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Les élèves de plus en plus entrainés dans la spirale de la drogue

À Casablanca, trois jeunes filles tentent de se suicider au cours de la semaine dernière. La scène se passe dans un collège-lycée privé de la métropole. Selon des témoins oculaires, il s’agit plus d’un acte irréfléchi que d’une tentative de suicide puisque les étudiantes étaient droguées. Les trois filles ont été expulsées de l’établissement scolaire. Cette histoire n’est pas unique ou propre aux écoles marocaines. Plusieurs établissements publics et privés sont confrontés presque chaque jour à des situations difficiles à cause de la drogue. Les étudiants n’ont plus peur de se faire prendre en flagrant délit. «Je dois souvent renvoyer des élèves qui préparent un joint ou qui consomment en classe du “maajoune” ou une autre drogue. Certains entrent déjà drogués avec les yeux rouges pour rigoler et perturber le cours», nous confie un enseignant au lycée. Certains étudiants se droguent au début pour rigoler, mais ils finissent par devenir dépendants. «Pour plaisanter, certains élèves peuvent donner à leurs camarades le space cake. C’est un gâteau mélangé avec des produits droguants dangereux qui procurent des sensations hallucinogènes», explique un élève d’un lycée public.

Un véritable trafic de stupéfiants prend place parmi les jeunes qui parviennent à déjouer la surveillance des parents, des autorités et des cadres pédagogiques. Les vendeurs de stupéfiants font des écoles leurs terrains favoris. Les filles comme les garçons peuvent toucher aux différents types de drogues. La cigarette est la plus répandue parmi les élèves, même au primaire. L’alcool est aussi très prisé.
«J’étais choqué de trouver un matin, une étudiante cachée au dernier rang en train de boire de l’alcool. Elle m’a répondu qu’elle devait boire pour pouvoir continuer sa journée. L’école prend des mesures disciplinaires sévères avec les étudiants qui se droguent mais ce n’est pas assez. Il faut un accompagnement par la sensibilisation», explique Ahmed, enseignant dans un lycée à Casablanca. À côté de la société civile, les parents essaient aussi de faire face au monstre de la drogue et sensibilisent leurs enfants. «J’ai sensibilisé mes enfants au danger de la cigarette depuis longtemps mais pas encore aux drogues. Le plus important, c’est que les parents expliquent aux enfants avant qu’un étranger s’en charge et leur bourre la tête avec des mensonges», souligne Hind Tajeddine. Pour cette maman, «il faut être clair et simple et expliquer que la cigarette par exemple n’apporte rien de bien. Elle ne fait que détruire les poumons. Pour les drogues, je vais me renseigner sur les différentes drogues et les différentes approches des dealers ou copains pour les sensibiliser». Une autre maman nous confie que «la sensibilisation dès le jeune âge crée un lien de confiance entre les parents et les enfants et pousse ces derniers à se confier à leurs parents à chaque fois qu’ils voient un comportement étrange». Cette approche est encouragée par Imane Kendili M.D. osychiatre- addictologue. 


Entretien avec Imane Kendili M.D. psychiatre-addictologue

«Ne pas parler de la drogue à nos enfants, c’est laisser la place à d’autres pour les informer à leur manière»

Docteur Imane Kendili a publié aux Éditions Orion un ouvrage didactique et scientifique qui décortique tous les types d’addiction dont sont aujourd’hui victimes des millions de Marocains. Dans cette interview, cette psychiatre, addictologue et sexologue parle de tout ce qui concerne la drogue et les enfants.

Le Matin : Votre livre «Les drogues expliquées à mes enfants» traite un sujet délicat qui fait peur aux parents. Qu’est-ce qui vous a poussé à aborder le thème la drogue sous cet angle ?
Imane Kendili
: Étant psychiatre addictologue, mais aussi mère de 2 enfants, la même angoisse de maman m’accompagne, d’où la nécessité personnelle d’expliquer, d’informer, de partager et de communiquer sur mes angoisses afin de ne pas laisser de vide, car c’est dans l’absence de communication et dans les tabous que croît le mal en général.
Le titre semble provocateur, il l’est, mais le livre explique, informe, car beaucoup de fausses informations circulent. Nos jeunes sont persuadés par exemple que le cannabis aide à se concentrer, alors qu’il est un fléau pour le cerveau des jeunes et des moins jeunes et est la seule drogue qui a un réel lien prouvé scientifiquement avec la maladie mentale.

Selon vous, à partir de quel âge doit-on expliquer la drogue aux enfants ?
On peut parler de tabac à un enfant de 7 ans. Informer, expliquer et parler de jeux vidéo et d’internet dès 6 ans. À 11 ans, on parle de cannabis et d’alcool. A l’entrée au collège, les 12 à 15 ans sont les plus réceptifs à la prévention primaire.

Comment doit-on procéder sans éveiller la curiosité de l’enfant pour tester cet interdit ?
Ce sont nos angoisses, on n’éveille pas la curiosité d’un enfant en parlant de sexualité ni de drogues. 
On ouvre un dialogue qui fera qu’il reviendra vers nous pour toute autre question ou devant un problème grave. La communication à propos de ce qui fâche prévient, n’éveille rien, car tout se trouve auprès des pairs qui sont là pour intégrer un adolescent dans un groupe et pour s’intégrer on fume, on boit, on se lance des challenges... Tout est partout, ne pas en parler est se voiler la face ou faire la politique de l’autruche en pensant que son enfant est aseptisé, c’est laisser la place à d’autres pour informer nos enfants à leur manière : dealers ou consommateurs plus à l’écoute.

Comment savoir si un jeune se drogue ? 
t que faut-il faire ?

Un jeune qui se drogue change de comportement. Ses résultats scolaires peuvent chuter, il peut être plus impulsif, plus agressif ou au contraire en repli, désociabilisé... Tout changement de comportement ou d’attitudes doit interpeller. On peut remarquer des troubles du sommeil, un amaigrissement... Et n’oublions pas que les jeux vidéo et les réseaux sociaux sont une drogue également, ce sont des addictions comportementales et elles font ravage.
Il faut en parler, lui parler, consulter son médecin de famille faire un test de drogue...

Combien de temps peut durer une thérapie de désintoxication ?
Il n’y a pas de temps. Il faut d’abord établir que c’est une addiction qui nécessite une prise en charge. Les prises en charge sont multiples. Certains ont besoin d’hospitalisation, d’autres de thérapie cognitive comportementale, de thérapies systémiques familiales ou de médicaments en onction des patients. Il n’y a pas de recette miracle pour tous. Une fois la maladie installée, on est dans le chronique, d’où mon livre. J’insiste sur la prévention. Il faut briser les tabous et en parler avant. 

Combien coûte une thérapie de désintoxication ?
Les addictions ne sont pas considérées comme une maladie et ne sont donc pas prises en charge par les mutuelles. Au public, c’est 2.000 dirhams par jour, dont 500 supportées par la famille et 1.500 par l’État. Au privé, une thérapie coûte entre 2.000 et 3.000 dirhams par jours payés par la famille.

A-t-on des statistiques sur les jeunes Marocains qui consomment de la drogue ? 
IL faudrait des études de grande envergure sur la population générale et chez les 12 à 16 ans. Certains chiffres de l’Observatoire national des drogues sont retrouvés, mais les réalités de terrain et la forte demande de prise en charge implique la société civile et nous avons besoin d’un travail en amont. 

Comment voyez-vous les efforts de lutte contre la drogue au Maroc par rapport à d’autres pays ?
Le Maroc s’inscrit dans les pays avec une réelle politique assise avec l’ouverture grâce à Sa Majesté de 16 centres d’addictologie. Le ministère de la Santé en fait un de ses chevaux de bataille principaux. 


Les drogues peuvent accentuer les maladies mentales

La consommation d’alcool et d’autres drogues peut accroître les symptômes de certaines maladies mentales, comme les troubles psychotiques. Ces derniers peuvent prendre diverses formes et sont caractérisés par différents symptômes tels que les hallucinations et les délires. La schizophrénie fait partie des troubles psychotiques, et la psychose est fréquente chez les personnes qui en souffrent. Toutefois, la psychose peut survenir lorsqu’il y a d’autres problèmes de santé. Plusieurs drogues peuvent causer des symptômes de psychose de courte durée et même mener à des symptômes qui perdurent chez certaines personnes. De plus, pour celles qui sont déjà aux prises avec des troubles psychotiques, le fait de consommer de l’alcool et d’autres drogues peut aggraver leurs symptômes et les rendre plus difficiles à traiter.

Effets des drogues sur le cerveau

Les drogues qui agissent le plus fortement sur l’humeur sont les psychostimulants et les opiacés. Les psychostimulants, comme leur nom l’indique, augmentent la vigilance et diminuent la sensation de fatigue et de sommeil : c’est le cas des amphétamines et de la cocaïne. Alors que les opiacés, comme la morphine ou l’héroïne, ont un effet d’endormissement. 
Bien que ces deux groupes de produits aient des effets opposés, ils possèdent en commun la propriété d’augmenter dans le cerveau la libération d’une molécule fabriquée par les neurones : la dopamine. C’est le cas de tous les produits qui déclenchent de la dépendance chez l’homme, comme le tabac, l’alcool, l’ecstasy ou le cannabis. 
Les drogues, par leur action biochimique, modifient la conscience que nous avons de notre environnement et de nous-mêmes. La prise répétée de drogues modifie à long terme la façon dont notre cerveau perçoit l’origine de ses satisfactions et perturbe notre recherche du plaisir, entraînant ainsi chez certaines personnes des phénomènes de dépendance.

Bilan de la DGSN

La Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) fait de la lutte contre le trafic de drogue son cheval de bataille. En 2019, 127.049 personnes ont été interpellées dans des affaires liées à la drogue, soit 38% de plus par rapport à l’année précédente. Les opérations de lutte contre la drogue et les psychotropes ont permis la saisie de 179,657 tonnes de haschich et ses dérivés, plus de 542 kilogrammes de cocaïne, plus de 7 kilogrammes d’héroïne et 1.407.451 comprimés psychotropes.

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