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«Coran et livres de dévotion au Prophète en Afrique musulmane», thème d’une conférence animée par l’anthropologue Constant Hamès

«Coran et livres de dévotion au Prophète en Afrique musulmane», thème d’une conférence animée par l’anthropologue  Constant Hamès

L’Académie du Royaume du Maroc a organisé, mercredi soir à Rabat, une conférence sous le thème «Coran et livres de dévotion au Prophète en Afrique musulmane» dans laquelle le conférencier a évoqué la variété des Corans produits dans les différentes sociétés africaines (l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est) et étudié minutieusement le style du Livre saint, tant au niveau de l’écriture que des ornementations. Organisée dans le cadre du cycle «Trésors de l’Islam en Afrique», la conférence a été animée par le professeur, anthropologue et chercheur émérite au Centre national de la recherche scientifique (Paris), Constant Hamès, qui a fait une comparaison des différents éléments de la composition matérielle, stylistique et iconographique des Corans, relevant ainsi une opposition structurelle intéressante entre les cultures livresques d’Afrique de l’Ouest et celles d’Afrique de l’Est.
Dans son intervention, M. Hamès a mis en exergue l’histoire de la diffusion du Livre sacré dans les régions subsahariennes, l’empreinte laissée par leurs identités culturelles et la créativité dont elles ont fait preuve pour produire la variété des Corans et des œuvres dédiées au Prophète (paix et salut de Dieu soient sur lui). L’éminent chercheur a également mis l’accent sur la façon de nommer les sourates ou de concevoir les divisions internes du texte ou d’utiliser telle ou telle lecture, ou, au contraire, en permettant de découvrir des pratiques inédites sur la façon d’utiliser le papier pour en faire un livre. De même, M. Hamès a relevé les différents styles d’écritures coraniques en Afrique musulmane, notant que l’écriture (al-khatt) de l’arabe en Afrique a été peu étudiée et ce n’est que récemment que quelques chercheurs ont commencé à s’y intéresser et à tenter de démêler différents styles.
L’ensemble de ces écritures était qualifié de sudânî, comme s’il n’y avait qu’un seul style commun en toute l’Afrique subsaharienne, a-t-il poursuivi, estimant qu’il est difficile en effet de continuer à parler d’une seule écriture sudânî, même limitée du Sénégal au Nigeria. «L’intérêt de la découverte d’une multiplicité de Corans africains nous confronte immédiatement avec une multiplicité d’écritures qui ne recouvrent d’ailleurs pas seulement l’espace subsaharien, mais également l’espace saharien», a-t-il fait observer.
Dans cette lignée, il a mis l’accent sur sept grands types d’écritures, faisant savoir que l’Ouest de l’Afrique s’inspire de la tradition de l’écriture maghribî et l’Est de la tradition du naskhi ottoman, en passant aussi par l’écriture du Yémen et d’Oman. Mais chaque pays ou groupe ethnique a su se forger une écriture bien à lui, contribuant de façon significative à son identité culturelle, a-t-il dit, faisant remarquer qu’en dehors du naskhi et du maghribî, aucune des autres écritures traditionnelles du monde arabe, comme le thuluth, le muhaqqaq ou le tawqi, entre autres, n’est utilisée en Afrique, a-t-il ajouté.
De même, il a évoqué le papier des corans manuscrits africains, notant que le papier qui a servi à écrire les copies coraniques en Afrique, de même que tous les autres manuscrits, n’a pas été produit en Afrique. En dehors d’une courte période sous les al-murâbitûn au Maghreb, l’Afrique n’a jamais produit de papier, mais l’a importé, a-t-il indiqué, précisant qu’à partir de la fin du 13e et début 14e siècles, ce sont les papetiers italiens, de la région de Venise, qui assuraient la production de tout le papier pour l’Afrique et au-delà.
Par ailleurs, M. Hamès a souligné que «Dalâ’il al-khayrât» de l’imâm Jazûlî et d’autres livres de dévotion au Prophète sont, avec le Coran, les ouvrages les plus répandus en Afrique musulmane, comme au Maghreb, précisant que le «Dalâ’il» a eu beaucoup de succès et a suscité des imitations ou des variantes. La plus répandue parmi elles, est l’œuvre de ‘Abd al-Jalil ben Azzûm al-Murâdî al-Qayrawânî, de la fin du 16e siècle, et qui s’intitule «Tanbih al-anâm fî’uluw maqâm nabiyyana Muhammed alayhi as-salam». Le conférencier a dans ce sens relevé qu’il existe un peu partout en Afrique des œuvres locales dédiées au Prophète et que l’ensemble de cette littérature mériterait des études comparatives à l’échelle de l’Afrique musulmane.

Le secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri, a de son côté indiqué que cette rencontre s’inscrit dans le cadre du cycle de conférences «Trésors de l’Islam en Afrique», en partenariat avec l’Institut du monde arabe et la Fondation nationale des musées du Maroc, permettant aux publics et doctorants marocains de prendre connaissance de la grande dimension des productions relatives à l’Islam en Afrique.
Cette conférence s’inscrit dans le cadre du cycle de conférences que l’Académie du Royaume du Maroc a initié en amont de l’exposition «Trésors de l’Islam en Afrique de Tombouctou à Zanzibar», prévue du 16 octobre 2019 au 25 janvier 2020, et ce en vue de sensibiliser le grand public aux problématiques antérieures et actuelles relatives à l’islamisation de l’Afrique.

Né en 1938 à Messancy (Belgique), le professeur Hamès, de nationalité française, est chargé de recherche au CNRS et membre du groupe de sociologie des religions (devenu Centre d’études en sciences sociales du religieux), CNRS-EHESS de 1964 à 2003. Membre fondateur du GDR 745 du CNRS «Anthropologie comparative des sociétés musulmanes» (1983-1991), il est également membre du Comité de rédaction d’Archives de sciences sociales des religions de 1981 à 2007. Cofondateur et coresponsable, avec Jean-Louis Triaud, de la revue Islam et sociétés en Afrique au sud du Sahara, depuis 1987, il a exercé en tant que directeur du GDR 2159 du CNRS «Magie et écriture islamique dans les mondes africains et européens» de 2000 à 2003.
Cette conférence a été marquée par la présence notamment du haut-commissaire aux anciens résistants et anciens membres de l’Armée de libération, Mustapha El Ktiri, des membres de l’Académie du Royaume du Maroc, ainsi que d’une pléiade d’universitaires marocains et étrangers, d’historiens et d’étudiants doctorants. 

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