Le message vidéo de Michael Moller, directeur général à l'ONU (Genève), sur le Festival de Fès de la diplomatie culinaire, a été on ne peut plus fort et clair quant à l’importance de cet événement. «Si la politique divise les hommes, la bonne table les réunit. Dans un monde qui a de la peine à s’identifier dans les valeurs fondamentales des droits humains, du développement durable et de la paix, la cuisine reste une valeur partagée, quotidienne et universelle». Dans un registre parallèle, le directeur général du Festival, Oussama Skali, indique que le rapport entre la qualité des produits, celle du goût et leurs effets sur le corps et l'esprit a, depuis des siècles, été mentionné dans plusieurs ouvrages d'Orient et d'Occident. Cette troisième édition prendra, ainsi, pour référence le livre «Cuisine et diététique dans l'Occident arabe médiéval», pour réfléchir à la façon d’intégrer, dans l’approche politique et diplomatique contemporaine, des dimensions culturelles essentielles dans une perspective de bien-être. Tout un ensemble d’enseignements que les intervenants aux nombreuses conférences mettront en exergue pour permettre un échange interculturel, aussi bien entre art gastronomique et prestations musicales.«Tout au long de ces débats fructueux, nous pouvons découvrir une mine d'informations pleines de créativité et de bon sens dans des ouvrages d'Andalousie médiévale tel celui de Tujibi, dans le patrimoine gastronomique marocain, dans les traditions amérindiennes du Mexique ou du Pérou, dans la tradition hindouiste ayurvédique, celle du Japon liée au shintoïsme et au bouddhisme, les conseils diététiques et psychospirituels de Hildegarde de Bingen», souligne Oussama Skali.
Ce dernier ne manque pas de préciser que pour assurer la réussite de l’événement, «de grands chefs ambassadeurs, des conférenciers de renommée internationale, spécialistes en la matière et de différentes cultures, sont conviés pour partager leur savoir et leur art avec le public et pour réinterpréter nos gastronomies respectives à la lueur de ces expériences séculaires et de ce que nous en dit et propose la science aujourd'hui». Cette politique ou diplomatie du goût sera, également, abordée sous la lumière d’ouvrages présentant cette thématique à travers plusieurs angles. Toutefois, l’assistance à cette édition aura le privilège d’apprécier, chaque soir, une tradition culinaire du Maroc aux côtés de celle d’un autre pays. C’est dans cet esprit que la tradition gastronomique marocaine cherchera à faire revivre un patrimoine d’une grande richesse et d’une grande authenticité qui reste ouvert aux influences et saveurs des différentes cultures du monde et à une nouvelle dynamique créative. De ce fait, la tradition hébraïque du Maroc rencontrera celle de la Tunisie au cours de la première journée du festival. Le deuxième jour, l’art culinaire arabo-andalou du Maroc rencontrera celui du Mexique, avec une performance artistique de l’Espagne. Puis, le troisième jour, c’est la tradition amazighe du Maroc qui sera mise en valeur avec celle de la France. Chaque jour, une création artistique sera contée en spectacle avec des musiciens et des chanteurs aux multiples influences.
Questions à Oussama Skali, directeur général du Festival
«Notre but est d’inscrire la gastronomie marocaine dans le patrimoine mondial de l’Unesco»
Au-delà des échanges interculturels qu’offre cet événement, quel est son objectif primordial ?
Nous aspirons avant tout à mettre en avant le patrimoine immatériel du Maroc à travers sa gastronomie, mais aussi de rassembler et fédérer les différents pays invités. Pas seulement à travers des dîners gastronomiques, mais aussi des conférences, des expositions artistiques, des projections de films et des concerts.Que prévoyez-vous comme nouveauté pour cette troisième édition ?
Nous avons deux nouveautés principales par rapport aux éditions précédentes. D’une part, nous avons établi une très belle coopération avec l’ambassade de Tunisie au Maroc, qui sera représentée pas les plus grands chefs de la République et les représentants des produits du terroir tunisien. D’autre part, pour la première fois, nous invitons à la «Table de la Méditerranée» un pays extra-méditerranéen, à savoir le Mexique, en coopération avec l’ambassade du Mexique au Maroc. Plusieurs surprises sont à prévoir, donc, lors de ce rendez-vous.La paix et la tolérance sont les mots clés du Festival. De quelle manière seront-ils mis en avant cette année ?
À l’heure où les tensions entre les communautés, aussi bien en Orient qu’en Occident, sont à leur maximum sur la scène internationale, ce Festival sera l’occasion de rappeler que notre Royaume est une terre de paix, d’ouverture et de tolérance. En ce sens, nous sommes très fiers de collaborer avec le centre Maïmonide (Centre de la communauté hébraïque de Fès-Oujda). Et ce, en remettant à l’honneur des traditions ancestrales qui ont été quelque peu oubliées. Par exemple, pour «le déjeuner des mille convives», nous allons honorer, en partenariat avec la province de Séfrou, la tradition du plat de la «Dafina», partagée entre juifs et musulmans.