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La course fulgurante de Glovo Maroc

Un an et demi après avoir investi le marché marocain, la startup espagnole Glovo, qui permet d’acheter, de récupérer et de se faire livrer n’importe quel produit, gagne du terrain. Pilotée par 43 personnes, la plateforme revendique une communauté de 1.100 coursiers-livreurs, tous des auto-entrepreneurs, et s’appuie sur un réseau de pratiquement 300 partenaires. Résultat des courses : un chiffre d’affaires en hausse mensuelle de 10%.

La course fulgurante de Glovo Maroc

Ils ont tous majeurs, de sexe masculin, et très jeunes pour la plupart. Leurs outils de travail se résument à une moto ou un vélo et un smartphone. Ils sillonnent les avenues et ruelles dans une grande précipitation et sont facilement identifiables à leur «box» jaune, avec l’inscription Glovo en vert, et parfois à leurs casques et blousons aux couleurs de la maison mère, la startup espagnole éponyme. Au-delà de la livraison de repas à domicile – principale activité de l’enseigne –, ces «coureurs» répondent aux besoins des clients pour toutes sortes de produits. Et il est rare qu’un client soit servi par le même livreur. Et c’est bien dommage, la plupart de ces coursiers-livreurs dégagent amabilité et engagement !

Comment ça marche
En fait, le dispatching s’opère automatiquement moyennant un algorithme. Et là, différents paramètres sont pris en compte : distance store-glover-client, montant de fond de caisse détenu par le coursier, temps de préparation du restaurant... De même, le coursier a le droit d’accepter ou non la commande, et en cas de refus, l’algorithme redistribue la commande au coursier suivant qui répond au même critère.
«Chaque commande passée est tracée à la seconde près. Il y a un temps nécessaire pour qu’elle soit notifiée chez le restaurant, un temps de préparation connu à l’avance (selon des benchmark sur chaque type de cuisine) et un temps de livraison. En clair, chaque volet de la commande est chapeauté par une équipe spécialisée», explique au «Matin-Eco» Karim Debbar, directeur général de la filiale marocaine du groupe espagnol. Ces étapes, comprenant la validation de la commande, sa préparation par le restaurant et sa récupération et livraison par le coursier, peuvent être suivies en temps réel par le client. Sur la plateforme, ce dernier traque ainsi chaque étape de sa course. Avec une quasi-précision, le temps de préparation de la commande est notifié à l’avance, allant par exemple de 7 min pour les burgers, 10 min pour les tacos, 15 pour les pizzas ou encore jusqu’à 45 min pour les sushis. Le client suit aussi le mouvement du glover et le chemin emprunté. 

13.200 courses en moyenne par jour
Une petite faim, des invités à l’improviste, une course de dernière minute... Toute une armada d’hommes et de femmes est à pied d’oeuvre. Glovo, qui a démarré ses activités au Maroc il y a un an et demi, dispose en effet d’une équipe opérationnelle locale de 43 personnes et revendique déjà une communauté de 1.100 glovers, tous des auto-entrepreneurs. Son réseau de partenaires atteint aujourd’hui les 288. «500 coursiers sont actifs à Casablanca et Rabat. Nous sommes également présents à Tanger, depuis mai 2019, et à Agadir depuis septembre dernier avec 100 glovers. Glovo travaille également sur Mohammedia, Dar Bouazza et Marrakech, tous depuis février 2019», détaille le DG. 
Les glovers, nous en voyons toujours plus, signe que l’affaire marche. Mais impossible de savoir combien de commandes sont réellement livrées par jour, malgré notre insistance. Karim Debbar se contentera de nous dire qu’un livreur réalise en moyenne une douzaine de courses quotidiennement, soit selon nos calculs 13.200 par jour. Et avec son statut d’auto-entrepreneur, c’est le glover qui facture la plateforme (en faisant la balance) et celle-ci le paie toutes les deux semaines. «Notre système génère une facture automatique mentionnant le nom, le prénom, l’adresse et le statut auto-entrepreneur. Elle comprend aussi le détail des commandes, le kilométrage parcouru et le niveau de notation/satisfaction. Tout est traqué pour justifier le paiement. En quelque sorte, c’est le glover qui facture la plateforme, mais c’est une facture qui est générée en interne. Quand le livreur n’a pas forcément de cash sur lui pour payer la commande du client, c’est Glovo qui le lui prête». Après chaque commande livrée et payée, c’est un autre processus qui se met en marche, assurant ainsi la gestion du cash, des paiements en ligne, mais aussi des réclamations.  

15% des commandes payées en ligne

Avec son équipe, Karim Debbar gère trois types de clients : les glovers, les clients et ses partenaires dans la restauration et l’alimentaire entre autres. Jusque-là, la filiale marocaine se base sur un modèle économique fortement inspiré de sa maison mère et de tous les pays d’implantation du groupe. Un business model que la startup entend pérenniser, car il lui vaut une hausse mensuelle de 10% de son chiffre d’affaires. Elle y a toutefois apporté des ajustements pour coller au contexte marocain où le paiement à la livraison domine l’e-commerce. «À nos débuts, nous avions commencé avec le cash, et c’est une lourde gestion, il faut l’admettre, avant de proposer le paiement par carte. Nous avons beaucoup travaillé sur le volet sécurité des paiements par carte avec le Centre monétique interbancaire (CMI) et des banques de la place. Valeur aujourd’hui, 15% des commandes sont payées en ligne et c’est une bonne performance par rapport aux chiffres du marché : entre 9 et 10% en moyenne. Les clients qui utilisent leurs cartes reviennent très souvent et ont un panier moyen bien supérieur à ceux qui payent en liquide. C’est un segment qui aide à pérenniser notre business», se réjouit le jeune dirigeant. 
Ainsi, quand le client enregistre ses coordonnées bancaires pour la première fois, il fournit son CVV code (élément de sécurité anti-fraude qui permet de vérifier si la carte de paiement est en votre possession). Lorsqu’il décide d’utiliser sa carte pour les transactions suivantes, Glovo lui demande juste de confirmer les quatre derniers chiffres de la carte pour s’assurer s’il s’agit de la même. «Nous avons demandé au CMI la possibilité de passer au paiement sans CVV, car plus rapide. C’est un système utilisé également en Europe. Bien sûr, les risques de fraude sont là, mais notre système de sécurité est équipé de moyens sophistiqués de détection de fraude ou d’utilisation inappropriée de la carte. Dans des cas similaires, nous sommes épaulés par le CMI et par notre maison mère, et restons vigilants par rapport aux données à caractère personnel», assure le patron de la startup. Développer le paiement électronique est aussi une manière de réduire les risques d’agression des livreurs, insiste le DG.
«Nous sommes en train de préparer des alternatives organisationnelles avec une banque de la place pour limiter les risques de gestion du cash», nous confie Debbar sans en dire plus.

Un million de DH d'équipement pour les glovers

Outre la gestion des clients, une autre organisation interne s’impose pour les glovers. Afin de travailler pour la plateforme, ces derniers doivent disposer de leurs propres véhicules (assurés bien sûr), d’une connexion internet, et présenter une fiche anthropométrique vierge de moins de 3 mois. Ceux qui roulent à moto peuvent s’offrir un casque aux couleurs de Glovo. Dès leur recrutement, l’entreprise leur remets des «kits», comprenant blouson et power bank, entre autres, en plus de la box isotherme, moyennant une caution dont nous ne connaitrons pas le montant. «En cas de rupture de partenariat, une partie de cette caution est reversée au coursier lors de la restitution du matériel», précise le patron de la startup. «Notre stock renferme 15.000 unités de chaque article, importées toutes de Barcelone».
Impossible ici encore d’avoir une idée du chiffre d’affaires et des marges réalisés par Glovo. Le DG nous dévoilera toutefois que la plateforme a injecté 1 million de DH dans son stock, qui devrait répondre même aux besoins de l’année 2020.

Une fois équipés, les coursiers/livreurs, chômeurs à la base pour la plupart, ont la possibilité de choisir leur emploi du temps. Certains étudiants glovers démarrent leur journée de travail à la sortie des classes et peuvent rester opérationnels jusqu’à 1 h du matin tous les jours de la semaine s’ils le désirent.
Et qu’ils travaillent à mi-temps ou à plein temps, les glovers doivent se plier aux normes universelles de Glovo, qui veulent que chaque réclamation ou annulation de commande soit soumise à un contrôle bien strict : «en cas de réclamation, on convoque le livreur pour une nouvelle formation et définir les axes d’amélioration. 65% parmi eux réussissent cette étape et parviennent à rester avec nous. Ces réclamations portent essentiellement sur le retard de livraison et la non-conformité de la commande». À chaque livraison, le client note le glover (le prestataire aussi) et si ce dernier accumule les dislike, il est convoqué au siège pour une nouvelle formation. Il arrive aussi qu’un retard de livraison ou une qualité non conforme du produit relève de la responsabilité du partenaire de la plateforme. Dans ce cas-là, une mise au point s’impose pour pallier les défaillances du service. 

Un siège qui fourmille !

Nous sommes rue Georges Sand, en plein quartier Maârif à Casablanca. Glovo Maroc nous accueille dans son nouveau siège. Impossible de se tromper : l’enseigne est bien visible et des motos montrent que l’on est à la bonne adresse. «Groupe Le Matin» est le premier média à découvrir ces locaux de 400 m², loués depuis deux mois à peine. Les lieux abritent un bureau pour la facturation, une salle de formation et une chambre de stockage. À l’étage, l’on trouve une salle réservée aux «focus groupe», un espace lounge et un bureau où les coursiers peuvent être au calme pour faire leurs comptes. La déco est basique, les lieux sont dégagés et ressemblent plus à une grande centrale où se croisent les coursiers en rotation, ceux qui viennent pour démarrer leur formation pour la première fois et l’administration de Glovo. Un vrai fourmillement ! Rien à voir avec l’ambiance habituelle des entreprises. Depuis l’entrée principale, juste avant les escaliers menant au premier étage, les vieux boxes des gloveurs, dont la durée de vie ne dépasse pas les 5 mois selon la fréquence d’utilisation, s’offrent, sans gêne, au regard des visiteurs. «Nous comptons les recycler, un partenariat avec un acteur local a déjà été signé», nous confie Majdouline El Idrissi, directrice 
Growth & Marketing.

Une application «Glovo business» pour 2020
Avec sa stratégie mariant service et technologie, Glovo séduit de nouveaux partenaires au Maroc. En plus de sa liste de restaurants et autres Snacks qui ne cesse de s’étoffer, la plateforme propose dans sa rubrique «Super marché», une large palette de produits, dont ceux de Marjane. D’autres marques figurent aussi parmi les sept options de l’appli, comme Decathlon, Nespresso, Jeff de Bruges ou encore Beauty Success et The Body Shop. Une performance locale qui pousse l’entreprise à affûter ses armes pour s’attaquer au segment des entreprises avec le lancement, dès 2020, de «Glovo business». Cette nouvelle plateforme «BtoB» sera ainsi destinée aux professionnels «suite à plusieurs demandes», et mettra à leur disposition un service de coursier correspondant aux normes internationales de Glovo.  


 

 

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