On a beau dire que les TPME sont les véritables moteurs de l’emploi, la situation est autre. Selon la toute dernière enquête nationale du Haut-commissariat au plan (HCP) auprès des entreprises, l’investissement et l’emploi restent le fait des grandes entreprises (GE). Concrètement, sur les 3 dernières années, 39% des entreprises ont réalisé des investissements. Et ce sont donc les grandes qui tiennent la corde (80%). L’enquête effectuée auprès d’un échantillon de 2.101 entreprises relevant de l’industrie, de la construction, du commerce et des services marchands non financiers, indique que la taille de la structure apparait comme un facteur déterminant de l’investissement.
Toutefois, l’acte d’investir demeure entravé par le manque de financement pour les trois quarts (74%) des entreprises quelle que soit leur taille. Côté création d’emplois, la tendance est la même : sur la moitié des sociétés ayant déclaré avoir recruté ces 3 dernières années, 90% sont des GE. Suivent les PME (70%) et les TPE (38%). Les GE recrutent principalement des profils d’un niveau élevé (ingénieurs, cadres supérieurs, etc.) alors que les TPE embauchent essentiellement des techniciens spécialisés et des ouvriers qualifiés. Et détrompez-vous ! La majorité des recrutements (71%) sont des remplacements ou interviennent suite à l’expansion de l’activité (64%).
Les TPME sont, par ailleurs, les plus exposées aux difficultés de financement. Une problématique qui étrangle 40% d’entre elles. Globalement, une entreprise sur cinq recourt au financement externe dont la majorité (93%) provient du crédit bancaire. Cette proportion s’élève à 46% pour les GE contre seulement 18% pour les TPME. Dans l’ensemble, 58% des chefs d’entreprises interrogés affirment être insatisfaits des services offerts par les institutions financières. En toute évidence, ce mécontentement est plus accentué chez les TPE (63%). L’enquête du HCP montre que les problèmes dont pâtissent les entreprises, en particulier les TPME, sont pratiquement à tous les étages. L’encadrement, par exemple, demeure boiteux, bénéficiant d’une faible offre de formation, très largement «marocanisée» et peu féminisée. En effet, les entreprises présentent un taux d’encadrement de 25% avec une faible disparité selon les secteurs d’activité. Avec un taux de 18%, les TPME industrielles sont les moins loties. Une nuance tout de même : le taux d’encadrement le plus élevé est enregistré chez les TPME commerciales (33%). Dans la formation continue, ce sont les GE qui engrangent les bonnes notes puisqu’elles pèsent pour 75% des structures ayant mené des actions de renforcement des capacités de leur personnel, contre 34% pour les PME et 18% pour les TPE. Les beaux discours institutionnels sur la digitalisation des entreprises ne doivent pas camoufler une réalité pour le moins amère : les sociétés font un faible usage des technologies dans leur fonctionnement. Alors que 31% possèdent des sites web, seules 35% les utilisent dans un cadre professionnel. Et encore une fois, ce sont les GE qui en disposent le plus (43%), contre 28% pour les TPME. La rareté de la gent féminine dans le management des entreprises est aussi mise en avant. Un paradoxe toutefois : c’est dans les GE que le taux de féminisation est le plus bas. Il est de 8% contre 13% pour les TPME et se situe entre 3 et 17% selon le secteur d’activité. La percée des TPME à l’export réjouit en revanche. La part des entreprises exportatrices avoisine 7%, dont un peu plus de la moitié sont des exportateurs réguliers. Cette part est de 2,6% chez les TPE et de 10% dans les PME. Par ailleurs, 80% des entreprises exportatrices relèvent du secteur tertiaire lui-même dominé par les TPME. 40% de ces structures qui exportent ont moins de 10 ans. Ces éléments en plus de l’importance numérique des TPME traduisent leur potentiel de progression à l’export. La part des entreprises exportatrices est, quant à elle, relativement importante au sein des GE (31%) mais 55% ont plus de 20 ans.
Le fisc, la bête noire
Le rapport entre l’entreprise et le fisc s’apparente à l’histoire de la carpe et du lapin. Les sociétés interrogées se plaignent, en effet, des contrôles fiscaux et de la multiplicité des redressements. 34% des GE affirment avoir fait l’objet d’un contrôle fiscal et 73% ont été redressées l’année dernière. En attendant sa réforme, le système fiscal actuel est jugé contraignant par 60% des entreprises. C’est aussi un facteur de découragement de l’investissement pour 95% des sociétés de l’échantillon et une source de méfiance vis-à-vis de l’administration fiscale (88%). Pour 69%, le système fiscal favorise le recours à des pratiques informelles. Il est considéré comme étant complexe par plus de la moitié des entrepreneurs (51%). En outre, la lenteur de traitement des litiges commerciaux par les tribunaux constitue une contrainte pour 51% des entrepreneurs. Aussi, 15% déclarent trouver des difficultés dans l’exécution des décisions judiciaires. L’accès à la commande publique est aussi voué aux gémonies par les sociétés. 45% des chefs d’entreprises estiment que le monopole de certaines entreprises est l’une des principales raisons qui les empêchent de décrocher un marché. Cette proportion est de 60% pour les TPE. Le manque de transparence est évoqué par 56% des PME ayant soumissionné à un marché public. Par ailleurs, près de 89% des patrons considèrent que les délais de paiement après livraison des commandes publiques constituent un réel frein au développement de l’entreprise. Ce facteur menace beaucoup plus les TPME (90%) qui le considèrent comme obstacle majeur menaçant même leur survie.