La digitalisation gagne du terrain dans le secteur bancaire. Un mouvement inéluctable et sans doute fort apprécié des clients, mais qui n’est pas sans risques sur... l’emploi. Une préoccupation majeure pour le pays qui a du mal à infléchir la courbe du chômage.
Par ailleurs, ajoute notre source, les banques ont de plus en plus recours à l’externalisation (gardiennage, transport de fonds, maintenance et alimentation des DAB/GAB, recouvrement), ce qui crée des emplois dans d’autres secteurs et en diminue dans le secteur bancaire. Le même banquier insiste sur le fait que «l’emploi indirect n’est pas à négliger», évoquant notamment l’éditique, à savoir l’impression des avis et des relevés de compte et leur acheminement aux clients, le traitement des retours courriers. Des banques ont même externalisé le bureau d’ordre, note-t-il.
Un autre phénomène «qui dénote de la maturité du secteur bancaire marocain», selon ce banquier, est l’apparition des IOB (intermédiaires en opérations de banque) consacrés par la nouvelle loi bancaire. Ce sont, explique-t-il, des opérateurs non bancaires soumis à agrément de Bank Al-Maghrib qui ont récupéré de chez les banques les opérations de masse qu’elles assuraient, «essentiellement consommatrice de main d’œuvre, répétitives et à faible valeur ajoutée» (transfert rapide d’argent, bureaux de change, réseaux de paiement de factures, centre d’appels et de prises de rendez-vous…).Dans ce mouvement, les effectifs des banques se tassent. Ils se sont renforcés de seulement 243 nouveaux collaborateurs en 2018, soit une petite hausse de 0,6% à 41.890 agents, après 1,4% en 2017 et 2,5% en 2014. BAM précise que 45% des nouvelles recrues en 2018 concernent les 25-35 ans, suivis des 35-50 ans avec une part de 31% contre 18% pour les plus de 50 ans. La réduction des effectifs beaucoup plus accentuée si l’on tient compte des départs en retraite. La part féminine dans l’effectif total est montée à 47% en 2018 après 46% à fin 2017. Globalement, l’effectif des établissements de crédit et organismes assimilés s’est élevé, à fin décembre 2018, à 55.753 agents, dont près de 75% évoluent dans les banques, 6% au sein des sociétés de financement et 14% dans associations de microcrédit.Les recrutements chez les sociétés de financement ont progressé, quant à eux, de 1,2%, tirés vers le bas par les sociétés de crédit à la consommation (0,5%), contrairement aux sociétés de crédit-bail (4,4%) et aux sociétés de crédit immobilier (3,3%). Ce qui porte l’effectif global employé par les sociétés de financement à 3.444 agents à fin décembre dernier.
La décélération des recrutements dans le secteur bancaire est une conséquence directe du ralentissement de nouvelles ouvertures d’agences. Le rythme d’évolution du réseau bancaire a, en effet, continué à ralentir à 1,8% en 2018, contre 1,7% en 2017, une moyenne de 4% sur la période 2013-2015 et 9% entre 2007 et 2016, détaille BAM. Ainsi, le nombre de guichets bancaires s’est établi à 6.503, soit 115 agences additionnelles, dont 56 nouveaux guichets ouverts par les banques participatives. «Cette décélération est à mettre en relation avec le développement des canaux digitaux via Internet et le mobile», commente l’Institut d’émission. Parallèlement à l’évolution du réseau bancaire physique, le parc des guichets automatiques bancaires (GAB) s’est enrichi de 264 nouveaux, portant le total à 7.289 unités à fin 2018, en amélioration de 3,8%, contre 3% l’année précédente. La Banque centrale note aussi que les banques ont déployé des GAB multiservices. Ceux-ci effectuent un certain nombre d’opérations de banque au quotidien qui nécessitaient habituellement le passage aux agences telles que les dépôts de chèques et d’espèces. Ces GAB multiservices étaient au nombre de 350 fin 2018, soit 4,8% du parc.La menace que constitue la montée de la digitalisation dans le secteur bancaire sur l’emploi est donc bien établie. Un économiste estime même que le plus dur est à venir, en raison de l’entrée inéluctable dans un cycle de fermetures d’agences bancaires au fur et à mesure que la digitalisation se généralise, à l’instar de ce qui se passe en Europe et aux Etats-Unis.Une veille rapprochée
La Banque centrale suit de très près le processus de transformation digitale en cours dans le secteur bancaire. «Dans le cadre du suivi de l’impact de la digitalisation des services bancaires et sa volonté d’accompagner la transformation numérique du secteur bancaire marocain, Bank Al-Maghrib a procédé à une veille dans ce domaine, tout en entretenant le dialogue avec les acteurs sur ces sujets», note BAM. Ainsi, un groupe de travail avec les banques sur le digital a été constitué. Les discussions, révèle-t-elle, ont porté en 2018 sur l’entrée en relation et l’ouverture de compte bancaire à distance et les défis associés portant, d’une part, sur l’authentification et l’identification numériques des clients et, d’autre part, sur le recours à la signature électronique. Les discussions ont également abordé le recours au Cloud Computing et les enjeux y afférents.
Ce travail de veille a aussi amené la Banque centrale à suivre les travaux réalisés par les instances de régulation internationales en la matière, en particulier le Conseil de la stabilité financière, le Comité de Bâle ainsi que le FMI (Fonds monétaire international), et les initiatives de régulation entreprises par des pays dans l’accompagnement des services financiers innovants.