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«Certains romans interpellent notre époque et tirent la sonnette d’alarme»

Jean Zaganiaris, enseignant chercheur et auteur de «Parlez-moi de Littérature» (2017) et «Un cœur marocain» (2018) publiés aux éditions Marsam, a donné vendredi 18 janvier à Rabat une conférence sur le thème «Comment penser la littérature ?» À partir de sa double posture de sociologue de la littérature et d’écrivain, il a abordé la façon dont les romans et les nouvelles du Maroc représentent certaines pratiques sociales. Jean Zaganiaris nous explique comment les textes littéraires offrent aujourd’hui de nouvelles façons de penser éthiquement notre société.

Le Matin : Quel regard portez-vous sur la littérature dans le monde actuel ?
Jean Zaganiaris
: Aujourd’hui, son rôle ne se limite plus à raconter des histoires fictionnelles à l’eau de rose, à inventer des mondes imaginaires, à être dans «l’art pour l’art». Nombre de textes littéraires cherchent aussi à interroger le réel, à relater des pratiques sociales effectives, à parler de situations inacceptables ou de certaines tragédies. La littérature se positionne vis-à-vis des événements de l’actualité tels que le printemps arabe ou la crise des migrants subsahariens, elle parle de la vulnérabilité des existences. Il ne s’agit pas de confondre littérature et description sociologique. Comme le montre l’œuvre de Mamoun Lahbabi, de Ghita El Khayat ou de Youssouf Amine El Alami, c’est dans le cadre d’un travail littéraire, notamment au niveau du style d’écriture, que certains écrivains rendent compte de la réalité sociale, avec le regard qui est le leur.

Est-ce que, selon vous, la littérature influence réellement les sociétés ? 
Le fait que la littérature rende visible certains phénomènes intolérables ou qu’elle dénonce des injustices ne signifie pas qu’elle parvienne à les éradiquer au sein de la société, d’autant plus que le lectorat au Maroc reste limité. Par contre, certains romans donnent à réfléchir. Je pense au «Job» de Reda Dalil qui parle du chômage, des «Aït Cheris» de Zakya Douad racontant les tranches de vie de deux couples mixtes durant les années de plomb au Maroc ou de «Testament d’un livre» de Abdellah Baida dont le personnage principal est un ouvrage en papier qui voit sa mort arriver dans un monde où l’on est indifférent à la culture. Ces romans interpellent notre époque et tirent la sonnette d’alarme.

Que pensez-vous des sujets traités par les romans et nouvelles du Maroc ?
Il y a les sujets importants que l’on retrouve depuis les années 1950, telles que la domination masculine subie par les femmes ou la vie dans le monde rural, mais de nouvelles thématiques apparaissent, notamment les romans parlant des personnes à besoins spécifiques (Jad Benhamdane, «Ma vie en marche»), des nouvelles technologies (Sonia Terrab, «Shamablanca») ou des mondes futuristes matriarcaux (Ghizlaine Chraïbi «L’étreinte des chenilles»). Des sujets liés à des manières expérimentales d’écrire sont aussi présents, à l’instar du roman de Soumia Mejtia «Luciole et Sirius» se présentant comme un conte soufi ou de «Divan marocain» de Driss Jaydane. Aujourd’hui, ce qui frappe, c’est la diversité des approches littéraires et l’entrée de nouveaux acteurs, provenant notamment du milieu médical ou de la communication, au sein du champ de la littérature. Selon moi, cet élargissement est salutaire. 

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