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« C’est tout à fait notre intérêt que le Maroc devienne notre partenaire global stratégique»

Intervenant le 3 juin 2019 à Skhirate lors de la conférence «Quelles perspectives de partenariat pour les relations Maroc-UE ?», le ministre espagnol des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération a résumé ce que devraient être les relations Maroc-UE ainsi que les initiatives à prendre pour les consolider. C’est cette vision qui a été confirmée le 27 juin dernier, lors de la 14e session du Conseil d’association Maroc-UE au cours de laquelle «le partenariat euro-marocain de prospérité partagée» a été lancé.

« C’est tout à fait notre intérêt que le Maroc devienne  notre partenaire global stratégique»

Le Maroc est déjà depuis longtemps un partenaire fondamental de l’Europe. Le moment est venu pour que cette qualité se reflète pleinement dans notre relation à tous les niveaux, à travers une ambition politique accrue, une coopération approfondie dans tous les secteurs clés et un niveau de financement stable, à la mesure de nos objectifs. Le Conseil d’association de juin doit incorporer ce niveau d’ambition dans une Déclaration politique qui ne laisse aucun doute sur notre détermination commune à faire un bond en avant dans notre relation.
Sans renoncer à son identité propre et à son rôle clé au Maghreb et en Afrique, le Maroc a mis le cap sur l’Europe. C’est un pays qui, sous la haute direction de S.M. le Roi Mohammed VI, a misé sur la démocratie multipartiste, sur l’économie de marché, sur les solutions pragmatiques et modérées aux tensions religieuses et sur la modernisation. Voici quelques éléments constitutifs de son identité dénommée «l’exception marocaine». Le Maroc a toujours exprimé sa plus haute ambition pour ses relations avec l’Union européenne et c’est le seul pays du Voisinage méridional à avoir célébré un sommet avec l’UE, en 2010 à Grenade.

C’est tout à fait notre intérêt que le Maroc devienne notre partenaire global et stratégique *
Pour le Maroc donc, dans cet exercice, «the sky is the limit». Je crois que l’UE commettrait une erreur si elle restait en deçà de cet objectif. C’est tout à fait notre intérêt que le Maroc devienne notre «partenaire global stratégique».
La réalité est incontournable. Le Maroc, puissance atlantique, contrôle aussi les portes de la Méditerranée et les routes vers l’Afrique subsaharienne. Son importance stratégique est de premier ordre au sein d’une Méditerranée Sud bouleversée et d’un continent africain en pleine éclosion démographique. C’est un pays qui mène une politique étrangère active et responsable en Afrique et sait combiner générosité et efficacité face au défi migratoire. Dans ce dernier domaine comme dans tant d’autres, tels que la sécurité. Un domaine dans lequel le Maroc a fait ses épreuves comme partenaire fiable et efficace de l’UE. Le moment est venu pour un bond en avant tel que l’exigent les nouvelles circonstances et les défis qui se profilent déjà à l’horizon : il nous faut un nouveau cadre et un contenu renouvelé pour nos relations.
Le Maroc a toujours eu une relation exceptionnelle avec l’Europe, qui déborde le cadre même de la relation de voisinage. Si on veut l’approfondir, il faut commencer à penser au-delà de l’actuel Accord d’association, se pencher sur la question d’un cadre approfondi pour l’avenir. Je rappelle ici le processus actuel de réforme de l’Europe, y compris les conséquences du Brexit et la future relation avec le Royaume-Uni. L’UE doit entamer une réflexion sur son organisation interne et ses cercles d’association avec ses voisins et ses alliés les plus proches. Le Maroc est emblématique pour une telle réflexion.
Concernant le contenu, la même ambition doit diriger nos efforts. Le Maroc veut et doit faire des progrès urgents dans de nombreux domaines pour avancer au sein de sa trajectoire européenne et pouvoir faire face aux défis du XXIe siècle. L’UE a tout intérêt à l’appuyer et l’accompagner dans ce parcours. C’est d’une relation globale dont il s’agit qui s’étale sur tous les domaines politiques et socio-économiques. Je veux m’attarder sur quelques-uns qui sont particulièrement importants, ciblés d’ailleurs dans les documents européens et marocains.
En premier lieu, tout ce qui concerne l’éducation, la formation et la création d’emploi, les trois secteurs sont liés. La coopération doit à son tour être soutenue par le renforcement des capacités administratives marocaines. L’expérience espagnole avec les twinnings (jumelages) administratifs est très positive, je pense qu’il y a ici un terrain fertile à défricher. Dans ce domaine et d’autres de la sphère socio-économique, l’Espagne a entamé un processus de réflexion au niveau interministériel pour faire valoir à l’échelle européenne son expérience de coopération bilatérale avec le Maroc, et sera prête à soumettre des suggestions concrètes quand le moment sera venu d’entrer dans le détail de la programmation.


Sur la question migratoire, l’Europe doit de toute urgence donner un appui beaucoup plus considérable dans ce domaine, équivalent à celui qu’on a accordé à d’autres pays
En second lieu, la politique étrangère. L’UE doit soutenir l’effort de projection extérieure du Maroc vers le Maghreb et l’Afrique, dans un certain sens, c’est aussi la nôtre. L’instabilité et la radicalisation du Sahel, la pression démographique africaine, les tensions de la transition à la modernité dans les pays de la Méditerranée sud sont des problèmes communs que nous devons résoudre ensemble.
Cela m’amène à la question de la politique migratoire, qui recoupe transversalement une partie importante de nos relations. L’Europe et le Maroc font face ensemble à une pression migratoire accrue. L’Afrique aura 2.500 millions d’habitants en 2050 et son développement économique souffre à suivre ce rythme. C’est un défi en profondeur qui n’est pas temporaire et qu’il faudra ménager avec prudence et ambition.
Le Maroc est déjà un partenaire solide de l’UE en la matière. Les autorités espagnoles et marocaines travaillent la main dans la main tous les jours pour contrôler la frontière commune. En même temps, le Maroc fait un grand effort pour gérer ses frontières avec les autres pays de la région. Pour moi, l’évidence saute aux yeux : l’Europe doit de toute urgence donner un appui beaucoup plus considérable dans ce domaine, équivalent à celui qu’on a accordé à d’autres pays.

Il nous faut un financement à la hauteur du partenariat que nous sommes en train de bâtir 
et des objectifs que nous exigeons mutuellement

C’est le moment de parler de la question du financement. Il nous faut un financement à la hauteur du partenariat que nous sommes en train de bâtir, aux objectifs que nous nous exigeons mutuellement. Un financement robuste et surtout prévisible et bien ciblé. Nous avons un besoin urgent de financement pour les deux années qui viennent, aussi bien que d’un horizon solide et prévisible pour les prochaines Perspectives financières.
Repenser la coopération, il ne s’agit pas forcément de recommencer à zéro. Il existe tout un acquis impressionnant dont il faut profiter. Réfléchissons sur le potentiel non exploité du Statut avancé de 2008, ou récupérons des programmes prometteurs existants, tels que ceux de la coopération transfrontalière ou le programme «Mid-Atlantique». Il est aussi essentiel de comprendre que nous déployons un effort collectif avec une multiplicité d’acteurs : le Maroc, les différentes institutions communautaires et aussi l’ensemble des États membres avec leurs différentes articulations administratives. Le travail bilatéral et intergouvernemental peut se combiner avec l’action communautaire, il faut trouver ce qui est le plus efficace dans chaque cas et chercher les synergies des différents acteurs.
Finalement, il ne faut surtout pas oublier la communication. Nos peuples doivent être conscients de nos objectifs et nos travaux communs, et cela requiert un effort de prise de conscience et de divulgation. L’ambition doit être appropriée et intériorisée des deux côtés de la Méditerranée. Le Conseil d’association doit approuver une Déclaration qui donne l’impulsion politique et la vision stratégique, ainsi que les éléments essentiels de la nouvelle relation que nous allons développer. Ce nouveau cadre d’association doit viser à créer un espace de co-prospérité, un espace de convergence vers un avenir en commun. 
* Les titres en gras sont à l’initiative de notre rédaction.

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