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Comment faire des finances locales une arme contre les inégalités sociales et spatiales

Le colloque international des finances publiques qui s’est tenu vendredi et samedi derniers à Rabat a permis l’émergence d’une multitude d’idées et pistes pour faire des finances locales un moyen efficace de réduction des inégalités sociales et spatiales. Les maîtres-mots de cette rencontre d’organisation maroco-française étaient surtout la mobilisation des ressources financières, la bonne gouvernance et la responsabilité. Une réforme en profondeur de ces finances est suggérée.

Comment faire des finances locales une arme contre les inégalités sociales et spatiales
Pour la majorité des intervenants, résoudre cette équation à plusieurs variables se pose forcément en termes de moyens, de gouvernance et de responsabilité. Ph. Seddik

Le Colloque international des finances publiques qu’a abrité Rabat vendredi et samedi derniers aura été un important laboratoire d’idées pour contribuer à décortiquer un défi de taille auquel est confronté le Maroc actuellement. Il s’agit de la réduction des inégalités sociales et spatiales, et ce, par le biais des finances locales. Ce rendez-vous annuel, qui en est à sa 13e édition, est organisé par le ministère de l’Économie et des finances et l’Association pour la fondation internationale de finances publiques (Fondafip) avec le soutien de la «Revue française de finances publiques» (RFFP). Thème retenu : «Quelles finances locales au Maroc et en France dans un monde en mutation ?»
Pour la plupart des intervenants, résoudre cette équation à plusieurs variables se pose forcément en termes de moyens, de gouvernance et de responsabilité.
«Il y a quelques années encore, on pensait que la gouvernance des finances locales était moins une question de moyens qu’une question de modèle et d’outils de gestion», fait remarquer Mohamed Benchaaboun, ministre de l’Économie et des finances. Certes, la question des moyens «reprend ses droits», «vu les changements auxquels nous assistons et qui iront grandissants», concède-t-il. Toutefois, cela ne doit pas occulter le modèle ou les outils de gestion pour autant, note l’argentier du Royaume, insistant sur le fait que l’ensemble doit être appréhendé comme «un tout cohérent et équilibré». 
Le ministre relève que les ressources financières sont devenues davantage une denrée rare aussi bien pour les collectivités locales que pour l’État. De ce fait, conclut-il, le grand défi aujourd’hui est de gérer cette rareté et de faire preuve d’innovation et imaginer de nouvelles sources de financement. Ce qui reviendrait à dire qu’il faut trouver la meilleure répartition des ressources actuelles entre l’échelon national et l’échelon local, explique-t-il. En fait, pour lui, c’est cette «répartition optimale» entre le national et le local qui «améliorerait l’efficacité de l’action locale et répondrait mieux aux préoccupations de développement global du pays».

Pas d’imitation aveugle !
Benchaaboun insiste, à cet effet, sur la mobilisation du potentiel fiscal qu’il considère comme un enjeu majeur. Cette mobilisation doit passer avant tout par une meilleure appréhension de la matière imposable et par la levée des dysfonctionnements d’assiette. Il estime qu’il est légitime d’explorer de nouvelles pistes à la recherche de nouvelles formes de financement qui auraient, éventuellement, montré leur efficacité ailleurs, mais, prévient-il, «sans tomber dans l’imitation aveugle». Il trouve aussi qu’il est intéressant d’examiner les possibilités de renforcement des recettes non fiscales. Il s’est ainsi interrogé sur la viabilité du recours à l’emprunt pour le financement des investissements locaux compte tenu du niveau d’endettement des collectivités territoriales.
Pour conclure, le ministre insiste sur la nécessité de disposer aujourd’hui d’un «modèle à la hauteur du défi du moment (...) qui libère les énergies de nos territoires». Un modèle qui devrait être «léger, souple, capable de s’adapter au rythme des changements imposés par le monde qui nous entoure». L’enjeu étant de passer à une phase de développement du pays où les politiques économiques devraient être élaborées, mises en œuvre et évaluées au niveau local, selon le ministre.
Analysant globalement la question des finances locales sous le même prisme que le ministre, Noureddine Bensouda, le trésorier général du Royaume, a relevé d’emblée que les collectivités territoriales dépendent financièrement de l’État et subissent par transitivité les effets de la mondialisation, de l’interdépendance des économies et du développement de l’économie numérique. Ainsi, illustre-t-il, 88% en moyenne des ressources fiscales des collectivités territoriales proviennent des recettes fiscales transférées ou gérées par l’État. L’essentiel des transferts de l’État aux collectivités territoriales provient de leur part dans le produit de la TVA (30%), l’IS (5%) et l’IR (5%), représentant deux tiers de leurs recettes fiscales, note-t-il. Or, les recettes fiscales de l’État tendent à baisser du fait des incitations fiscales, relève Bensouda, qui appelle à leur réduction et à un réel élargissement de l’assiette fiscale. Le trésorier général du Royaume insiste également sur une meilleure gouvernance des finances locales pour des services publics de proximité et de qualité. Pour lui, l’État et les collectivités territoriales sont coresponsables vis-à-vis du citoyen des prélèvements obligatoires, des dépenses publiques et de l’action qu’ils exercent. Ils doivent par conséquent, résume-t-il, veiller à la coproduction de services publics de proximité et de qualité.

Variables d’ajustement 
L’avenir des finances locales est aussi une affaire de respect du droit et de responsabilité, insiste Bensouda. Car, toutes les actions contraires à la loi peuvent compromettre l’égalité des chances entre les citoyens, favoriser une catégorie sociale au détriment d’une autre et aggraver les inégalités sociales au lieu de les réduire. Le non-respect de la loi impacte aussi bien l’égalité des revenus que du patrimoine, indique-t-il, notant que les collectivités territoriales «doivent éviter de faire des délais, voire de la qualité, les variables d’ajustement quand les moyens se révèlent insuffisants ou la complexité excessive». Pour ce faire, il les appelle à mettre en place une comptabilité d’exercice pour une gestion plus efficace des finances locales.
Michel Bouvier, président de la Fondafip et directeur de la revue RFFP, va plus loin en appelant à une réorganisation en profondeur des finances locales pas seulement en ce qui concerne leur forme et leurs fonctions, mais aussi les relations qu’elles entretiennent avec les autres acteurs publics.  

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