consolidé, fondé sur la confiance mutuelle que j'ai évoquée précédemment, malgré les difficultés et les défis éventuels à venir, les deux pays pourront toujours trouver un point de rencontre où nous pourrons continuer à travailler ensemble pour trouver des solutions efficaces à toutes les demandes de coopération qui nous attendent.

Quel rôle pour les magistrats de liaison ?
Pour comprendre la figure du magistrat de liaison, je pense qu'il pourrait être utile, en tant que première approximation générale, de savoir qu'il s'agit d'un professionnel ayant une excellente connaissance du système judiciaire de son propre pays (il s’agit généralement d´un magistrat ou d'un procureur), qui possède également une expérience consolidée dans le domaine de la coopération judiciaire internationale, une bonne connaissance du système judiciaire du pays hôte et, finalement, qui possède des qualités personnelles et techniques qui lui permettent de faciliter des relations humaines. En définitive, je crois que nous devrions définir le magistrat de liaison comme un diplomate de la justice. À un niveau plus spécifique, nous pourrions dire que notre rôle quotidien consiste essentiellement à travailler, en tant qu’interlocuteurs directs, entre les autorités judiciaires-gouvernementales compétentes de chaque pays responsables de la coopération judiciaire. Ce travail d’interlocuteur ne s’applique pas seulement dans les cas où une action spécifique est requise en vertu d'une demande expresse de coopération (par exemple, une commission rogatoire dans laquelle la déclaration du prévenu doit être faite ou une demande d'extradition), mais s’applique aussi dans un aspect plus large de la coopération entre les institutions judiciaires, comme c’est le cas de la coopération qui peut être nécessaire dans le domaine des relations institutionnelles entre, par exemple, le Conseil supérieur de la magistrature du Maroc et le Conseil général du pouvoir judiciaire espagnol, entre le Bureau du procureur général du Roi du Maroc et le Bureau du procureur général de l'État espagnol ou encore entre les ministères de la Justice des deux pays. L'objectif est donc de faciliter, avant tout, la coopération judiciaire entre les deux pays en facilitant la compréhension mutuelle des systèmes judiciaires et en augmentant la rapidité et l'efficacité de cette coopération.
À ce stade, je crois qu’il est important de savoir que dans le même rôle que j’ai, en tant que magistrat de liaison au Maroc, se trouve en Espagne, à Madrid, un autre magistrat de liaison, mais lui en représentation du Maroc avec les mêmes compétences. Il s’agit du magistrat Adel El Bouyayawi. Permettez-moi également de dire que je considère qu’il est un grand professionnel et un grand ami. Notre travail quotidien nous maintient en contact permanent et nous travaillons souvent côte à côte. Je crois personnellement que la figure du magistrat de liaison marque un tournant dans la manière de comprendre la coopération judiciaire.
Pour conclure, permettez-moi simplement de souligner que, dans le cadre des différentes conventions, tant multilatérales que bilatérales, signées par nos deux pays, les demandes de coopération peuvent aller, par exemple, de la simple transmission de documents, d'une notification ou d'une déposition, à la réalisation de procédures plus techniques qui peuvent inclure, par exemple, des écoutes téléphoniques ou la saisie de marchandises. Nous pouvons également trouver des demandes particulièrement urgentes et délicates parce qu'elles concernent des mineurs ou des personnes qui sont particulièrement vulnérables ou liées au terrorisme. Des demandes d'extradition ou de transfert de personnes condamnées peuvent également être présentées. Tout cela parmi beaucoup d'autres hypothèses possibles.

Quelles sont les priorités de cette institution pour la promotion des relations judiciaires entre les deux pays ?
Si je puis me permettre de faire la comparaison, nous sommes, à mon avis, comme des ponts qui facilitent la communication et la coopération judiciaire entre nos deux pays. Il est donc essentiel de s'assurer autant que possible que ce pont est utile pour ce pour quoi il a été construit. Il ne s'agit de rien d'autre que de surmonter la difficulté qui a empêché la poursuite de la route. Pour cette raison, s'il y a une priorité dans notre travail, c'est bien celle de garder ce pont toujours prêt à fournir le service pour lequel il a été créé. Dans notre cas, faciliter et améliorer la coopération judiciaire et institutionnelle dans le domaine judiciaire entre les deux États. Dans ce sens, il est nécessaire de se maintenir en alerte permanente, ce qui permet une capacité d'adaptation dans le domaine de la coopération judiciaire pour assurer, dans la mesure du possible, que les instruments de coopération dont nous disposons et leur cadre juridique soient toujours actualisés par rapport aux nombreux et nouveaux défis que l'évolution de notre réalité elle-même impose. 
Si nous nous accordons un moment de réflexion, nous verrons que la tendance de la criminalité organisée, en particulier la criminalité transnationale, évolue constamment et à la vitesse à laquelle évolue la société elle-même. À titre d'exemple, on pourrait mettre en évidence une tendance à la criminalité où la présence physique de l'organisation criminelle elle-même cesse d'être essentielle et passe au second plan. Compte tenu de l'existence d'un monde virtuel interconnecté dans le réseau, où la notion de frontière physique n’a presque plus de sens et devient insignifiante dans de nombreux types de criminalité, l'acte criminel lui-même est basé sur l'utilisation des nouvelles technologies, une criminalité pouvant reposer simplement sur la manipulation des informations du réseau internet ou sur l’accès à des données qui sont protégées, etc.
Nous devons également garder à l'esprit que, d'une part, et d'un point de vue purement statistique, le nombre de demandes de coopération judiciaire entre nos deux pays n'a cessé d'augmenter d'une année à l'autre, de manière inexorable. 
À mon avis, non seulement cette tendance ne diminuera pas, mais elle continuera d'augmenter. 
En plus de l'augmentation quantitative, l'aspect qualitatif des demandes de coopération est également en progression permanente en ce qui concerne la complexité des demandes soulevées. Par conséquent, les scénarios possibles changent à un point tel que nous ne pouvons oublier que ce qui est aujourd'hui un instrument utile pour lutter contre une certaine forme de criminalité peut devenir obsolète en peu de temps, en raison de l'évolution de la manière dont l'organisation criminelle elle-même agit. 
C'est à mon avis le grand défi du moment présent dans lequel nous nous trouvons. En tout état de cause, suivant l'approche générale que je viens de décrire et en guise de résumé, je pense que la priorité actuelle est de maintenir, consolider et améliorer autant que possible le niveau de coopération judiciaire en matière civile et pénale que nous avons acquis, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. n

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