Malgré les dernières pluies et leur impact positif sur la campagne agricole, la Banque mondiale maintient inchangées ses prévisions de croissance pour le Maroc. Dans son dernier «Rapport de suivi de la situation économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA)», publiée dans la nuit du 16 avril, l’institution de Bretton Woods table sur une augmentation de 3% du produit intérieur brut (PIB) marocain en 2018, soit 0,1 point de moins que la moyenne de la région MENA (3,1%). Pour la Banque, cette prévision pour le Maroc s’explique, d’une part, par la production céréalière qui retombera à son niveau moyen et, d’autre part, par le taux de croissance du PIB non agricole qui demeurera de 3% en l’absence de réformes structurelles plus décisives.
En clair, l’Institution estime que le modèle de croissance marocain montre des signes de faiblesse, «car sa viabilité est compromise par des obstacles qui pourraient, à divers degrés, entraver la poursuite des progrès». Aux yeux des économistes de la Banque mondiale, le modèle fondé sur la demande intérieure, en particulier l’investissement public, risque de ne pas produire de résultats en l’absence d’une forte augmentation de retombées positives des investissements et de la productivité. «La croissance observée au cours des 20 dernières années a essentiellement résulté de l’accumulation de capitaux publics, parfois dans le cadre d’opérations conjointes donnant lieu à des investissements étrangers directs dans les entreprises d’État qu’il sera difficile de soutenir sans accroissement de la productivité locale des facteurs», soulignent les experts de l’Institution. «Il importe donc que le Maroc s’oriente vers un modèle tiré dans une plus large mesure par les exportations, dans lequel le secteur privé joue un rôle plus important en tant que promoteur de la croissance et de l’emploi», préconisent-ils. En attendant de changement de modèle, l’économie marocaine n’a pas les capacités nécessaires pour générer une croissance inclusive, selon la Banque mondiale. Pour elle, la lenteur de la création d’emplois et les obstacles à l’entrée sont à l’origine de l’important chômage des jeunes et des personnes instruites.
La population en âge de travailler augmente de 300.000 personnes par an, les 129.000 emplois créés, pour une meilleure année, ne suffisent pas. Le taux de chômage des jeunes est deux fois plus élevé que celui de la population totale. Il s’est aggravé dans les zones urbaines depuis la crise financière pour passer de 31,3% en 2010 à 41% en 2016. «La persistance des facteurs de vulnérabilité et le manque d’inclusion continuent d’être les principaux défis que doit surmonter l’économie marocaine. Ils sont étroitement liés à l’absence d’institutions du marché inclusives et contestables, aux défaillances de la gouvernance du secteur public et au manque de formation de capital humain et de possibilités de trouver des emplois productifs ou de monter des entreprises dans des zones urbaines», estiment les économistes de la Banque. Pour conclure, les perspectives économiques du Maroc devraient s’améliorer à moyen terme (3,5% en 2019 et 3,7% en 2020) «à condition que les autorités demeurent déterminées à poursuivre des réformes approfondies et générales». Cela porte notamment sur la poursuite du rééquilibrage des finances publiques, la souplesse de la gestion du régime de change ainsi que la mise en œuvre de réformes structurelles dans des domaines essentiels. Entre autres, il est recommandé une réforme fiscale généralisée, avec la réduction des exonérations, des taux d’imposition des sociétés ainsi que le renforcement du recouvrement des contributions fiscales des personnes travaillant pour leur propre compte et les professions libérales. À noter que les prévisions de la Banque mondiale pour le Maroc en 2018 se situent entre celles des institutions nationales et internationales, dont 2,8% prévus par le HCP, 3,1% par le Fonds monétaire international et la Banque africaine de développement, 3,2% par le gouvernement et 3,3% par Bank Al-Maghrib et le Centre marocain de conjoncture.