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La barre placée très haut pour la réforme fiscale et déjà des engagements

 La troisième édition des Assises nationales sur la fiscalité a permis de placer haut la barre pour opérer une réforme fiscale audacieuse. Une réforme dépositaire d’espoirs qui dépassent la simple quête de l’équité fiscale, car en toile de fond, c’est tout le système socio-économique du pays qu’il faut considérer. Le nouveau modèle de développement à l’étude est tributaire de cette grande réforme fiscale que tout le monde attend et vice versa. La question a été examinée sous toutes les coutures avec un débat relevé, des idées, des pistes, une programmation et même des engagements.

La barre placée très haut pour la réforme fiscale et déjà des engagements
Les 3es Assises de la fiscalité ont bien montré le travail de préparation des différentes parties prenantes pour avancer rapidement sur le grand chantier de la réforme. Ph. Saouri

Les troisièmes Assises de la fiscalité auront été un moment fort et mobilisateur, permettant de franchir un pas décisif vers la tant attendue réforme du système fiscal marocain. Cet événement, qui clôt ce samedi à Skhirate ses deux jours de travaux, s’est présenté comme une consécration d’un travail laborieux et méticuleux qui aura duré plus de trois mois avec une très large contribution de toutes les parties prenantes. Le moment était donc à l’insistance sur les grands principes qui devront régir cette réforme, à leur affinement, mais aussi à l’enrichissement du débat par de nouvelles pistes de réforme. L’objectif étant de parvenir à une réforme large, bien réfléchie et profonde, indique Saâd Eddine El Othmani, Chef du gouvernement, qui a pris part à l’inauguration des Assises. Et ce, pour une finalité que la plupart des intervenants ont relevée et soulignée, à savoir contribuer à la construction du nouveau modèle de développement, un des chantiers stratégiques en cours. Aborder la question du développement par une réforme fiscale n’est, d’ailleurs, pas vraiment un choix, mais une nécessité, comme l’ont affirmé des intervenants, notamment Salaheddine Mezouar, président de la CGEM, et Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’union douanière qui a pris part à cette grand-messe. Saluant cette réforme fiscale engagée par le Maroc, ce dernier a, en effet, relevé qu’elle s’insère dans un changement de paradigme mondial où l’équité fiscale et la lutte contre la fraude fiscale sont devenues des priorités pressantes. Le commissaire européen a, d’ailleurs, considéré son invitation à cet événement comme «un signal fort» à l’UE, dont les relations avec le Maroc connaissent un «retour en force». 

L’équité fiscale est ainsi consacrée par les initiateurs et meneurs de cette réforme comme la quête première. L’enjeu est de taille. Les chiffres actualisés annoncés par des intervenants mettent bien en évidence une forte concentration fiscale. En effet, la moitié des recettes des trois impôts réunis - IR, IS, TVA - provient uniquement de 140 entreprises, a révélé Mohamed Benchaâboun. De même, a ajouté l’argentier du Royaume, 73% des recettes de l’IR proviennent des salaires, contre 5% seulement de l’IR professionnel. La contribution d’un salarié est 5 fois plus importante que celle d’un professionnel et 3% seulement des professionnels paient 50% de l’IR professionnel. Concernant l’IS, 1% seulement des entreprises pèse 80% des recettes. 
Cette «grande concentration fiscale» ne peut s’expliquer par la seule concentration économique, martèle le ministre de l’Économie et des finances. 84 entreprises seulement s’acquittent de 50% de l’IS. Ces mêmes entreprises ne représentent que 28% du chiffre d’affaires global et 40% de la valeur ajoutée totale. Le ministre en déduit que cette situation ne peut être expliquée par la «non-conformité fiscale d’une grande partie des entreprises soumises à l’IS».  Par ailleurs, 2 entreprises sur 3 soumises à l’IS sont des déficitaires chroniques. «Dès lors, comment envisager sereinement la suppression de la cotisation minimale présentée par la plupart des contributeurs comme une ponction juste et inéquitable ?», s’interroge Benchaâboun. Cette réserve n’est pas partagée par Mohamed Berrada, président du comité scientifique des Assises, qui appelle franchement à la suppression de cette cotisation qu’il juge injuste, puisqu’elle aggrave la situation des entreprises qui enregistrent effectivement des pertes et qui souffrent. 

La TVA est à son tour marquée par une grande concentration, puisque 50% des recettes proviennent de 150 entreprises seulement, selon Benchaâboun.
Cette situation est amplifiée par les incitations fiscales qui représentent environ 30 milliards de DH, soit 2,5% du PIB, relève-t-il. Pour remédier à cette situation, le ministre propose d’envisager le remplacement de ces dérogations par des dotations budgétaires aux opérateurs économiques.  Le ministre insiste également sur le principe qu’aucun secteur d’activité économique ne doit rester en dehors de l’impôt. Le principe est que tous les contribuables doivent déposer leurs déclarations même quand ils sont exonérés ou imposés au taux zéro.  Globalement, la réforme à opérer doit, selon le ministre de l’Économie et des finances qui renvoie aux travaux préparatoires de ces Assises, avoir pour enjeux notamment la simplification, la clarification, l’harmonisation et la lisibilité du texte fiscal, dans le cadre d’un seul et unique Code général des impôts.

Benchaâboun insiste également sur l’élargissement de l’assiette fiscale. Il s’est d’ailleurs engagé à allouer chaque dirham qui sera apporté par cet élargissement de l’assiette à la baisse des taux et aux dépenses sociales. Ce qui dépasse les attentes, a reconnu Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental, qui avait préconisé qu’un tiers de ces gains soit destiné à la consolidation budgétaire. Tout en soulignant l’importance du respect de cet engagement, Chami a profité de sa participation aux Assises pour rappeler les recommandations du CESE et insister sur l’engagement de grandes ruptures dans cette réforme. Pour mener à bien ce grand chantier fiscal, plusieurs autres idées ont été avancées, notamment par le président du comité scientifique des Assises qui dit avoir reçu énormément de suggestions. Parmi les pistes qu’il défend figurent notamment l’impôt progressif, la fiscalité de groupe, l’intégration de l’informel par un système simple, l’extension de la TVA à tous les secteurs économiques et la révision des barèmes de l’IR. Toutefois, nuance Berrada, la fiscalité n’est qu’un instrument parmi d’autres qu’il faut activer pour faire face à une situation marquée, notamment par la montée du chômage des jeunes et les inégalités. Autant dire qu’il faut une vision globale où plusieurs paramètres entrent en jeu et exercent un impact mutuel. Tout un programme, dont le commencement sera certainement la transformation des recommandations de ces Assises en loi-cadre qui fera loi pour les cinq prochaines années. 

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