Un drame a été évité de justesse. Un immeuble de six étages en cours de construction s’est effondré brutalement, samedi dernier, au centre-ville de Kénitra. Aucune perte de vie humaine n’est à déplorer. Le gardien du chantier a été blessé et transporté d’urgence à l’hôpital provincial Al Idrissi pour recevoir les soins nécessaires.
Cet effondrement, qui aurait pu être dramatique, relance le débat sur la détermination des responsabilités. Rappelons, à cet égard, que la loi 66-12 sur le contrôle et la répression des infractions en matière d’urbanisme, qui avait suscité le mécontentement des professionnels, avait fait couler beaucoup d’encre. Certes, ce dispositif juridique apporte des clarifications autour de la définition des infractions. En ce sens, la mission de contrôle est confiée à la police judiciaire et aux contrôleurs de l’urbanisme désignés par l’autorité locale, l’obligation des permis de réparation, démolition ou de régularisation, et la tenue d’un cahier de chantier permettant la traçabilité et le suivi.
Autant de dispositions que le législateur a prévues et qui s’inscrivent dans les grands principes de la responsabilité et de la bonne gouvernance, tel qu’ils sont promus par la Constitution de 2011. Cependant, les différents intervenants dans la chaîne de construction se dérobent de leurs responsabilités à chaque catastrophe urbanistique ou en cas d’effondrement. Une situation constatée à travers plusieurs drames. D’aucuns diront que la multiplicité des intervenants dans l’acte de bâtir débouche sur une dilution de la responsabilité de chacun.
À titre indicatif, le cahier de chantier est considéré comme la feuille de route de chaque projet, son état civil qui rappelle les principales étapes par lesquelles il est passé. Et ce, sous forme d’informations indiquées par tous les professionnels qui y participent, à savoir l’architecte, le topographe, le bureau d’études, le laboratoire, le bureau de contrôle, l’entreprise, le maître d’ouvrage, etc. Tous les intervenants y signalent leurs actions depuis le début du chantier jusqu’à la livraison finale du projet. Le cahier de chantier permet ainsi de définir les responsabilités de chacun des intervenants. Dans le cas d’un sinistre, souligne-t-on auprès des professionnels du secteur, ce document est le seul à pouvoir indiquer clairement et légalement qui a fait quoi et qui a commis telle ou telle erreur, et c’est exactement là que se définit sa valeur. À cet égard, c’est l’enquête judiciaire qui mettra toute la lumière sur les causes de cet effondrement qui aurait pu être dramatique.Il est à signaler que la ville de Kénitra a été soumise, ces dernières années, à une forte pression démographique et urbanistique, à tel point qu’elle a perdu une grande partie de son cachet architectural. Les immeubles poussent comme des champignons et certains bâtiments sont construits dans un temps record. Ce phénomène est une source d’inquiétude pour plusieurs Kénitris qui émettent le souhait que leur ville soit épargnée des contrecoups d’une urbanisation outrancière et mal maîtrisée.