Menu
Search
Vendredi 26 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 26 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Nation

«Nous voulons que les entreprises marocaines et belges travaillent ensemble en Afrique»

Dans un entretien accordé au «Matin» au terme de sa visite au Maroc, le vice-Premier ministre et ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, revient sur l’évolution des relations entre les deux Royaumes et les défis qu’ils sont appelés à relever ensemble dans l’avenir. La sécurité, la migration, la lutte contre la radicalisation, la gestion des affaires cultuelles, mais surtout la coopération triangulaire avec les pays africains, ont été au cœur des entretiens que M. Reynders a eus avec nombre de hauts responsables marocains.

«Nous voulons que les entreprises marocaines  et belges travaillent ensemble en Afrique»
Didier Reynders, vice-Premier ministre et ministre belge des Affaires étrangères et européenne

La Matin : Vous avez déclaré que vouliez une ambassade qui soit à la hauteur des relations belgo-marocaines. Comment se portent ces relations aujourd’hui ?
Didier Reynders :
D’abord, ce sont des relations très anciennes et qui sont de très bonne qualité, que ce soit dans le domaine culturel, académique, d’échanges, des relations entre personnes, mais aussi sur le plan économique. Cette année, nous allons tenter de renforcer davantage ces relations par un certain nombre d’actions. La plus spectaculaire sera probablement la mission économique que nous allons mener au mois de novembre prochain avec la princesse Astrid. Quelque 4.000 participants sont déjà annoncés (chefs d’entreprises, responsables d’universités…) pour venir travailler avec le Maroc. Ce qu’on veut faire à travers cette mission, ce n’est pas seulement de l’investissement et du commerce, mais aussi trouver le moyen de travailler ensemble dans l’Afrique, c’est-à-dire faire en sorte que, de manière trilatérale, des entreprises marocaines et belges aillent ensemble à la recherche de marchés et d’investissements dans d’autres pays d’Afrique. On pourrait également accompagner le développement du secteur industriel au Maroc. L’enjeu concerne également des domaines qui nous ont rapprochés ces dernières années, tels que la migration et la sécurité. Aujourd’hui, il y a un véritable phénomène migratoire subsaharien vers le Maroc qui fait que le pays est confronté à des difficultés que nous avons également rencontrées avec les mouvements de migration de l’Afrique vers l’Europe. Et donc, nous pouvons échanger et travailler ensemble sur ces sujets.
Il y a également le thème sécuritaire qui nous a également rapprochés suite aux dérives en Syrie et en Irak et les combattants étrangers qui y sont allés, et aussi les attentats commis sur nos territoires ou récemment en Europe. Ce sont des domaines dans lesquels nous voulons vraiment avancer et montrer que la relation peut s’intégrer beaucoup plus fortement quand on parle de lutter contre la radicalisation ou quand on parle de développer l’activité économique. Il est vrai qu’il existe parfois des gestes symboliques qu’il faut faire, et je pense que la construction d’une nouvelle chancellerie est aussi un geste qui démontre notre volonté d’être bien ancré au Maroc à travers cet investissement à Rabat de 2,7 millions d’euros qui va nous permettre de redéployer notre présence diplomatique, outre bien entendu la résidence de l’ambassade de Belgique à Rabat, fréquentée très souvent par les Marocains.

Durant votre visite au Maroc, vous avez rencontré plusieurs responsables marocains. Quels ont été les principaux dossiers que vous avez examinés ensemble ?
En premier lieu, la préparation de la mission économique dont je vous ai parlé et qui sera là à la fin de l’année. J’en ai discuté avec le Chef du gouvernement et les ministres de l’Industrie et des Affaires étrangères. Nous avons lancé un long processus pour préparer le terrain aux entreprises afin qu’elles puissent travailler ensemble quand elles viendront à l’automne prochain. Le deuxième dossier, c’est évidemment le renforcement de la collaboration, notamment en matière sécuritaire, qui a été au centre de mes entretiens avec le ministre de l’Intérieur en clôture de cette visite. Nous avons des accords d’échange avec le Maroc dans le domaine des Renseignements que nous voulons intensifier. Et puis, il y a bien entendu le dossier de l’immigration où il faut faire en sorte de mieux appréhender la gestion des déplacements des populations sans les regarder comme des flux migratoires entre le Maroc et l’Europe. Car aujourd’hui, le Maroc vit également l’arrivée de migrants venant de pays subsahariens. Alors, j’ai toujours dit : nous allons bien entendu devoir accueillir ces réfugiés, des gens qui courent des risques chez eux pour différentes raisons, notamment à cause des conflits armés, et nous avons l’obligation et le devoir moral de le faire. En parallèle, nous devons trouver le moyen de relancer une dynamique de migration légale et faire en sorte que le Maroc puisse accueillir un certain nombre de personnes venues du reste de l’Afrique et que pouvons aussi accueillir sur le territoire européen de manière légale. Ceci est un débat qu’on va devoir ouvrir. Je viendrai d’ailleurs à Marrakech au mois de mai pour le processus de Rabat, cette réflexion sur la migration, puisque nous sommes dans le comité de pilotage et on reprendra cette 
discussion.

Vous vous êtes également entretenu avec le secrétaire général de la Rabita Mohammédia des oulémas. Quel a été l’objet de cet entretien ?
Brièvement, je dirais que la première chose était d’abord de comprendre. Je souhaitais mieux comprendre la façon dont le culte musulman est organisé et géré en relation avec l’État. La deuxième chose, c’était de se dire : est-ce qu’il y a moyen chez nous de tirer une leçon de ce qui se fait au Maroc en l’adaptant bien entendu au contexte européen et belge, en particulier cette séparation entre l’État et les convictions religieuses ou philosophiques en matière de formation ? Comment former les enseignants de religions, les imams, les aumôniers ? Et puis, il y a eu le débat de la radicalisation : comment à long terme lutter contre la radicalisation, empêcher que les jeunes continuent dans des lieux de culte, mais surtout sur Internet, à se radicaliser ? Mais aussi comment faire pour déradicaliser tous ceux et celles qui vont rentrer du Jihad ? C’est un enjeu majeur, car nous allons être confrontés au retour des combattants, mais aussi de leurs compagnes qui ont parfois fait le chemin avec eux, ou d’enfants qui sont nés ou qui ont grandi là-bas, au milieu des conflits. La question qui se pose est comment les accueillir et les réintégrer dans les sociétés marocaine et belge.

Lisez nos e-Papers