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Fidéliser les jeunes talents, le nouveau défi des managers

Si les nouvelles générations ont la réputation d’être innovantes, de maîtriser les nouvelles technologies, d’avoir une capacité à s’adapter vite et mieux aux changements, elles peuvent constituer un élément de remise en question des bases managériales en entreprise. Cherchant toujours la nouveauté et l’épanouissement, les jeunes talents ont plutôt tendance à changer plus rapidement et plus facilement de poste et ne font pas long feu en entreprises. Au fur et à mesure qu’elle arrive sur le marché de travail, cette nouvelle génération constitue un enjeu majeur pour les RH. Fidéliser et retenir ces jeunes talents représente donc un grand défi pour les managers en 2019 et pour les années à venir.

Les modes de management ne cessent d’être renouvelés depuis l’arrivée de la génération Y (et bientôt la génération Z) sur le marché de travail. Les jeunes ont imposé leur mode de vie, poussant ainsi les managers à se remettre en question pour s’adapter à cette nouvelle génération à la conquête permanente de nouveauté et d’épanouissement personnel. Une récente étude de Deloitte révèle que 70% des Millenials n’envisagent pas de rester dans la même entreprise plus de 5 ans. Ceci constitue donc le défi 2019 des managers. Il ne suffit pas de recruter des talents et d’investir en formation, encore faut-il les fidéliser et les retenir.
Mais pourquoi les jeunes sont-ils si virevoltants et instables. «Ont-ils été instruits dans le respect du travail assidu et bien fini ? Ont-ils constaté par leurs yeux d’enfants ou d’adolescents que l’effort personnel est apprécié et justement rétribué ? Ont-ils compris qu’en contrepartie des droits, chacun de nous a également des devoirs à remplir ? Si les réponses à ces questions ne sont pas affirmatives, nous tenons la première raison de l’instabilité de la jeune génération face au monde professionnel», souligne Malgorzata Saadani. La coach international ICC explique aussi l’échelle des priorités est différente chez les jeunes par rapport à leurs prédécesseurs. «Pour eux, la carrière est importante, mais relative et sa place n’est plus au premier plan. C’est plutôt l’équilibre, le bien-être individuel, l’écologie et l’ouverture vis-à-vis des changements fréquents qui sont mis en avant», affirme-t-elle.

En effet, le développement personnel occupe une place très importante chez les jeunes et pour eux, il est inconcevable de faire passer le travail avant les plaisirs de la vie. «Le but du travail est de nous aider à mieux apprécier les plaisirs de la vie. On ne vit pas que pour le travail. Ma carrière est très importante pour moi, mais j’ai aussi besoin de m’épanouir dans ma vie privée. Voyager, faire du sport, passer du temps avec mes amis et ma famille… alors si je ne réussis pas à m’épanouir ou je me rends compte que les valeurs de l’entreprise ne me conviennent pas, je n’hésiterai pas à changer. D’ailleurs, le changement est bénéfique dans une carrière», affirme Chaimaa, 28 ans.
«Changer d’entreprise ou ne pas imaginer une carrière entière dans une même organisation est une attitude saine et responsable. Cela correspond à une sorte d’agilité professionnelle qui est souvent demandée par l’employeur lui-même... mais de préférence dans son entreprise, pas chez les autres. Cette possibilité valorisante est désormais envisageable, car le marché du travail le permet en raison des opportunités offertes et du fait de la transparence améliorée de ce dernier», rassure Karim Amara, professeur expert EM-Lyon campus Casablanca et consultant RH.
Le changement est dans l’ADN des Millenials. Toutefois, il n’est pas impossible de les fidéliser à l’entreprise. Le secret est dans le mode de management. «Pour retenir les jeunes talents, il faut s’intéresser véritablement à la personne, établir un dialogue intelligent pour découvrir ses sensibilités et leviers de motivation personnelle, lui témoigner du respect, reconnaitre ses efforts, la rémunérer d’une manière juste et équitable… En un mot : créer un vrai rapport gagnant-gagnant», conseille Malgorzata Saadani. La coach préconise également d’aménager des espaces de travail modernes et moins formels, leur offrir la possibilité d’effectuer une partie du travail à domicile, soutenir la pratique sportive, touristique ou culturelle et proposer à la cantine des menus variés, y compris végétariens, etc.
Même son de cloche chez Karim Amara qui estime que la fidélisation des talents dispose de ressorts classiques. «La reconnaissance immatérielle de la contribution apportée par les jeunes collaborateurs, la juste évaluation de leur performance, la rétribution en équivalence et enfin, la prise en compte des aspects du bien-vivre pour un véritable épanouissement sur les lieux de travail. Ceux sont là assurément d’excellentes dynamiques introduites cette dernière décade et alimentées par autant de formules diverses et imaginatives».   

Et d’ajouter : «Je pense que la fidélisation se construit aussi par le biais de la transformation des rapports managériaux et donc de la qualité du management. Celle-ci passe, de mon point de vue, par une aptitude convenablement développée auprès des jeunes talents pour les former à la prise de parole, la participation effective aux projets et autres prises de décision. Le but est de donner corps et sens à l’apport de chacun dans la performance globale, par une capacité à mettre en exergue ce que nous appelons l’intelligence collective et travail collaboratif. Et enfin, par la confiance partagée qu’induit l’acte de manager : un management au final nécessairement exemplaire et davantage  bienveillant».
La quête de ce management nouveau et cette grande envie d’autonomie fait croire qu’il sied plus aux Millenials de se lancer dans l’entrepreneuriat. Les experts estiment que la génération Z se compose surtout de futurs freelances qui n’ont pas peur d’être livrés à eux-mêmes et donc d’entreprendre. «Effectivement, parfois ça peut être une solution, mais pas toujours. S’établir à son propre compte exige beaucoup de détermination et de discipline, souvent des sacrifices et certainement la journée remplie bien au-delà des horaires de travail de salarié», rappelle Malgorzata Saadani. Des sacrifices qui ne correspondent pas forcément au profil des jeunes qui ambitionnent de réaliser des progressions rapides, d’avoir des horaires flexibles et du temps libre pour les autres plaisirs de la vie. «Faire ses premiers pas dans une entreprise déjà établie et bien organisée permet de mieux apprendre, de se faire connaître et d’étoffer son nouveau réseau relationnel. En même temps, si la jeune personne est passionnée, déterminée et compétente, elle a toutes ses chances pour réussir sans être obligée de passer par la case salariale. En somme, je pense que c’est plus une question de personnalité et de compétences réelles que de génération à laquelle on appartient», conclut Saadani. 


Karim Amara, professeur expert EM-Lyon campus Casablanca & consultant RHmise

«La génération montante dite Z, qui aborde déjà le marché du travail, est soucieuse, très légitimement, de la sécurité et de la bonne intégration en entreprise. Elle entend rechercher l’amélioration de ses niveaux de compétences et le renforcement de ses savoir-faire. Elle ambitionne naturellement de s’investir pleinement au travail et d’améliorer ses aptitudes multiples. L’expérience progressivement acquise ou à acquérir est un élément d’appréciation très présent chez les jeunes au démarrage de leur carrière ou dans la construction de celle-ci, nonobstant le fait de vouloir trouver un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
 Les données disponibles montrent d’ailleurs que très peu de jeunes personnes se lancent dans l’aventure entrepreneuriale. Un indicateur ne ment pas : celui de l’âge des créateurs d’entreprises. Il se situerait au-delà de la quarantaine. En réalité, la création d’entreprise est plutôt le fait de personnes ayant acquis au fil des années une expérience certaine dans leurs domaines de prédilection ou ayant eu le temps de fixer clairement leurs préférences d’investissement.
 La “non-fidélité” n’a pas pour corollaire immédiat et systématique l’autonomie et la liberté d’entreprendre. Celle-ci peut se décider, mais elle doit surtout se préparer. Il faut du tempérament, du caractère et du courage. Il est, également, nécessaire d’avoir une motivation personnelle forte. Il faut encore un écosystème porteur. Mais il faut, surtout et de plus en plus, des formations et des accompagnements adaptés dans le sens d’une réelle préparation à assumer dans les meilleures conditions l’acte d’entreprendre. Ne s’agit-il pas de transformer justement cette velléité de liberté en action et l’inscrire de façon pérenne dans une perspective de réussite ?»


Entretien avec Malgorzata Saadani, coach international ICC

«Les moyens de fidéliser tout profil sont les mêmes, quelle que soit la génération»​

Management & Carrière : Les jeunes actifs ont la réputation aujourd’hui d’être virevoltants et de ne pas s’attacher aux entreprises. Le sont-ils réellement ? Si oui, pourquoi ?
Malgorzata Saadani
: Si nous parlons des jeunes de 20-25 ans, fraîchement diplômés ou juste à la recherche des premières expériences professionnelles, nous sommes effectivement en face d’une toute nouvelle génération qui est le fruit de l’éducation familiale et scolaire. Ont-ils été instruits dans le respect du travail assidu et bien fini ? Ont-ils constaté par leurs yeux d’enfants ou d’adolescents que l’effort personnel est apprécié et justement rétribué ? Ont-ils compris qu’en contrepartie des droits, chacun de nous a également des devoirs à remplir ? Si les réponses à ces questions ne sont pas affirmatives, nous tenons la première raison de l’instabilité de la jeune génération face au monde professionnel. L’autre raison, c’est l’échelle des priorités personnelles dans la vie qui est construite chez eux selon d’autres critères : l’équilibre et le bien-être individuel mis en avant, l’écologie et l’ouverture envers les changements fréquents. Dans ce tableau, la carrière est aussi importante, mais relative et sa place n’est plus au premier plan. Bien entendu, les gens établissent leur propre ordre des priorités où la place et le poids de chaque élément varient, mais pour les besoins d’analyse nous généralisons et parlons de grandes tendances.
Et enfin, comment s’attacher durablement et sincèrement à une entreprise dans le cas où celle-ci manquerait de respect envers ses jeunes recrues, en les embauchant sous des contrats précaires ou sous-payés, ou encore des stages à l’infini, sans leur offrir une réelle perspective d’avenir ? Alors, les éternels stagiaires ne se laissent pas faire et deviennent imprévisibles, ce qui provoque des démissions inopinées et un turnover permanent. Un vrai cauchemar pour les entreprises qui ont besoin de fidéliser les compétences pour pouvoir assumer leur croissance.

Leur instabilité peut-elle impacter les autres collaborateurs ? 
Certainement, quand une partie des collaborateurs n’adhère pas aux mêmes valeurs ou quand elle cultive un peu trop l’individualisme ça mine la cohésion des équipes et l’efficacité économique finale. Les gens considérés comme stables n’aiment pas être les «gentils de service» et travailler à la place des autres, 
d’où le risque de tensions.
Les deux menaces majeures sont : le relâchement général (nivellement de tout le monde vers le bas) et les conflits personnels sur le fond du désaccord à propos 
de la vision du travail. 

Comment éviter cette mauvaise influence ?
Les managers doivent être vigilants par rapport à cette question générationnelle. C’est-à-dire prévenir les problèmes, suivre l’intégration des bonnes règles et leur application dans la pratique et recadrer si c’est nécessaire. Pour la partie prévention, il y a le processus de recrutement professionnel qui permet d’engager les candidats les plus en phase avec la culture de l’entreprise, ainsi que leur bonne introduction à travers les formations d’ajustement, les teambuildings et les activités sociales...

Comment «fidéliser» ces jeunes ?
Je pense que les moyens de fidéliser tout profil sont les mêmes, quelle que soit la génération. S’intéresser véritablement à la personne, établir un dialogue intelligent pour découvrir ses sensibilités et leviers de motivation personnelle, lui proposer des solutions et de l’aide, la traiter correctement : témoigner du respect, montrer de la reconnaissance des efforts, rémunérer d’une manière juste et équitable, tracer une voie de progression, favoriser une stabilité… En un mot : créer un vrai rapport gagnant-gagnant.
Pour les managers-perfectionnistes, il y a aussi la possibilité de rajouter des détails qui sont proches au cœur de ces jeunes, à savoir aménager des espaces de travail modernes et moins formels, offrir la possibilité d’effectuer une partie du travail à domicile, soutenir la pratique sportive, touristique ou culturelle, proposer à la cantine  des menus variés, y compris végétariens, etc.

Quel mode de management faut-il adopter avec eux ?
Je pense qu’il faut surtout rester raisonnable et ouvert d’esprit, sans préjugés ni certitudes liées à l’ancienneté. J’éviterai d’énumérer les styles académiques (directif, participatif, etc.) parce qu’à vrai dire aucun d’eux n’est une panacée à lui tout seul. 
Il faut observer et réagir en fonction des situations et de la composition des équipes hétéroclites. Et surtout se donner le temps de les connaître pour bien les gérer. Ici, il y a une grande responsabilité du management de proximité qui doit être mature intellectuellement et apte à admettre la différence. Aussi le top management doit en être conscient et chercher des solutions de concert avec le middle management, au lieu de le presser pour obtenir les résultats chiffrés sans nécessairement lui donner les moyens humains pour y arriver.
Le fait est que ces jeunes représentent l’avenir. C’est une vérité générationnelle dont il faut être conscient pour réussir le passage de témoin en entreprise. Faut-il encore se rappeler que les «anciens» d’aujourd’hui ont bien été «les jeunes» d’autrefois...

Est-ce que l’entrepreneuriat sied mieux à ce genre de profil ?
Effectivement, parfois ça peut être une solution, mais pas toujours. S’établir à son propre compte exige beaucoup de détermination et de discipline, souvent des sacrifices et certainement une journée remplie bien au-delà des horaires de travail de salarié. En outre, faire ses premiers pas dans une entreprise déjà établie et bien organisée permet de mieux apprendre, de se faire connaître et d’étoffer son nouveau réseau relationnel. 
En même temps, si la jeune personne est passionnée, déterminée et compétente, elle a toutes ses chances pour réussir sans être obligée de passer par la case salariale. En somme, je pense que c’est plus une question de personnalité et de compétences réelles que de génération à laquelle on appartient. 

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