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«Nous visons à atteindre 100.000 bourses dédiées à la formation professionnelle en 2019»

En marge de sa participation à la première édition du Forum africain sur la formation professionnelle qui s’est tenue à Dakhla les 21 et 22 décembre, Saïd Amzazi analyse dans un entretien accordé au «Matin» les enjeux de cette manifestation, notamment dans sa dimension liée à la coopération Sud-Sud. Le responsable gouvernemental fait le point par la même occasion sur la stratégie nationale relative à la formation professionnelle.

«Nous visons à atteindre 100.000 bourses dédiées à la formation  professionnelle en 2019»

Le Matin : La formation professionnelle, un des grands chantiers en cours au Maroc, a pris à travers ce Forum une forte dimension africaine. Pourquoi ce choix ?
Saïd Amzazi :
La formation professionnelle accompagne aujourd’hui tous les grands projets structurants au Maroc et doit devenir un levier par excellence de la promotion sociale et économique du pays. Mais nous avons également devant nous un grand chantier qui consiste à exporter notre modèle en Afrique. Le Maroc s’est déjà engagé dans cette voie dans la mesure où plusieurs conventions relatives à la formation professionnelle ont été signées dans le cadre des Visites Royales dans le continent. Des conventions permettant d’accueillir des étudiants africains au Maroc et d’accompagner la mise en place et le développement d’un certain nombre d’instituts dans plusieurs pays d’Afrique. Dans le cadre de ce Forum, nous avons souhaité partager l’expertise marocaine avec les pays africains amis et examiner les moyens de faire de la formation professionnelle un véritable levier de développement économique et social en Afrique. Le continent recèle de grandes richesses naturelles, mais surtout un capital humain extraordinaire composé majoritairement de jeunes. L’Afrique a un avenir grâce à sa jeunesse. Il faut absolument qu’on puisse profiter de cette richesse en accompagnant ces jeunes par la formation et la qualification dans différents secteurs, notamment dans les secteurs d’avenir tels que le digital, les télécoms, les énergies renouvelables, l’agriculture et l’industrie pétrolière et gazière. Aujourd’hui, le Maroc a acquis une expertise dans ces différents domaines et je pense qu’il a aujourd’hui la capacité de proposer un modèle de promotion de la formation professionnelle qui permettra de qualifier ces jeunes de manière à ce qu’ils puissent avoir un impact important sur l’économie de leurs pays.
Dans la même optique, nous avons choisi de créer une Alliance regroupant des pays africains autour de la question de la formation professionnelle. Cette Alliance est appelée à être un organe et un instrument de gouvernance important au service de la convergence des politiques publiques en termes de formation professionnelle, mais également un moyen d’avoir un interlocuteur avec les différents organismes bailleurs de fonds. Aujourd’hui, nous avons l’appui de la Banque islamique de développement (BID) qui nous fait confiance et qui va débloquer plusieurs bourses de mobilité destinées aux jeunes africains qui souhaitent suivre des formations au Maroc.

Ce forum est également l’occasion de faire le point sur la stratégie nationale relative à la formation professionnelle. Où en êtes-vous aujourd’hui par rapport à sa mise en œuvre ?
Le gouvernement marocain a élaboré une stratégie 2016-2021 qui vise à former quelque 10 millions de jeunes. Un objectif qui semble peut-être trop ambitieux, mais avec l’adoption en 2017 de la loi relative à la formation continue, nous allons pouvoir réussir ce pari. Nous nous sommes également engagés dans une dynamique de création, d’ici 2021, d’un certain nombre d’instituts de formation couvrant plusieurs secteurs. C’est une stratégie qui repose sur six axes majeurs dont chacun est concerné par une série d’actions.

• Dans le cadre du premier axe, qui concerne la diversification de l’offre de formation, il s’agit de mettre en place une formation inclusive au profit des différentes populations vulnérables (la population carcérale, les handicapés, les salariés en perte d’emploi, les jeunes sans emploi…). Mais aussi de revisiter cette offre de formation et de la réadapter aux besoins des professionnels.

• Le deuxième axe concerne quant à lui la pertinence de l’offre de formation. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de créer des instituts et de mettre en place des formations sans qu’il y ait une véritable demande des professionnels. Nous menons dans ce sens ce qu’on appelle des études sectorielles et des études d’opportunité. Nous élaborons des référentiels emploi-métiers et emploi-compétences pour pouvoir élaborer une ingénierie pédagogique et décliner une formation qui va répondre à un besoin donné du milieu socioprofessionnel. 

• Le troisième axe se base essentiellement sur la gouvernance du système. Il y a aujourd’hui plus de 14 secteurs qui opèrent dans la formation professionnelle, ce qui impose de travailler sur une convergence des politiques publiques dans ce domaine. 

• Le quatrième axe est lié à la mise en place d’une nouvelle gouvernance des centres de formation. Aujourd’hui, il existe plusieurs modèles, mais nous nous dirigeons vers ce qu’on appelle des instituts à gestion déléguée. Le département a implanté des centres au sein d’un certain nombre d’entreprises opérant notamment dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique, les énergies renouvelables et le textile, dont la gestion directe a été confiée aux professionnels. Le département continue à accompagner ces centres avec un budget de formation, mais l’objectif est qu’ils deviennent autonomes après un certain nombre d’années. L’entreprise a donc le devoir de former et d’insérer ces jeunes dans ces secteurs professionnels. Il y a également le modèle de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) qui a un mode de gouvernance de cogestion avec un certain nombre de professionnels. Un mode que nous sommes en train de revoir pour pouvoir donner plus d’implication aux professionnels.

• Le cinquième aspect concerne l’implication de l’entreprise en tant que bassin de formation. Il faut absolument qu’on puisse augmenter le nombre de formations par alternance et par apprentissage.

• Le dernier axe se rapporte au changement de la perception de la formation professionnelle et à la création des passerelles et des trajectoires professionnelles. Aujourd’hui, malheureusement, certains clichés continuent à ternir l’image de la formation professionnelle : ce sont les élèves qui échouent dans leurs cursus scolaires ou universitaires qui optent pour la formation professionnelle. Or dans les pays développés, tels que l’Allemagne et la Suisse, la formation professionnelle est le premier organisme qui permet une meilleure employabilité et la création de richesse pour les entreprises.
Nous planchons actuellement sur la mise en place d’un dispositif d’orientation précoce qui commence dès la fin de la sixième année de l’enseignement fondamental. Le but étant de pouvoir proposer, à partir de la troisième année du collège, des voies et des trajectoires de formation professionnelle ou autre. Nous sommes également en train d’augmenter le nombre de bourses octroyées à la formation professionnelle. Aujourd’hui, nous octroyons 380.000 bourses à l’enseignement supérieur et uniquement 10.000 à la formation professionnelle. Nous avons commencé cette année par élever ce nombre à 60.000 et j’espère qu’on arrivera à 100.000 l’année prochaine pour pouvoir inciter les jeunes à aller vers la formation professionnelle.
L’autre point qui est de la plus haute importance est la question de la qualité. Aujourd’hui, il faut absolument qu’on puisse mettre en place des mécanismes et une démarche de qualité dans le système. Cela passe d’abord par la formation des formateurs. Nous n’avons toujours pas de centres de formation dédiés à la formation des formateurs, mais nous sommes en train de remédier à cette situation avec un premier centre qui est en cours de réalisation à Tamesna. Toujours dans le cadre de la qualité, nous sommes également en train de revoir les contenus et d’adopter une approche par compétence pour que les jeunes puissent acquérir des compétences professionnelles et non pas se contenter d’assimiler du contenu. La maîtrise des langues étrangères est l’autre point essentiel dans cette démarche qualité. Aujourd’hui, il faut que ces jeunes puissent parler correctement, se présenter correctement, travailler en équipe, avoir un certain nombre de valeurs et une personnalité forte pour qu’ils puissent s’insérer aisément dans le milieu socioprofessionnel.

Qu’en est-il de la rencontre nationale sur l’emploi et la formation évoquée dans le Discours Royal du 20 août dernier ?
Nous avons créé une commission au sein de la Présidence du gouvernement, dans laquelle les différents départements ministériels opérant dans le domaine de la formation professionnelle sont présents. Nous avons organisé deux ateliers préliminaires au niveau des départements de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle pour pouvoir attaquer l’épineux problème de l’adéquation formation-emploi. Le ministère du Travail et de l’insertion professionnelle a, pour sa part, organisé un atelier sur les mécanismes de promotion de l’emploi, alors que le département de l’Industrie a, de son côté, organisé un atelier sur l’entrepreneuriat. Après avoir présenté ce projet, Sa Majesté le Roi nous a demandé d’impliquer les régions, dans la mesure où la région est la structure la plus qualifiée pour créer de l’emploi en fonction d’une demande régionale, sachant que les régions ont également les compétences de la formation professionnelle. Il nous a également demandé d’impliquer le secteur de l’Agriculture où les possibilités de création d’emplois sont considérables. Aujourd’hui, nous sommes en train de revoir cette feuille de route et le contenu de ces rencontres pour impulser une véritable dynamique régionale. Nous avons convenu qu’il devrait y avoir au sein de chaque région des rencontres régionales sur la formation professionnelle pour qu’on puisse avoir une remontée de doléances régionales et les présenter pendant ces rencontres. Je pense que ces rencontres ne peuvent pas avoir lieu avant fin mars, car il faudrait qu’on donne suffisamment de temps à ces régions pour leur permettre de dégager une véritable stratégie régionale en matière de formation professionnelle. 
Entretien réalisé par notre envoyée spéciale à Dakhla Mounia Senhaji

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