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Pas d’agilité sans une offre de formation à la carte

Pour réussir une transition vers le développement agile, en matière d’éducation et de formation, il est important de changer de paradigme. La véritable planche de salut ne peut résider que dans le changement, l’innovation, le leadership et la bonne gouvernance. C’est ce que préconisent les experts lors de la conférence-débat organisée par la Chambre de commerce britannique pour le Maroc, mardi 24 septembre à Casablanca sur le thème le «Capital humain : quels rôles de l’éducation et de la formation professionnelle ?».

La bataille n’est pas encore gagnée. L’écart entre les besoins du marché et l’offre de formation est immense et se creuse de plus en plus. En effet, nombreux sont les diplômés qui ne parviennent pas à décrocher un emploi à la fin de leur cursus académique. Si l’on se base sur les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), les chiffres 2019 sont inquiétants. «Le taux de chômage est de 12,3% parmi les personnes ayant un diplôme de niveau moyen et de 20% parmi les détenteurs d’un diplôme de niveau supérieur. Il atteint ses niveaux les plus élevés notamment parmi les diplômés de la spécialisation professionnelle avec (26,1%) et les lauréats des facultés (22,3%)». Quelles sont alors les raisons d’un tel écart ? Comment produire des compétences capables de générer de la valeur ? Comment préparer la nouvelle génération aux nouvelles formes de travail ? Comment faire de la formation professionnelle un moteur de développement du capital humain ? Comment faciliter l’intégration professionnelle ? Un tas de questions qui ne cessent d’interpeller les différents acteurs socio-économiques au point de se demander s’il existe véritablement des solutions durables. Pour tenter de combler ce déficit, le premier chemin à emprunter, contexte économique oblige, est celui du changement, de la transformation, de la réforme et surtout de l’agilité au sens large du terme. L’amélioration qualitative de la compétence crée certainement de la valeur. C’étaient les messages forts retenus des interventions lors de la conférence-débat organisée par la Chambre de commerce britannique pour le Maroc, mardi 24 septembre 2019 à Casablanca sur le thème le «Capital humain : quels rôles de l’éducation et de la formation professionnelle ?». L’objectif de cette rencontre était d’approfondir la réflexion sur les politiques menées en matière d’éducation et de formation, d’étudier les mécanismes de développement du capital humain et de découvrir le modèle pédagogique britannique et son éventuel impact sur la croissance socioéconomique du pays. Les experts présents à cette réunion ont tous mis l’accent sur l’urgence de mettre en œuvre les réformes nécessaires que ce soit au niveau des programmes pédagogiques, des moyens créateurs de valeur, de la qualité de l’offre, de la requalification des ressources humaines pour la satisfaction des besoins sectoriels. Pour ce faire, il faudra s’appuyer sur une approche participative qui prône le dialogue permanent entre toutes les forces vives de la nation : État, Parlement, syndicats, société civile, patronat, étudiants, parents…

L’orientation, clé de la réussite
Dans sa présentation inaugurale des débats, Mohamed Tahiri, directeur de l’Enseignement supérieur et du développement pédagogique au sein du ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, a passé en revue l’ensemble des mesures prises par son département qui peuvent soutenir le concept d’efficacité pédagogique. Selon lui, une meilleure employabilité commence par une bonne orientation. D’ailleurs, l’orientation et l’accompagnement de l’élevé dès son jeune âge est la meilleure voie pour atteindre l’excellence opérationnelle. «Dès le lycée, des conseillers d’orientation et une plateforme numérique d’information vont voir le jour. Objectif : mieux accompagner les futurs bacheliers vers des filières à fort taux d’employabilité et en finir avec la déperdition universitaire», a-t-il noté. La même source a ajouté que le département œuvre sans relâche en faveur de l’amélioration de la qualité de la formation. À en croire M. Tahir, les efforts vont davantage se concentrer sur les points suivants
• La révision des cahiers des normes pédagogiques nationales en y introduisant toutes les dispositions favorisant le renouveau pédagogique (système de crédit, approche par compétence).
• Le développement des modes d’enseignement non traditionnels (formation par projet – formation par alternance)
• L’implication continue des acteurs socio-économiques et des professionnels dans l’ingénierie de la formation (montage des filières, évaluation, encadrement, etc.)
• La mise en place du cadre national de certifications, favorisant l’ingénierie de la formation par résultats d’apprentissage 
• L’ouverture à l’international, la mobilité étudiante et la maitrise des langues.
L’offre porte également sur la réalisation d’un guide de gestion des établissements de formation, l’adéquation et la complémentarité entre enseignement général et formation professionnelle, l’introduction des modules de langues et de Softs Skills tout au long du cursus universitaire et la mise en place des centres de développement de carrière (Career Centrs) au sein des universités.
Pour Mohamed Slassi Sennou, président du Directoire de l’Observatoire des métiers et des compétences des branches professionnelles, la difficulté de l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail ne peut être résolue qu’en adoptant de programmes actifs d’emploi, à savoir l’orientation, le conseil, la formation continue, l’intermédiation et l’appui au secteur privé
La régulation du marché doit impérativement s’appuyer sur le cadre national de certification, un instrument qui assure l’alignement emploi-formation et qui permet de positionner tous les diplômes et certificats décernés au niveau national par rapport à une grille nationale de huit niveaux et de six descripteurs. Les recommandations de cet expert en formation portent également sur l’anticipation de la demande, la construction d’une vision prospective partagée des compétences, la mise en place d’un observatoire des métiers et des compétences, l’implication effective des entreprises dans l’acte de formation, la gestion opérationnelle des établissements, la synchronisation offre/demande/qualité. 
En bref, l’investissement dans le capital immatériel et humain est une des clés de la relance économique grâce à ses énormes bénéfices aussi bien sur l’offre que sur la demande.

Qui dit intelligence économique dit intelligence collective
Pour Jamal Bellahrach, CEO de Deo Conseil, il n’y a pas de solution miracle à ces problèmes qui trainent depuis maintenant 50 ans, mais la volonté commune d’emprunter le chemin du changement ouvre la voie au progrès. Comment ? «Une rupture avec notre façon de travailler et de penser dans un monde en perpétuel changement s’impose. Si on ne règle pas la crise de leadership et de gouvernance et si on ne favorise pas une approche systémique et holistique de ce problème du chômage, de l’employabilité et de la formation, on n’y arrivera pas», a regretté l’expert en capital humain. Pour lui, l’enjeu se trouve, également, dans le système (le préscolaire,  le primaire, le collège et le lycée) à travers des réformes de fond qui prônent l’orientation et l’accompagnement tout au long du cursus. L’autre atout important à mettre en avant est celui du développement des softs skills qui sont devenus une condition sine qua non pour atteindre, dans un contexte qui bouge, une agilité durable. Le développement d’une intelligence collective est aussi d’une importance capitale. 
À travers des cas concrets, Graham Gamble, Headmaster de la British International School Casablanca (BISC), a présenté les caractéristiques du système éducatif britannique. L’épanouissement de l’apprenant est un facteur clef de la réussite. Curiosité et oralité sont aussi les deux notions qui répondent parfaitement aux défis de l’éducation en Grande-Bretagne. 
En guise de conclusion, tous les intervenants étaient unanimes pour dire que la vitalité d’une économie est tributaire d’une intelligence collective fondée sur la synergie, la confiance, la transparence, le travail en équipe, la communication positive, le partage de l’information et la flexibilité.

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Mohamed Slassi Sennou, président du Directoire de l’Observatoire des métiers et des compétences des branches professionnelles

«Quand on évoque l’éducation et la formation professionnelle, on s’attaque certes à deux sujets importants, mais il ne faut pas oublier la locomotive qui est celle de l’emploi. Ceci dit, il faut penser à instaurer un continuum rassemblant les trois éléments à savoir l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi. En d’autres termes, il est important dans un premier temps de prospecter les écueils du marché du travail et d’identifier les liens qui existent entre l’emploi et la formation. Ensuite, il va falloir comprendre le mécanisme de régulation à instaurer pour que les diplômes et les certifications accordés aux lauréats permettent à ces derniers de trouver en définitive un emploi. Pour y parvenir, il faut veiller à ce que les filières de formation soient adaptées au marché de l’emploi, tout en prenant en considération les différents changements dans lesquels opèrent les entreprises aujourd’hui. C’est dire qu’il faut adopter une nouvelle approche qui permettrait d’être plus agiles et surtout d’être dotés d’une capacité d’adaptation. Sur le volet de l’éducation, il est important de comprendre quel socle de compétences on doit avoir pour pouvoir passer au stade de la formation professionnelle, qui est alignée à l’emploi. (…). Le rôle de l’Observatoire des métiers et des compétences des branches professionnelles est d’anticiper et d’aider les entreprises, notamment les PME qui sont considérées comme premiers créateurs d’emploi, à comprendre les dynamiques du marché et à pouvoir développer des stratégies pour s’y adapter, et ce, dans une démarche collective.» 

Jamal Belahrach, CEO DEO Conseil International

«Avec un taux de chômage de plus de 26% des jeunes diplômés, on ne peut pas se réjouir et dire que notre système d’éducation va bien. Maintenant, la véritable question à se poser est : comment procéder pour un avenir meilleur ? Pour passer au mieux le cap, il faut se projeter dans l’avenir. Le système de formation doit se réinventer, en mettant le focus sur ce qu’on appelle les Softs Skills. Il faut aussi rendre le marché du travail plus flexible. Travailler en équipe, communiquer, être créatif sont les mots clés d’une performance. Si on met en place tous ces mécanismes notamment à travers l’observatoire de la CGEM, on peut y arriver. Mais à une seule condition : développer une vraie volonté de collaboration rassemblant gouvernement, patronat, syndicats, institutions publiques… Aujourd’hui, il est temps de réinventer un Maroc, où chacun trouve sa place. 70% de la population âgée de moins de 30 ans aspire à un avenir meilleur et on est capable de leur satisfaire cet objectif».

Mohamed Tahiri, directeur de l’Enseignement supérieur et du développement pédagogique au sein du ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique

«Nous disposons aujourd’hui d’un capital humain très important, notamment des jeunes. Parallèlement, nous avons des chantiers très structurants au Maroc. Ceci dit, notre défi est de faire en sorte que le potentiel humain dont nous disposons devienne un levier important permettant de réaliser et de mener à terme les projets structurants. Côté formation, l’état des lieux dressé comporte des points positifs et d’autres négatifs. Le plus important, c’est de se focaliser sur les points à améliorer, notamment le système à accès ouvert, car ce sont les facultés qui accueillent le plus d’étudiants, ce qui pose des difficultés d’encadrement (…) Comment donc améliorer l’intégration professionnelle des jeunes ? C’est la question fondamentale à laquelle il faudra répondre (…) Notre souci majeur est d’adapter l’offre de formation aux besoins du marché de l’emploi. Pour y parvenir, il va falloir diversifier et professionnaliser l’offre de formation.»

Graham Gamble, Headmaster de la British International School Casablanca 

«Dans une école britannique, on ne s’intéresse pas uniquement aux notes et aux résultats obtenus par les élèves à l’issue des examens, mais surtout à leur personnalité et à leurs traits de caractère. On cherche ainsi à aider l’enfant à s’épanouir et à développer des compétences telles que la résilience. Le rôle de l’école est bien plus important que celui de l’Université. D’ailleurs, on passe plusieurs années à étudier avant d’arriver au stade de l’université. Ceci dit, c’est à l’école que l’on apprend à penser et à gérer les choses et que l’on acquiert les compétences jugées importantes par les employeurs».

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