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«La création de l’Archevêque de Rabat Cardinal de l’Église catholique est une reconnaissance du rôle de la Commanderie des croyants dans le dialogue interreligieux»

Dans un entretien accordé au «Matin», S.Exc. Julien-Vincent Brunie, Ambassadeur de l’Ordre Souverain et Militaire de Malte au Maroc, revient sur l’annonce faite par le Pape François de la création de Son Excellence Monseigneur Cristobal Lopez Romero, Archevêque de Rabat, Cardinal, une première dans l’histoire de l’Église catholique au Maroc. Pour lui, cette nomination est un geste symbolique à l’adresse de Sa Majesté le Roi et du Maroc, terre de tolérance et de concorde entre les différentes religions.

«La création de l’Archevêque de Rabat Cardinal de l’Église catholique est une reconnaissance du rôle de la Commanderie des croyants dans le dialogue interreligieux»

Le Matin : L’Archevêque de Rabat a été nommé Cardinal par Sa Sainteté le Pape. Quelle est selon vous l’importance de cette nomination ? 
Julien-Vincent Brunie
: L’annonce par le Pape François, à l’occasion de l’Angélus, c’est-à-dire une prière publique des catholiques réunis place Saint-Pierre, au Vatican, à Rome, le dimanche 8 septembre dernier, de la création de Monseigneur Cristobal Lopez Romero, Archevêque de Rabat, comme Cardinal de la Sainte Église romaine catholique fut à la fois une annonce émouvante, éblouissante et bouleversante. Le Souverain Pontife, à peine rentré d’une visite apostolique historique à Rabat, avec en tête sans aucun doute le souvenir précieux de la rencontre avec Sa Majesté le Roi, Commandeur des croyants, a voulu honorer l’Archevêque de Rabat bien sûr, mais je pense plus encore l’église au Maroc et le dialogue entre les religions et entre les peuples. Le Pape, qui est le Pape des pauvres, des exclus, des migrants, de la fraternité universelle, veut ainsi adresser le témoignage vivant de l’importance qu’Il accorde au dialogue entre les religions. Si le Saint-Père a choisi le Maroc, c’est qu’il a admiré probablement et certainement compris que l’islam du juste milieu, celui des Marocains, est un islam ouvert au dialogue, respectueux des autres fois. Cet engagement est dans la fraternité qui est vécue au quotidien au Maroc, il est aussi dans le dialogue sincère qui existe entre les plus hautes autorités au Maroc, un Royaume riche d’une communauté évidemment musulmane qui vit pleinement sa foi, mais aussi d’une communauté juive et d’une vie chrétienne qui s’exercent en toute liberté sous la protection du Commandeur des croyants.

Vous avez parlé de l’Angelus, pourriez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ? 
C’est la prière de l’Ange, par laquelle les chrétiens commémorent l’annonce de l’Ange Gabriel à la Vierge Marie. C’est une prière sacrée et chaque dimanche le Pape récite l’Angélus à midi, depuis la fenêtre du Palais Apostolique, place de Saint-Pierre.

Son Excellence Cristobal Lopez Romero était Archevêque de Rabat et il est aujourd’hui Cardinal. Qu’est-ce que cela implique ? 
C’est un Prince de l’Église. C’est un dignitaire chargé d’élire et d’assister le Pape, c’est un membre du Collège cardinalice. Le Pape est choisi parmi les cardinaux électeurs, c’est-à-dire âgés de moins de 80 ans. Ils portent une soutane de couleur rouge, dite pourpre cardinalice, la couleur de l’ancien Sénat romain, rappelant le sang versé par le Christ. Ils sont 225, dont seulement 125 électeurs de moins de 80 ans, répartis dans le monde entier, mais il est intéressant de noter qu’il n’y a jamais eu un Cardinal au Maroc. Les Cardinaux sont choisis exclusivement par le Souverain Pontife, c’est évidemment un immense témoignage de confiance qui distingue celui qui est ainsi créé. La plupart des cardinaux sont avant des Archevêques et Évêques, comme dans le cas de l’Archevêque de Rabat, mais il peut arriver qu’un prêtre soit directement créé cardinal. C’est rare, mais cela arrive. C’est la dignité la plus élevée de l’Église catholique.

Quel est le message envoyé par cette nouvelle nomination ?
L’Archevêque de Rabat est un homme extraordinaire, proche des pauvres, proche des migrants, proche de tous les hommes de bonne volonté. C’est un excellent connaisseur du Maroc où il exerce la fonction de directeur de l’école Don Bosco et curé à Kenitra. Mais cette nomination va au-delà de la personne de l’Archevêque. Évidemment, il a toutes les qualités requises, sans quoi il n’aurait pu être choisi, car son poids dans l’église et son rôle seront aujourd’hui au centre de toutes les attentions. Néanmoins, il n’est pas possible de ne pas voir un lien avec la visite de Sa Sainteté le Pape au Maroc. Le Pape, je pense, a vécu sa visite apostolique d’une manière assez particulière et très positive. Le Saint-Père a compris la richesse du Maroc, il a vu de ses yeux l’adhésion populaire à sa venue, il a compris l’amour du peuple pour son Souverain, il a – j’imagine – apprécié particulièrement la qualité de son Hôte. Je pense donc qu’il s’agit d’un signe politique et d’un message envoyé à une terre d’islam. Évidemment, on ne peut pas voir cette nomination autrement que comme un cadeau fait aussi à Sa Majesté et fait au Maroc.

Cette nomination était-elle attendue ou y avait-il d’autres choix qui se présentaient devant sa S.S. le Pape ?
D’abord, c’est un choix Souverain, ensuite si nous réfléchissons, pour le dialogue interreligieux, il y avait plusieurs options. Aux Émirats, il y a 1 million de catholiques par exemple, à Alger, avec 400.000 catholiques, il y a déjà eu des cardinaux, jamais au Maroc. Le Pape a donc, nous pouvons l’imaginer, voulu donner de la force à l’Archevêque de Rabat dans sa mission quotidienne au contact de ses frères et sœurs musulmans, il a voulu témoigner de l’importance qu’il accorde à la fraternité et au dialogue interreligieux. Il a voulu offrir à Sa Majesté le Roi, Commandeur des croyants, un Prince de l’Église pour être auprès des catholiques du Maroc et un interlocuteur privilégié des autorités. Le représentant personnel du Pape au Maroc est son Ambassadeur, c’est-à-dire le Nonce apostolique, mais l’Archevêque métropolitain de Rabat, c’est-à-dire celui qui est le chef de l’église locale de Rabat, est l’Archevêque de Rabat. C’est donc lui qui a été distingué comme Cardinal, lui que le Nonce apostolique, lui-même Archevêque, avait proposé comme Archevêque et que le Pape a nommé il y a seulement 18 mois. Voici donc selon moi un geste d’une force inouïe fait au Maroc, parce que c’est le Maroc et parce que le Maroc est un pays à part où il fait non seulement bon cohabiter, mais qui a le Commandeur des croyants à sa tête.

Mgr Cristobal Romero est donc déjà ce Prince de l’Église, Cardinal de Rabat ?
Non, le consistoire public se tiendra le 5 octobre à Rome. C’est à ce moment-là que l’Archevêque recevra du Pape la bulle, c’est-à-dire le décret par lequel il est créé Cardinal et le Pape lui remettra alors la barrette cardinalice, c’est-à-dire le chapeau rouge que portent les Cardinaux. Il recevra aussi un anneau de Cardinal que la Pape glissera à son doigt. Il retournera donc au Maroc comme Cardinal, Archevêque de Rabat.

Comment se passe cette cérémonie ?
C’est une grande cérémonie très solennelle, présidée par le Pape, qui aura lieu le 5 octobre 2019 dans la cathédrale Saint-Pierre de Rome. Chacun des pays dont sont originaires les Cardinaux est représenté par une délégation officielle. En principe, un représentant personnel du Chef de l’État assiste à la remise de la «Pourpre cardinalice», signe que le nouveau Prince servira l’Église et ses Frères et Sœurs jusqu’à l’effusion de son sang. Une symbolique riche et forte qui fera de notre Cardinal, car nous pourrons peut-être parler ainsi, un électeur lui-même éligible lors du prochain conclave, c’est-à-dire l’élection du prochain Pape. n
Propos recueillis par Ayoub Lahrache

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