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20e Congrès Profamille : Le rôle des familles en question

20e Congrès Profamille :  Le rôle des familles en question

Les travaux du 20e congrès annuel du Réseau francophone «Profamille» ont démarré jeudi à Marrakech. Cet événement de deux jours se tient cette année sur le thème «Programme Profamille : un projet d’alliance soignant-famille», pour mettre en avant le rôle important joué par les familles dans la prise en charge de leurs proches malades. 
Organisé par l’Association Chams Tansfit pour la Santé mentale en partenariat avec l’Association Sila pour la santé mentale, le CHU Mohammed VI, l’hôpital psychiatrique Ibn Nafis et la clinique villa des lilas, ce rendez-vous, dédié habituellement aux membres du réseau Profamille, s’ouvre cette année à l’ensemble des acteurs de santé, aux associations et à toutes les personnes concernées par le champ de la santé mentale, afin d’aborder les difficultés rencontrées par les équipes dudit programme et les pistes pour les contourner. «Ce Congrès constitue une occasion de rappeler les impacts positifs du programme Profamille qui a démontré un effet net sur l’amélioration du fonctionnement du malade, la réduction du nombre de réhospitalisations et de suicides, mais aussi sur l’amélioration de la qualité de vie et la santé des familles. Grâce à la réduction du nombre d’hospitalisations, ce programme s’avère aussi économiquement pertinent. Notre objectif est de faire participer le plus grand nombre de familles à ce programme», ont indiqué les participants à ce conclave organisé sous l’égide du ministère de la Santé et de l’Association mondiale de psychiatrie sociale (WASP). Au cours de ces deux jours, les professionnels de la santé mentale animeront des conférences et des ateliers pour partager et échanger autour des pratiques et des enjeux du programme Profamille. Il s’agira d’une formation continue à plusieurs niveaux à travers le partage d’expériences, les bilans d’évaluation et les ateliers spécifiques de formation. 


Entretien avec Hachem Tyal, psychiatre, psychothérapeute

«Les familles sont l’élément le plus important dans la prise en charge des malades et leurs efforts doivent être absolument reconnus»

Le Matin : Vous faites partie du comité des organisateurs de la 20e édition du Congrès Profamille. Parlez-nous des objectifs de cet événement ?
Hachem Tyal
: Tout d’abord, il faut savoir que le programme Profamille est un programme d’origine québécoise qui existe en Europe depuis 1993. Mais il n’a commencé à s’y développer réellement qu’à partir des années 2000 dans le cadre d’un réseau qui réunissait des associations de familles de malades et de professionnels de la santé. Ce programme est particulièrement intéressant, car c’est le seul programme à l’échelle internationale qui a été véritablement évalué, validé et qui a donné ses preuves quant à son efficacité et a permis de réduire de pratiquement 50% le taux de réhospitalisation et de suicide de patients. Le Congrès Profamille en est cette année à sa 20e édition et c’est la deuxième à avoir lieu au Maroc. Il regroupe pas moins de 75 équipes du réseau, soit environ 200 participants qui vont discuter et échanger autour de leurs expériences pour permettre à ce programme d’être plus efficient et de toucher encore plus de personnes.

Quel est le programme de ce congrès et comment pourra-t-il aider les familles dans la prise en charge de leurs proches souffrant de troubles mentaux ? 
Le programme de la 20e édition du Congrès Profamille est décliné en deux parties. La première journée est ainsi ouverte à tous les professionnels de la santé et aux familles qui peuvent assister aux interventions et interagir avec les orateurs, ce qui les aidera à mieux prendre en charge leurs proches malades pour ce qui concerne les familles et leurs patients pour ce qui est psychiatrie. La deuxième journée, quant à elle, sera plutôt technique, donc exclusivement consacrée à l’échange entre les animateurs du programme et les professionnels de la santé mentale, dans le but de développer les compétences particulières des intervenants dans le programme et affiner leurs connaissances de celui-ci. 
Il faut noter, par ailleurs, que l’impact du programme Profamille sur les familles de patients souffrant de troubles mentaux est très important. Il leur permet de se doter d’outils de gestion des problèmes posés par leurs proches, car l’essentiel du temps que passe le malade est avec sa famille, en particulier les mères qui sont souvent désemparées face à tous les problèmes qu’elles vivent au quotidien avec leurs enfants. Je pense ici à l’opposition de celui-ci, son incurie, ses troubles du comportement, son recours aux toxiques… Ce programme leur permet alors de se sentir plus à l’aise et de mieux gérer ces problèmes.

Quel rôle peut jouer la famille dans la prise en charge d’un proche malade ?
Les familles sont malheureusement les grandes oubliées de la prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux, même si leur rôle est fondamental. Quand la maladie est chronique, il n’y a pas souvent grand-chose à faire du point de vue médical, dès lors que le patient est relativement stabilisé par un traitement adapté. Les spécialistes font une évaluation et réajustent le traitement médicamenteux à chaque consultation. Le travail psychothérapeutique et surtout psychoéducatif indispensable est souvent insuffisamment réalisé, comme l’accompagnement des familles. Le malade, quand il a la chance d’habiter à côté d’un centre de réhabilitation psychosociale (parce qu’ils ne sont pas nombreux), y sera pris en charge uniquement durant la journée, et pas forcément tous les jours. Ce sont donc les familles qui font l’essentiel du travail d’accompagnement. Elles sont constamment dans une énorme souffrance, presque permanente, leur vie est complètement remise en question, mais on ne tient malheureusement pas compte de cela, on ne leur reconnaît même pas cela. Pourtant, elles sont l’élément le plus important dans la prise en charge des malades et leurs efforts doivent être absolument reconnus et mis en avant.

Est-ce que vous pensez que les familles marocaines sont suffisamment sensibilisées à ce sujet ?
Les familles marocaines ne sont pas du tout sensibilisées à ce sujet. Il faut convenir du fait que les professionnels de la santé mentale ne donnent pas toute sa place à l’accompagnement des familles, ce qui est regrettable même si on peut le comprendre par ailleurs, eu égard au manque criant de psychiatres dans le pays. Cela commence un peu à changer, nous ne pouvons que nous en réjouir. Heureusement que les associations font un travail de sensibilisation important pour valoriser l’accompagnement effectué par les familles.

Depuis quand le programme Profamille existe-t-il au Maroc ? Et quelles sont ses principales actions au Royaume ?
Le programme existe au Maroc depuis une dizaine d’années. Il a été développé essentiellement entre les associations Amali, Sila et Chams, qui se trouvent respectivement au niveau des villes de Casablanca, Rabat et Marrakech. Nous espérons pouvoir développer ce programme dans tout le pays. Notre objectif est de sensibiliser les responsables pour créer des centres de proximité dans toutes les préfectures du Royaume qui accueilleraient des malades, d’une part, pour accueillir les patients en vue de réaliser avec eux un travail de réhabilitation psychosociale durant la journée et, d’autre part, afin de recevoir les familles pour travailler avec elles le programme Profamille que nous sommes en train de traduire en arabe, ce qui est une première dans le monde arabe. 

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