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«À fleur de mondes» ou les visages exprimant ce qu’on ne voit pas

La Villa des arts de Rabat accueille, du 12 novembre au 30 décembre, la nouvelle collection de Bouthaïna Azami qu’elle a intitulée «À fleur de mondes».

«À fleur de mondes» ou les visages exprimant ce qu’on ne voit pas

Beaucoup de visages de femmes, dont on peut retenir, parfois, l’expression, l’émotion ou encore les traits, et qui racontent bien des choses. Le critique K.M. Ammi considère que l’œuvre de Bouthaïna s’inscrit dans la continuité de celle de Courbet. Celle radicale, décisive, qui a changé notre perception de l’art. «Bouthaïna se glisse dans la chair, cette enveloppe trompeuse – qui dit notre désarroi, par chacun de ses frémissements – pour ne traquer rien d’autre que ses émois». C’est pour nous dire, en chuchotant presque, ajoute-t-il, telle est sa délicatesse, que la peinture est un aveu de faiblesse, une façon de reconnaître sans aigreur que le monde a triomphé et que le peintre est seul et qu’il n’a pour seul pouvoir que cette illusion tenace qui le fait résister, à la manière d’un illustre chevalier, qui a perdu sa vie à se battre seul contre des ombres et des fantômes, dans un immense désert peuplé d’ombres et de fantômes.
«C’est la reconnaissance de ce paradoxe qui fait la valeur de son œuvre. Nous n’avons pas besoin de héros qui triomphent, mais de gens, qui disent combien il leur coûte d’exercer, vaille que vaille, le dur métier de vivre, pour reprendre les splendides mots de César Pavese, qui n’ont pas pris une ride depuis qu’ils furent énoncés». C’est là où on ressent la sensibilité de l’artiste Bouthaïna, l’émotion avec laquelle elle peint ses tableaux, sans aucune influence externe. Elle est vraie, avec ses couleurs et son pinceau, extériorisant ce qu’elle perçoit de son plus profond intérieur. «Les corps, Bouthaïna Azami les peint avec l’œil qui tremble, surpris de voir ce qu’il voit, découvrir ce qu’il ne soupçonnait pas. Si l’on pense ici ou là à Manet, Matisse ou Bonnard, Bouthaïna ne s’en est pas laissée imposer par ses glorieux aînés. Elle peint avec une rage rentrée, une sincérité surtout et une grande sensibilité», souligne K.M. Ammi.

Les vingtaines de ses portraits dévoilent bien des choses, si tragiques qu’on peine à les concevoir. «Ce travail fait écho, sur une musique lancinante, à des portraits, qui s’efforcent de taire ce qui ne peut être énoncé à haute voix. Il y a des rêves, des réminiscences, des miroirs, des lys noirs, des trahisons, des offrandes... Cela s’appelait à fleur de mondes. Ce n’est pas pour rien, on l’imagine. Le monde encore et toujours. Le monde et rien que le monde», explique Ammi, très conscient que les artistes voient le monde mieux que nous, que leur perception est plus profonde. En témoigne le beau texte écrit par l’artiste elle-même où elle dévoile sa vision du monde et des femmes de ce monde. Elle le termine avec : «Un jour, une femme, pour crever les silences avant qu’ils ne te prennent, que ne tombent les voiles des contes enchantés, fera trembler les murs jusqu’au ventre de la terre. Et la pierre fusera feu, s’ouvrira sources fusant des fissures. Et tu verras alors les oiseaux venir s’abreuver juste au creux de son cou, un jour, un jour de printemps d’oiseaux libres». 

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