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«En fiscalité, ce qui est équitable pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres»

Équité, élargissement de l’assiette, pression fiscale, pertinence des exonérations, digitalisation... Issam El Maguiri président de l’Ordre des experts-comptables, livre son point de vue sur ces questions fiscales, à deux mois des tant attendues Assises. Il revient sur les devoirs et obligations de la profession et insiste sur le rôle citoyen à jouer pour un civisme fiscal. Au passage, il appelle à un encadrement des honoraires.

L’expert-comptable a un rôle citoyen dans la sensibilisation des entreprises au civisme fiscal. C’est le message d’Issam El Maguiri, président de l’Ordre des experts-comptables au Maroc, qui était l’invité de l’émission L’Info En Face sur Matin 1ère. «Nous estimons être assez proches de nos clients pour connaître leur situation comptable et financière et le degré de leur conformité légale et fiscale», partage le président de l’Ordre. Cependant, si l’expert-comptable joue ce rôle d’accompagnement au quotidien, il n’est pas le teneur de comptes. Il répond à ce titre aux questions comptables, juridiques et managériales des entreprises. Il ne se substitue pas à la prise de décision dans ces entreprises. 
Bien évidemment, attirer l’attention du chef d’entreprise sur les questions de conformité fait partie de son rôle. «Mais un expert-comptable ne peut être responsable que dans la limite de ce qui est fixé par les lois en vigueur, que ce soit celle qui réglemente la profession, la loi comptable ou sur les sociétés. Un professionnel n’a pas, par exemple, à se prononcer sur les comptes d’une entreprise. Ce n’est pas son rôle», souligne El Maguiri.
La réalité, selon l’expert-comptable, est qu’il y a aujourd’hui un problème avec l’information comptable produite par l’entreprise. Pour une information comptable plus fiable, il faut faire adhérer le maximum d’entreprises et de PME à l’audit et à la certification des comptes. À ce moment, le commissaire aux comptes, de par sa mission, s’occupe de la régularisation fiscale aussi. Car avant tout, nous sommes aussi des auditeurs», précise l’invité de Rachid Hallaoui. En effet, la loi 15-89, qui réglemente la profession, donne aux experts-comptables l’exclusivité de certifier les comptes et d’émettre des opinions à leurs propos. C’est pourquoi l’Ordre des experts-comptables livre un combat sans relâche pour une généralisation de l’audit comptable. 
«D’ailleurs, sur les 500.000 entreprises inscrites sur les registres de la Direction générale des impôts, les 140.000 qui se déclarent en déficit structurel devraient être accompagnées d’auditeurs. Or, seule une poignée d’entre elles l’est réellement. Cela permettrait d’identifier les entreprises qui sont réellement en déficit de celles qui ne veulent pas payer leurs impôts», indique El Marigui. Ce dernier ne se cache pas de prêcher pour la profession. «Oui. Mais au-delà, je reste convaincu que les entreprises marocaines gagneraient à auditer et certifier leurs comptes», insiste le président. Le Maroc compte actuellement 643 experts-comptables et 340 sociétés d’expertise-comptable totalisant 6.500 collaborateurs seulement pour 500.000 entreprises. L’ouverture de nouveaux marchés semble être très indiquée. Mais avant cela, un coup de balai dans la profession est nécessaire, reconnaît El Maguiri sans en expliquer les motivations. 
Est-ce parce qu’il est admis que 25 à 30% des experts-comptables opteraient de temps en temps pour certaines pratiques informelles ? El Maguiri répond d’un non catégorique. «Tout simplement parce que notre profession fait partie de celles où il est très difficile d’agir dans l’informel. Nos clients demandent des factures et ne payent pas en cash. Nous sommes souvent payés par voie bancaire. Le chiffre d’affaires d’un expert-comptable peut d’ailleurs facilement être reconstitué. Les clients déclarent aujourd’hui leurs prestataires de services», souligne-t-il. Certes la tarification n’est pas réglementée, mais «cela n’a pas servi la profession qui souffre d’une baisse des honoraires de la certification et de l’audit». C’est pourquoi le président appelle à une réglementation des honoraires. 
«Dans le cadre de toute mission ou métier réglementé, pour garantir un service sain, il faut absolument que les prix soient encadrés pour permettre un exercice de qualité et des conditions d’exercice acceptables», insiste El Maguiri. Ce n’est pas le seul point qui dérange la profession. Revoir les critères de désignation d’un commissaire aux comptes est également à l’ordre du jour. 


À situation égale, impôt égal !

Entre un salarié qui est prélevé à la source à 38% et une profession libérale dont la contribution est quatre fois inférieure, où est l’équité fiscale ? En effet, 49% des recettes fiscales proviennent des salariés du secteur privé, contre 11% seulement pour les professions libérales. «Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. Il faut diagnostiquer le système actuel afin d’identifier toutes les situations où on pense qu’il y a inégalité», répond le président de l’Ordre des experts-comptables. Car il n’y a pas que les revenus salariaux et professionnels qui sont en jeu. D’autres sont concernés : fonciers, agricoles, de source étrangère et passifs (dividendes et intérêts). Certes, la Direction générale des impôts (DGI) a mis en place de nouveaux barèmes pour les notaires, avocats, experts-comptables et d’autres professions, il reste cependant que le débat est ailleurs, selon El Maguiri. «Il est par exemple question de savoir si une entreprise qui opère dans le Sud et une autre dans le Centre doivent être imposées de la même manière. Je ne parle pas de la fiscalité régionale. C’est pourquoi je dis que l’équité fiscale est relative. Ce qui est équitable pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres», souligne l’expert-comptable dont le leitmotiv est «A situation égale, impôt égal». La fiscalité doit être neutre. Elle ne doit pas avoir d’impact sur la décision d’investir. Parmi ses objectifs, la redistribution des revenus et des richesses pour des considérations sociales. En d’autres termes, la fiscalité a un autre objectif, développe notre invité : celui de booster la croissance économique et sociale. Le défi, selon le président de l’Ordre, est donc de savoir comment faire pour que l’impôt soit payé et quelle doit en être la contrepartie.
En gros, la solution passe d’abord, préconise El Maguiri, par un diagnostic qui permette d’avoir une idée sur la répartition de l’assiette, la manière dont l’impôt est calculé pour chaque 
type de revenu de façon à assurer une meilleure équité fiscale.

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