Le Matin : Vous vous êtes particulièrement intéressée à l’inclusion socioéconomique des femmes africaines et à leur offrir un monde égalitaire. Où en êtes-vous aujourd’hui et quels sont vos plans futurs ?
Comment faire progresser les conditions socio-économiques des femmes en Afrique et d’où peut commencer le changement ?
Le changement viendra tout d’abord des femmes elles-mêmes, car elles ont une fâcheuse tendance à manquer de confiance en elles, à ne pas vouloir ou moins oser pendre des risques et souvent également à refuser des promotions pour lesquelles elles ne se sentent pas légitimes. Ça, c’est du côté des femmes. Côté entreprises et gouvernements, la situation est paradoxale. Les entreprises reconnaissent avoir besoin de plus de femmes dans leur organigramme, mais face à la réalité d’un CV masculin ou féminin, elles préféreront majoritairement recruter un homme, car les hommes, comme dans les cours de récréation, ont tendances à rester entre eux. Et dans certains pays en particulier, comme ici au Maroc, les femmes ne sont pas considérées comme des «homologues» possibles, pas comme une personne capable de travailler dans une équipe majoritairement masculine. Les mentalités doivent changer. Il est urgent pour l’économie du pays de considérer que les femmes sont les égales des hommes, et même souvent, plus performantes que ceux-ci, car une femme a un cerveau d’une grande agilité. Ceci est lié à son organisation personnelle : une femme gère son ménage, ses enfants, souvent à partir d’un certain âge, et ses parents, et elle travaille : elle est une PME à elle seule. Donc cela lui donne cette agilité dont les entreprises ne peuvent plus se passer.La thématique retenue pour cette édition est «Comment les femmes africaines engagent le monde et créent un nouveau paradigme», pourquoi ce choix ?
Jusqu’à présent, nous entendons toujours parler de l’Afrique dans un seul sens : Europe-Afrique, Chine-Afrique, Amérique-Afrique. Lors de cette troisième édition de WIA, nous entendrons des femmes (et des hommes) dire comment ils voient les relations de leur continent avec le reste du monde sur les thèmes «Nouvelles dynamiques Afrique-Asie» «Engager l’Amérique dans une nouvelle relation avec une Afrique plus visible» et dans la session Afrique/Europe «Changer la donne de nos apports futurs». Le changement de narratif va permettre d’entendre une nouvelle voix, d’aller dans un autre sens, et de réfléchir aux relations que l’Afrique souhaite désormais avoir avec le reste du monde. C’est une nouvelle histoire optimiste que nous voulons écrire pour enfin donner à l’Afrique le leadership qu’elle mérite pour son propre avenir économique.Chaque année, l’Initiative WIA récompense l’engagement d’un homme africain qui promeut et encourage les femmes dans le paysage socio-économique du continent. Quelle est l’idée derrière cette initiative ?
Un jour entre Casablanca et Rabat, j’ai entendu dans une émission Radio un homme qui se disait être un «féministe masculin», ce que j’ai trouvé formidable comme aveu, et surtout intelligent de se positionner ainsi. De là est venu l’idée de créer un prix appelé «AMOYA» (pour African Man Of the Year Award) qui récompense tous les ans, à l’occasion du Sommet économique mondial Women in Africa, un homme qui promeut et encourage les femmes. Cette année nous allons recevoir dans cette session le lauréat 2018 de AMOYA, le Tunisien Baddredine Ouali, PDG de Vermeg, le président de la CGEM, Salaheddine Mezouar, et Alexandre Maymat, responsable de la région Afrique de la Société Générale. Le lauréat 2019 est un homme marocain de tout premier plan. Son nom sera révélé courant la journée.Entretien réalisé par Najat Mouhssine
