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Le soufisme, un patrimoine d'une extrême richesse qui s'inscrit dans la profondeur de notre histoire

Le Festival de Fès de la culture soufie revient, du 20 au 27 octobre, dans sa 11e édition, faisant valoir de plus en plus sa thématique dans une ville prédisposée à accueillir ce genre de manifestations, de par le rôle édifiant qu’elle a, tout au long de l’histoire, joué dans le domaine religieux et spirituel. Cet événement vient renforcer le rayonnement de cette cité et lui conférer le privilège spirituel qu’elle mérite.

Le soufisme, un patrimoine d'une extrême richesse  qui s'inscrit dans la profondeur de notre histoire
Plusieurs Tariqa marocaines (Boutchichiya, Sqalliya, Sharqawiya, Rissouniya, Wazzaniya…) sont programmées lors du Festival.

Le président du Festival, Faouzi Skali ne ménage aucun effort pour promouvoir cette manifestation auprès du large public, aussi bien marocain qu’étranger. D’année en année, les sujets changent et les échanges autour du soufisme, au sens large du terme, se multiplient, à travers des tables rondes où des spécialistes d’ici et d’ailleurs viennent discuter et échanger avec leurs homologues. Un espace où les idées s’enrichissent et où les questions trouvent souvent leurs réponses.
Mais, il faut dire, comme le souligne Faouzi Skali, que le patrimoine culturel vivant du soufisme est d’une diversité et d’une richesse dont on peut difficilement rendre compte aujourd’hui. «Ce patrimoine est poétique, littéraire, artistique. Il s’exprime dans des centaines de langues et a profondément marqué depuis des siècles différentes sociétés, leurs arts et modes de vie. Il est pourtant rare d’appréhender le soufisme, qui est avant tout une voie et une pratique spirituelle, dans sa dimension culturelle en tant que patrimoine universel de notre humanité», précise-t-il, tout en se posant plusieurs questions autour du soufisme et des femmes et des hommes qui l’ont fait vivre jusqu’à nos jours. Et d’ajouter que «la prise de conscience de la réalité de cette matrice culturelle, du lien transversal qu’elle établit de fait entre plusieurs aspects, à travers le temps et l’espace, de ces enseignements, confréries et patrimoines du soufisme, est pour notre époque un enjeu essentiel». D’où la programmation de plusieurs Tariqa marocaines (Boutchichiya, Sqalliya, Sharqawiya, Rissouniya, Wazzaniya…), un concert de l’Ensemble Al Firdaus de Grenade avec Ali Keeler et Marouane Hajji, une clôture en compagnie des Derviches et chants spirituels du Cham, puis des tables rondes, tout au long de la période du festival, pour mettre en évidence cette culture soufie ancrée dans le temps et l’espace. Par ailleurs, le festival réserve aux fidèles de cet événement une ouverture singulière à travers la création artistique «Ode aux femmes mystiques», avec Carole Latifa Ameer, Leili Anvar, Françoise Atlan, Bahaa Ronda, Driss Berrada et l’Ensemble Rhoum El Bakkali de la Hadra Chefchaounia à Bab Al Makina.
Faouzi Skali considère que ces enseignements, confréries et patrimoines du soufisme participent d’une manière effective à notre culture soufie. «C’est un paradigme de civilisation par lequel peuvent s’élaborer des valeurs qui sans se vouloir hégémoniques sont néanmoins universelles. Celui par lequel on appréhende comme un enrichissement réel, dans notre monde d’aujourd’hui, la diversité des cultures et des religions. Un paradigme par lequel on peut mieux saisir les racines spirituelles des crises de notre temps. Celui enfin qui peut ouvrir la possibilité au cœur même de notre quotidien, dans un monde et parmi une jeunesse de plus en plus déboussolés, de penser et de cheminer vers une vie meilleure. Une vie porteuse de sens».


Questions à Faouzi Skali président du Festival

«La culture soufie nous offre aujourd'hui une magnifique matrice pour penser nos choix et orienter nos valeurs»

Peut-on évoquer le soufisme aujourd’hui de la même manière qu’on le faisait avant ?
Le soufisme est une culture spirituelle vivante qui prend des formes diverses selon différentes périodes et contextes historiques et géographiques. C'est un peu comme une eau vivifiante qui va s'adapter aux différents espaces qui vont l'accueillir. C'est d'ailleurs la différence qui existe entre une vraie spiritualité et les instrumentalisations idéologiques que l'on peut faire du religieux. De ce fait, cette émergence du spirituel dans le contexte de notre époque va prendre une forme et un langage qui répondent aux interrogations et aux besoins de celle-ci. Un mot revient à notre époque d'une façon permanente, le mot «crise». Nous parlons de crise économique, politique, écologique, etc., sans nous rendre compte que les racines de cette crise sont avant tout spirituelles. Ce n'est pas une façon d'évacuer les problèmes concrets qui secouent nos sociétés. Mais plutôt celle d'appeler notre attention sur le fait que ces crises sont aussi liées à nos philosophies, nos choix de vie et à la configuration et aux priorités de nos valeurs, que celles-ci soient individuelles ou collectives. Or la culture soufie nous offre aujourd'hui une magnifique matrice pour penser ces choix et orienter ces valeurs. Elle s'appuie pour cela sur un patrimoine d'une extrême richesse et diversité qui s'inscrit dans la profondeur de notre histoire, mais qui a, aussi, la capacité créative de se renouveler.

Peut-il atteindre les mêmes objectifs que se sont tracés les grands soufis de l’histoire ?
Nous devons renouer avec les grands textes et les grands auteurs du soufisme, tels Ibn Arabi, Rumi, al Jili, les textes poétiques de Rabiaa ou les sentences de sagesse d’Ibn Ata' Allah ou d'Ibn Abbad, tout en sachant que chacun doit entreprendre un périple qui lui est propre et que chaque expérience est unique. Nous avons la chance au Maroc d'avoir un héritage d'une incommensurable richesse, celui des voies ou des confréries soufies. Ce sont des écoles d'initiation spirituelle. Plus nous approfondissons notre propre voie, plus nous sommes à même de bénéficier de l'héritage spirituel et intellectuel de ces grands maîtres de sagesse du passé. Et finalement à rendre présent l'esprit – et non nécessairement la forme – de leurs œuvres et leurs enseignements aujourd’hui. C'est ce que nous avons voulu signifier en intitulant cette onzième édition : «Présence du soufisme».

Oui, justement vous avez choisi comme thématique de cette année «Présence du soufisme». Est-ce pour remettre en question cette présence ?
Effectivement, c'est aussi pour interroger le sens et la réalité de cette présence. Non pas seulement, comme je le disais, comme un héritage académique et historique, mais comme une philosophie, une vision du monde et une culture vivante. Parmi les nombreux conférenciers que nous invitons cette année, une cinquantaine de différents pays du monde, je suis heureux d'accueillir à nouveau une personnalité remarquable comme l'écrivaine et chercheuse libanaise Souad El Hakim qui est l'une des plus grandes spécialistes mondiales d'Ibn Arabi. Elle m'a souvent dit d'une façon humoristique que les pays musulmans ont ces derniers siècles essayé toutes sortes d'idéologies qui n'ont pas marché en omettant de prendre en compte une richesse réelle qui se situe depuis des siècles au cœur de leur histoire, celle de ce patrimoine culturel et vivant du soufisme. C'est en effet cette présence qu'il nous faut maintenant interroger de manière à ce que cela soit le départ d'un renouveau, comme le disait Mohammed Iqbal, d'une nouvelle dynamique de pensée et de créativité dans nos pays. La création artistique «Ode aux femmes mystiques» signifie que la femme avait toujours une place dans le rayonnement de cette culture.

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