Menu
Search
Vendredi 19 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 19 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Économie

«L’avenir exige que le Maroc poursuive la voie édictée par S.M. le Roi et les gisements de croissance pour le Royaume sont au sud du Sahara»

Ancien ministre de l’Économie et des finances du Mali, ancien ministre de l’Énergie et de l’eau, ancien directeur général de plusieurs banques et organismes financiers au Mali, au Sénégal et en Guinée-Bissau, Monsieur Mamadou Igor Diarra occupe les fonctions de directeur régional du groupe Bank Of Africa, le bras armé de BMCE Bank Of Africa. Il supervise, à ce titre, les activités des sept filiales de la banque au sein de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest. En marge de l’inauguration par la Fondation BMCE Bank pour l’éducation et l’environnement d’une école de l’excellence dans la banlieue de Dakar, nous avons eu un entretien avec ce haut cadre de la finance, fin connaisseur de la sous-région et du Maroc, pays où il a poursuivi ses études supérieures.

Le Matin : M. Diarra, pour commencer, quelles sont vos fonctions au sein du groupe BMCE Bank Of Africa (BOA) ?
Igor Diarra :
Aujourd’hui, je suis directeur régional en charge des filiales de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) qui regroupe huit pays du continent. Le groupe BOA est présent dans sept pays et mon rôle consiste à superviser l’activité de ces banques qui sont d’ailleurs de grandes banques, à part celle du Togo qui en est encore à ses débuts. Il s’agit en effet de banques qui ont atteint un grand niveau de maturité et qui participent au financement de leurs économies nationales respectives. Elles sont également présentes à travers plusieurs agences au niveau des pays de la sous-région. Il s’agit d’un groupe qui est ancré dans le tissu économique et qui finance l’ensemble des segments d’activité. Compte tenu de mon expérience, car j’ai eu le plaisir de travailler dans plusieurs banques au niveau de cet espace monétaire, aujourd’hui c’est une expérience que je partage avec mes collègues et directeurs généraux et les équipes, sous l’impulsion de la direction générale du groupe BOA.

Quel est le positionnement aujourd’hui de BOA dans ces différents pays ?
Lorsque vous prenez la situation consolidée, les banques peuvent être classées suivant plusieurs critères, tels que le nombre de comptes, la taille bilancielle ou parfois même les résultats. Je dirais que nous sommes vraiment en haut du tableau. Pour ce qui est des comptes, nous sommes la première banque de l’UEMOA. L’année dernière, sur la base de la situation qui a été fournie par les documents statistiques, nous étions la première banque de l’Union en termes de nombre de comptes. Ceci est très réconfortant et c’est l’occasion pour moi de saluer tous ceux qui ont contribué à ce résultat et de remercier tous les clients pour la confiance qu’ils accordent à notre groupe. Maintenant, la banque est très rentable, nous avons plusieurs banques cotées en Bourse. C’est vrai que c’est une Bourse qui manque un peu de profondeur. Nous avons d’ailleurs envisagé d’avoir une collaboration avec la Bourse de Casablanca, car il faut encourager ce genre d’échanges. Nous avons un réseau rentable et nos actionnaires sont satisfaits et reçoivent des dividendes régulièrement. Nos clients sont également satisfaits de nos prestations.

Faire partie du groupe BMCE Bank Of Africa donne à votre ensemble bancaire un certain nombre d’avantages. Est ce que cela vous confère peut-être aussi d’autres possibilités que n’ont pas les banques domestiques. En quoi cette appartenance vous offre-t-elle plus de possibilités dans la sous-région ?
Tout d’abord BMCE Bank Of Africa est une signature. C’est une institution ancienne de l’économie marocaine qui est très connue en Europe et dans d’autres continents. Je pense que c’est important d’avoir un actionnaire de référence. Donc la première chose dont nous bénéficions, c’est justement d’avoir un actionnaire majoritaire de référence. Ce qu’il faut aussi constater c’est que c’est une banque qui a vécu plusieurs mutations et qui, aujourd’hui, respecte les standards internationaux, comme en témoigne son propre actionnariat, dans lequel il y a un grand groupe britannique qui est entré dans le capital en faisant confiance à ce groupe. Le groupe BMCE dispose indéniablement d’une expertise, le fait qu’il soit en avance du fait des législations auxquelles le groupe a été confronté est pour nous un privilège. Je vous donne l’exemple du passage à Bale 2 et Bale 3. BMCE avait commencé bien avant que ces règles ne soient édictées dans notre espace. Les filiales dans la sous-région ont bénéficié de cette expertise et cela est valable dans tous les domaines, depuis l’approche commerciale jusqu’à l’audit, en passant par la gestion des risques. Il faut aussi dire que si on a profité d’une expertise, des fois on est contraint de s’adapter, car les économies sont différentes.

Bale 2 et Bale 3 sont des règles liées aux fonds propres et à la solidité financière. Ne pensez-vous pas que ces règles peuvent parfois être une entrave ou gêner le déploiement et l’expansion des activités de BOA dans les pays subsahariens ?
En tant que professionnels, nous avons constaté que l’augmentation des mesures correctrices, qui vont indéniablement dans le bon sens et qui ont été initiées par les régulateurs, peut avoir un impact sur les activités des banques, c’est incontestable et je parle notamment de l’abondance de ces règles. Beaucoup de confrères estiment que la transition aurait pu être plus douce. Nous avons vécu non seulement le passage entre Bale 2 et Bale 3 avec ses contraintes, mais nous avons également subi la migration vers un nouveau plan comptable, dit plan comptable révisé au niveau de l’Union. Vous savez quelles conséquences cela entraîne au niveau du système d’information. Mais on a pu, avec succès, éviter tout impact sur les clients. Pour ce qui est de Bale 2 et Bale 3, nous avons entamé la transition qui a été une réussite, grâce notamment à l’apport des équipes de la BMCE. C’est clair que c’est un nouvel esprit, une nouvelle approche de traitement des créances en souffrance, de nouvelles attitudes par rapport à l’appréciation des risques, donc le métier va indéniablement changer. Est-ce que ça sera une réussite ? Je dirais oui si l’ensemble des éléments de l’environnement change. Désormais, pour un certain nombre de nos clients, il y a aura nécessité d’avoir une comptabilité, de présenter des états financiers. C’est une évolution favorable, ça prendra du temps, mais nous sommes vraiment inscrits dans cette démarche et on se porte bien.

En échangeant avec certains collaborateurs de votre banque, j’avais compris qu’il y a une certaine frustration relative à la notation des pays de l’UEMOA, aux règles qui seraient restrictives, notamment de la part de la Banque centrale marocaine sur certains aspects de couverture de risque ou des règles de provisionnement, quelle est votre lecture de cette situation ?
Je crois que l’investissement des banques marocaines au sud du Sahara doit être encadré et favorisé, mais de l’autre côté, au sud du Sahara, il doit être bien accueilli. Cet aspect est très important. Je considère aujourd’hui que les banques marocaines sont assujetties aux règles de Bank Al-Maghrib et que, de l’autre côté, les banques de l’UEMOA sont assujetties aux règles de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Certaines règles se rapprochent parfois et d’autres fois divergent, mais ce qui est le plus important, c’est la confiance souveraine.
Je pense que s’il y a une attente à exprimer à l’endroit des régulateurs des deux côtés, c’est de faire en sorte qu’on parle le même langage dans les différentes zones monétaires et surtout en ce qui concerne le traitement des signatures de l’État. Lorsque les banques marocaines investissent des capitaux dans la zone «franc», elles n’apportent que des fonds propres, mais elles ont aussi des dépôts qu’elles collectent et qui sont des dépôts nationaux. La signature d’un État qui accueille cette banque ne devrait pas souffrir de pondération ou d’un quelconque doute dans son appréciation. Nous constatons malheureusement que parfois les banques marocaines n’ont pas de grandes marges de manœuvre et sont limitées dans leurs activités dans la sous-région, à cause d’un certain nombre de règles prudentielles qui leur sont imposées par leur autorité de tutelle, et cela est un véritable obstacle au développement des activités de ces banques, dès lors que toutes ces banques sont régulées.
Ce qui est salutaire, c’est que le régulateur du Maroc et le régulateur de l’Afrique de l’Ouest ont un partenariat, ils ont même un forum des régulateurs et parfois des missions conjointes qui se passent dans différents pays. Je pense que les Banques centrales doivent parler le même langage. Et autant que le Royaume du Maroc, qui est respecté dans notre zone, les États de l’Afrique de l’Ouest doivent être considérés comme des États souverains dans l’appréciation de la signature et surtout la pondération des risques. Cela va permettre aux banques marocaines d’être plus efficaces dans les différents États au sud du Sahara.

Êtes-vous confiant quant à un possible changement de vision, une possible modification de ces règles pour l’avenir ?
Le plus important, c’est d’abord la vision de S.M. le Roi Mohammed VI que nous sentons à travers les différentes visites qu’Il a effectuées dans les pays de l’Afrique au cours de ces dernières années. Je pense que c’est ça le cadre politique. Et nous, économistes ou financiers, devons nous inscrire dans cette vision. Je me dis que certainement, l’abondance des réglementations fait en sorte que tel ou tel aspect n’a pas été pris en charge, mais il faut éviter que dans les pays dans lesquels les banques marocaines investissent que cet investissement soit mal perçu. Je crois qu’il faut éviter cela. Les signatures des États africains, qui sont tous dans des programmes avec le Fonds monétaire international, font l’objet de leurs comptes publics, je me dis que ces États doivent non seulement bénéficier de la confiance des administrés, mais je pense qu’ils doivent également bénéficier de la confiance des banques assujetties et, en amont, du régulateur marocain. Il s’agit d’une réciprocité tout à fait normale.

Vous avez occupé durant votre carrière plusieurs postes ministériels et je voudrais évoquer avec vous la candidature du Maroc pour faire partie de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Comment la percevez-vous et quels efforts doit faire le Maroc pour intégrer cette communauté ? Quels sont aussi les craintes ou les risques qui sont exprimés par les uns et les autres au sein de la CEDEAO ?
Je considère que l’avenir exige que le Maroc emprunte la voie qui a été édictée par S.M. le Roi et les sources de croissance pour le Royaume sont au sud du Sahara, c’est indéniable. Récemment, nous étions en Espagne et nous avions dit aux Européens, notamment aux opérateurs espagnols, qu’en fait l’Espagne, grâce au Maroc, est la terre européenne la plus proche de l’Afrique. L’entrée du Maroc à la CEDEAO est tout à fait légitime. C’est le pays du Maghreb qui se sent le plus proche des autres pays au sud du Sahara. Mais je dirais que ça se travaille sur la durée.
Les entreprises ou les dirigeants marocains qui sont dans cet espace sont à l’aise et continuent à honorer le Maroc en réalisant des prouesses économiques. Les banques marocaines créent de la richesse dans ces zones et profitent également de cette croissance, car les taux de bancarisation sont faibles. Elles aident à construire, voire à reconstruire. Je pense que le Maroc a pris une certaine avance dans bon nombre de domaines et qu’il doit partager avec ses voisins du continent. Nous sommes confiants, nous travaillons à cela. Personnellement, j’ai été formé à l’école marocaine et mon premier stage était en 1991 au Royaume. Donc vous imaginez, commencer là, diriger plusieurs banques en Afrique et être ministre de l’Énergie et des mines, puis ministre des Finances et de l’économie. Je crois que c’est quelque part aussi une fierté que tout Marocain devrait ressentir, surtout au niveau du système financier.

Nous allons assister cet après-midi (jeudi) à la cérémonie d’inauguration d’une école qui a été financée par la Fondation BMCE Bank, par son excellence le Président de la République et la Première dame. Quel regard portez-vous sur cet événement ?
La Direction générale du Groupe Bank Of Africa, notamment MM. Amine Bouabid et Abderrzak Zebdani, qui représentent le groupe ici, nous sommes tous honorés de la présence de M. Othman Benjelloun et de son épouse à cette cérémonie, tout le groupe en est fier. Mais nous sommes surtout fiers de l’attention que la Présidence sénégalaise accorde à notre groupe qui est très engagé dans le financement des infrastructures universitaires, scolaires et routières. Nous sommes une banque engagée. Je crois que nous faire cet honneur d’inaugurer un établissement scolaire qui est le fait généreux du président Benjelloun et de son épouse est à saluer. Ce n’est pas la première expérience. Il y a d’autres pays où cette Fondation merveilleuse a fait preuve de générosité comme le Mali. Le groupe BOA a d’ailleurs aussi sa Fondation et qui fait des choses merveilleuses dans le domaine de la santé, la lutte contre le cancer, l’éducation ou l’eau potable. On ne peut pas faire de la finance sans faire preuve de générosité, et là c’est le cœur des dirigeants de BMCE Of Africa qui parle. 

Propos recueillis par notre envoyé spécial

Lisez nos e-Papers