D’année en année, les enjeux de la transformation digitale changent. Loin d’être de simples innovations technologiques que l’on adopte, ou une dématérialisation de processus internes ou externes, la mutation des entreprises vers le numérique devient un véritable enjeu économique et sociétal majeur. En effet, cette transition va jusqu’à remettre en question les modèles économiques, les chaînes de valeur, le management et le fonctionnement des organisations, les métiers, les modes de travail et les relations professionnelles entre les équipes. Et cette transformation, plus aucun secteur n’y échappe. Encore moins le secteur bancaire qui était parmi les premiers à s’engager dans cette voie pour faire face à un marché en évolution et à une clientèle de plus en plus digitalisée. En effet, c’est dans ce contexte de disruption technologique et de complexité croissante des écosystèmes de l'économie que les acteurs du secteur bancaire ont créé une dynamique de changement pour relever le défi de la transformation. Pour cela, ils ont construit des visions stratégiques pertinentes basées sur des plans d’action clairs et transparents, et orientées vers des objectifs communs et partagés en interne.
Face à cette transformation, les acteurs du secteur avancent à des vitesses différentes avec des méthodes et des approches différentes. Mais ils sont tous conscients de la nécessité d’avancer rapidement tout en réussissant à mobiliser l'intelligence collective et à faire évoluer les pratiques managériales pour aller au-delà de la transformation digitale, c’est-à-dire une transformation culturelle dans un monde de digital.
Conscient de cette réalité qui se confirme d’année en année, Trusted Advisors, groupe spécialisé dans le conseil, les études et l’accompagnement à forte valeur ajoutée, a décidé depuis 2017 de suivre ces transformations dans les banques marocaines et d’identifier les enjeux et les challenges pour l’ensemble des parties prenantes. Et pour accompagner ces changements, Trusted Advisors est revenu cette année avec une deuxième étude qui s’inscrit dans la continuité, mais qui s’ouvre sur d’autres contextes pour élargir son analyse. En effet, l’étude de 2019 concerne les enjeux de la transformation digitale dans l’Afrique du Nord et est structurée selon une démarche scientifique portée par une approche analytique touchant 30 banques dans 3 pays : Algérie, Maroc et Tunisie. Cette analyse est complétée par un volet qualitatif (interviews et focus groups) touchant 70 cadres et managers de 5 organismes bancaires.Les enjeux des transformations en 2019
Les enjeux, les considérations et les préoccupations majeures des banques concernées par l’étude ont été présentés lors d’une cérémonie organisée par Trusted Advisors, le 20 février à Casablanca. L’occasion également de révéler les prix décernés aux banques pour leurs initiatives dans le cadre de la transformation digitale.Le premier enjeu identifié est relatif à la juste valeur des approches «agiles» et/ou des structures «digital factory». En effet, selon l’étude, les banques ont développé des méthodologies agiles, mais ne réagissent pas de la même manière face à cet enjeu. On distingue alors trois catégories d’acteurs :• Des acteurs qui disposent de structures «digital factory» opérationnelles avec, dans leur actif, un ou plusieurs parcours clients développés par ces structures en mode agile.• Des acteurs qui sont convaincus de l’utilité des approches «Digital Factory», et qui sont en phase de déploiement de ces dernières.• Des acteurs qui ne sont pas convaincus de l’utilité des «structures agile et/ou digital factories», et qui ont préféré ne pas initier ce type d’approches comme la gestion actuelle de leurs projets leur apporte la valeur ajoutée souhaitée.Cet enjeu requiert une attention particulière pour éviter que cette agilité ne tourne en désordre, qu’elle soit le fruit d’un hasard ou un effet de mode. Toute structure agile et/ou digital factory doit être bien réfléchie, cohérente, inclusive et adoptée par tous.
Le deuxième enjeu, et qui représente un risque pouvant freiner la transformation, est l’absence d’un alignement interne. «Ce risque se trouve accentué par un élément lié directement à la dynamique effrénée du marché dans lequel les banques évoluent», note Farid Yandouz, directeur exécutif de Trusted Advisors. Et d’ajouter qu’il y a un double effort à entreprendre dans le but de maintenir la considération les effets d’annonces liés aux nouveautés technologiques ou aux produits des concurrents : D’un côté, nous conseillons d’intensifier un effort continu visant l’acculturation des contraintes métiers aux fonctions à forte valeur technologique. Et de l’autre côté, nous recommandons d’aligner les directions métiers sur une utilisation pertinente des solutions technologiques vis-à-vis de la vision définie et de l’avantage compétitif de chaque acteur. Il est donc crucial de veiller à maintenir un équilibre entre les composantes technologies-métiers pour garantir la réussite de la transformation. Troisième point à retenir est celui relatif à l’intégration concrète des «Fintech» dans les projets de transformation. En effet, les banques devront s’ouvrir encore plus sur les écosystèmes externes d’innovation et plus particulièrement sur les petites entreprises et les startups et profiter de leur univers d’innovation. «Certains cadres exécutifs estiment que “l’Open Innovation” est primordiale et que les banques assurent une veille stratégique permanente de ce qui se passe sur le marché, mais n’arrivent pas à sauter le pas et à intégrer l’écosystème externe», indique l’étude.Le renforcement de la maitrise de la connaissance client est le quatrième enjeu de la transformation digitale dans les banques. Il s’agit en effet d’une composante incontournable pour tirer le meilleur parti du portefeuille des clients et les fidéliser, ainsi que de renforcer la capacité d’acquisition de nouveaux clients. C’est de cette maîtrise de la connaissance «client» que dépendra le choix des services innovants à lui offrir. Un produit, aussi innovant et à la pointe de la technologie soit-il, n’a pas d’intérêt s’il ne répond pas à un besoin réel chez le client. «Bien que les banques misent sur la connaissance client pour mieux se positionner dans un marché concurrentiel, l’enjeu pour ces dernières reste de parvenir à exploiter encore plus en profondeur la mine de données clients dont elle dispose», indique le rapport de Trusted Advisors. Et de conseiller aux banques d’œuvrer pour une meilleure «connaissance et expérience client» à travers l’exploitation pertinente de la «Data» et des démarches «bottom-up» pérennes.
Le dernier enjeu de la transformation digitale est celui de création et d’approfondissement de la synergie IT/Métiers/Réseau. La réussite du processus de transformation de la banque demande une implication proactive des différentes entités et métiers d’une manière durable à travers une réelle synergie. La synergie ne se crée pas par l’organisation de réunions régulières, mais par une réelle implication proactive de toutes les entités. L’absence ou la faiblesse de la cohésion entre toutes les parties prenantes est donc un réel risque qui peut plomber les efforts de transformation. «Il est donc très important de comprendre les raisons de cette carence et les manières de la gérer convenablement», indique M. Yandouz. Et d’ajouter que le maintien des synergies et de l’engagement est un effort qui devrait être maintenu dans le temps et non entrepris d’une manière ponctuelle.L'excellence récompensée
La réussite du processus de transformation de la banque demande des démarches agiles couplées à une implication proactive et forte des différentes entités et métiers d’une manière durable. C’est ce que vient de confirmer l’étude Trusted Advisors, présentée, mercredi à Casablanca, et qui a porté sur la «Transformation digitale des banques en Afrique du Nord». Elle a fait ressortir les spécificités des transformations de 5 banques étudiées dans les détails. Il s’agit de Amen Bank
(Tunisie), primée pour «L’intégration et la fédération d’un écosystème interne d’innovation» et «L’ouverture de compte digital à travers Amen First Bank (AFB)» ; de BNP Paribas El Djazaïr (Algérie) récompensée pour sa «Stratégie d’amélioration continue» et son «Agence digitale» ; de la BMCE Bank Of Africa primée pour la «Gouvernance du programme de transformation et la culture orientée Delivery» et sa solution de paiement mobile «DabaPay» ; de la Banque Centrale Populaire (BCP) pour «L’alignement de la stratégie de transformation et de la mobilisation collective» et pour le parcours client «Crédit immobilier», et enfin de Crédit Agricole du Maroc qui s’est vu décerner les prix de la «Création de valeur disruptive» et pour la solution «Poste de travail agile». Des banques qui ont mis en valeur un ensemble de pratiques, des solutions concrètes générées à travers des programmés ambitieux. Des solutions clés qui leur ont valu des prix de distinction «Prix transformation» et Prix solutions et parcours client». «Toutes les banques ont une cinquantaine, voire une centaine de parcours en fonction des agrégations adoptées. L’idée n’est donc pas de présenter tous ces parcours d’une manière exhaustive, mais de repérer et de décrire des expériences qui se distinguent et qui vont illustrer la stratégie de la banque pour réinventer sa relation avec les clients. Les exemples de parcours présentés dans le rapport sont des cas riches en apprentissages qui permettront, dans un esprit de partage, de consolider l’apprentissage mutuel et collectif dans un secteur en pleine ébullition», a indiqué Farid Yandouz, directeur exécutif du cabinet Trusted Advisors, expert en conduite de changement. Les plans et projets de transformation des banques primées sont tous orientés expérience et connaissance client, une composante incontournable reconnue par les banques primées comme un facteur majeur dans le processus des transformations. À travers une véritable réflexion en interne et en externe ces banques ont su relever les défis qui s’imposent. «La multiplicité des efforts de transformation que nous avons pu apprécier nous a convaincus que la transformation du secteur bancaire est en marche. Toujours dans le même esprit de mettre en avant des apprentissages pour inspirer les autres acteurs dans leurs transformations», conclut l’expert en conduite en management.---------------------------------------------------------------------------------Ils ont dit----------------------------------------------------------------------------------------------------
Farid Yandouz, directeur exécutif de Trusted Advisors
«Le terme transformation, c’est clairement l’aboutissement d’un effort de changement. Quand on parle de gestion de transformation, on fait référence à un livrable associé à un effort interne de conduite de changement. Un changement qui est soit voulu, soit imposé d’une façon ou d’une autre. Dans le cadre des entreprises, le changement dans lequel baigne tout type d’acteurs est la transformation digitale des clients qui impacte leurs façons d’opérer, de s’organiser en interne et leur façon de servir ses clients. À travers la deuxième édition de l'étude de Trusted Advisors sur la transformation digitale des banques en Afrique du Nord, nous voulons explorer les pratiques, les projets et les dynamiques transformationnelles au sein du secteur bancaire. La prise de conscience a été appréciée, mesurée, suivie depuis pratiquement deux ans. La première édition de l’étude a prouvé qu’il y a énormément de projets (à peu près une centaine par acteur bancaire). Aujourd’hui, on reste plus au moins dans les mêmes chiffres. Je tiens aussi à préciser que driver une transformation, n’est pas uniquement une question de personne ou de volonté de top mangèrent, mais c’est aussi une question de capacité à driver des organisations complexes derrière des volontés et des visions. C’est là où le travail des experts en conduite de changement intervient pour engager mieux les parties prenantes internes ou externes. L’idée à travers cette étude est aussi de confirmer des tendances clés liées aux enjeux. Nous avons identifié un certain nombre d’enjeux que nous exposons dans le cadre d’un rapport gratuit. Parmi ces enjeux, nous avons noté plusieurs initiatives dans le sens de la mise en place des méthodologies agiles ou des structures type digitales factory. Mais l’idée n’est pas uniquement de mettre en place ses structures, mais d’assurer leur intégration. Il faut s’assurer de l’alignement avec les spécificités et les points forts de l’organisation. L’enjeu est aussi de faire converger les ressources internes et ne pas rester dans des modes en silos. D’autres enjeux importants ont été également identifiés (...) Je recommande de s’inspirer de plus en plus des travaux effectués. Il faut avoir la capacité de ne pas prêter beaucoup d’attention aux effets d’annonce dont pâtissent énormément d’entreprises et de bâtir sur l’ADN transformationnel».
Mouna Atifi, responsable du pôle Technologies, Process et Organisation, Groupe BMCE Bank of Africa
«Nous sommes ravis d'avoir été primés pour la “Gouvernance du programme de transformation et la culture orientée Delivery” ainsi que pour la solution de paiement mobile “DabaPay”. Je rappelle que la BMCE Bank Of Africa a su anticiper la transformation digitale, il y a plusieurs années, et ce, en lançant plusieurs initiatives visant le selfcare. À travers le programme de transformation digitale, notre banque a pour objectif de répondre aux attentes d’une clientèle de plus en plus connectée et de plus en plus avisée. Offrir des services innovants, des expériences clients simplifiées et sécurisées à travers une multitude de canaux rendra notre banque accessible à distance tout en renforçant l’autonomie de ses clients. Pour relever les challenges ambitieux qu’elle s’est fixés, BMCE Bank Of Africa a lancé un programme de transformation digitale s’articulant autour de 13 chantiers et plaçant le client au cœur de ses préoccupations, notamment à titre d’exemple, le chantier big data, l’intelligence artificielle, le mobile payement… Une gouvernance dédiée a été mise en place afin de réussir ces chantiers. Un comité de coordination qui joue le rôle de Chief Officer digital impulse les nouvelles initiatives et supervise les travaux des différents programmes. Instantanéité, agilité, sécurité, simplicité… sont les maitres mots de nos solutions. Un sponsoring fort, visionnaire et de proximité a su mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires à notre transformation et à la culturation de nos collaborateurs».
Abdelmounaïm Dinia, DGA Groupe Crédit Agricole du Maroc
«C’est vrai que le secteur bancaire subit plusieurs transformations, avec notamment des changements réglementaires sans précédent et tous azimuts, et en particulier permettant à de nouveaux acteurs de rentrer et d’innover dans les activités financières, avec aussi le changement de banque traditionnelle et l’approche produit (et qui est d’ailleurs révolue), vers l’ère orientée client, et c’est un tournant crucial. Le client cherche la commodité, la facilité, des services de qualité à n’importe quel moment et avec de nouveaux canaux, notamment le mobile qui a une place particulière dans notre pays, un taux de pénétration de 130% ; plus de 70% de smartphones et 64% d’utilisation d’internet mobile… chiffres éloquents d’utilisation… et avec le troisième pont, la technologie et ses uses cases, qui évolue à un rythme exponentiel avec l’Intelligence artificielle, la biométrie et le big data. Pour le Crédit Agricole, cela fait un moment déjà qu’il s’est positionné dans la transformation digitale, peut-être de manière discrète, mais Ô combien efficace et très pragmatique, l’aventure a commencé depuis quelques années par la mise en place d’un SI complètement maitrisé permettant développement et agilité, la deuxième phase a été marqué par la mise en place de services en ligne et la troisième phase en optant sur de nouveaux canaux et services. Enfin, notre projet de transformation digitale rentre désormais dans sa phase d’accélération, où il est au cœur de notre stratégie de la banque et complètement orienté client urbain, rural et agricole. La relation client est complètement revue, et toute notre vision digitale est orienté sur le client, en lui offrant différents canaux digitaux, et aussi et surtout de nouveaux parcours clients 100% digitaux, simples et accessibles. Je rappelle notre histoire et notre mission de service public au profil du monde rural et agricole, qui nous pousse à faire preuve de beaucoup d’innovation pour offrir des services financiers et permettre l’inclusion financière. Aujourd’hui, plus de 25% des opérations passe par des canaux digitaux, les retraits se font en guichet automatique, nos paiements électroniques ont évolué de façon remarquable. C’est pour dire qu’on accompagne les changements
d’habitudes du client».Néji Ghandri, directeur général adjoint Amen Bank-Tunisie
«La transformation digitale des banques tunisiennes est en avance et elle suit de plus près le parcours client. 70% de la population sont des usagers de l’Internet et 55% sont utilisateurs des réseaux sociaux. Les banques tunisiennes ont fait une large expérience en transformant les services bancaires en services digitalisés, entre autres, Amen Banque, pionnière en la matière. Aujourd’hui le client veut un service accessible 24 h/ 24 et 7 j/7. À Amen Banque, nous avons commencé depuis presque 2 ans avec une transformation interne et un encadrement d’une équipe diversifiée comprenant des experts en technologie, en sécurité et des consultants en transformation digitale. Maintenant, on travaille sur un écosystème externe en encourageant des initiatives innovantes des startups, des Fintech sur des sujets très précis tels que l’intelligence artificielle ou le big data. Il faut se préparer et anticiper pour pouvoir innover et avoir la part du marché au niveau du financement, activité de base de la banque. On reste optimiste par rapport au développement des services bancaires en Tunisie».
«La transformation digitale est un grand chantier sur lequel plusieurs entités travaillent. Elle a été initiée depuis 3 ans dans un seul objectif celui d'améliorer l’expérience client, plus simple, plus optimisée et plus conviviale. Nous avons mis en place une roadmap de transformation centrée sur le client, un ensemble de parcours clients digitaux dont le dernier porte sur le crédit immobilier. 2019 commence très bien pour la Banque Centrale Populaire. On vient de clôturer un programme d’innovation “Fintech Challenge” à l’issue duquel on a sélectionné 6 startups qui travaillent dans le digital. Le choix de ces startups va nous permettre de construire des solutions innovantes, d’accélérer notre transformation et avec ces Fintech ont va mettre en place des programmes de partenariat qui vont nous permettre d’atteindre cet objectif. Rappelons que ces startups opèrent dans l’inclusion financière, dans le mobile payment et tout ce qui est objet connecté. Nous opérerons et nous construirons ensemble ces solutions pour accélérer et pour améliorer ce travail fait dans la transformation toujours dans l’objectif d’offrir le meilleur pour nos clients. Depuis le démarrage du chantier de la transformation digitale, la BCP a embarqué un ensemble de parties prenantes notamment les métiers, l’IT, l’organisation… Sans oublier les RH qui sont une composante essentielle de la réussite de ce chantier».
Dossier réalisé par Souad Badri & Najat Mouhssine