Les expériences ont montré que les femmes exercent un fort leadership au sein des entreprises quelle que soit leur secteur d’activité. En témoigne le nombre important de femmes qui occupent des postes de responsabilité au même titre que leurs homologues masculins. Toutefois, plusieurs recherches révèlent que les difficultés persistent pour réussir la pleine émancipation. Une récente étude menée par l’IBV, en collaboration avec Oxford Economics, démontre que «L’écart mondial qui subsiste entre les sexes en matière de leadership pourrait persister jusqu’en 2073, à moins que les entreprises ne commencent, dès à présent, à accorder une plus grande priorité à l’émancipation des femmes».
-----------------------------------Elles ont témoigné...-----------------------------

Hasna Boufkiri, directeur des Affaires publiques et de la communication pouwr l’Afrique du Nord – Citibank
«II faut prendre le recul nécessaire sur certains stéréotypes institutionnalisés et identifier les challenges auxquels fait face un manager dans son rôle au sein de l’organisation tout court. Durant mon parcours professionnel, j’ai connu plus de managers hommes qui ont eu du mal à remplir pleinement leur rôle que de managers femmes. Les difficultés pour une femme manager sont d’autant plus compliquées vis-à-vis de ce genre de stéréotype qu’elle se sent dans l’obligation de redoubler d’efforts pour asseoir la notoriété due au rôle. J’estime qu’on peut y arriver lorsqu’on ignore des comportements assujettis à de l’interprétation subjective, aux freins invisibles de part et d’autre et qu’on se tourne essentiellement vers la performance et les résultats. C’est tout ce qui finit par forger des opinions valables en fin de compte. Le plafond de verre se pose toujours avec acuité même dans les sociétés les plus occidentalisées et développées. C’est un travail de longue haleine, car il s’agit là de stimuler l’éveil des consciences et arriver à un changement de mentalité et de préceptes sclérosés et nourris par leur redondance. Il y va de l’effort de chacune et de chacun pour qu’il y ait une véritable prise en charge de la question de la parité dans l’accès aux postes de responsabilité et même de présidence. C’est ce à quoi nous aspirons. J’ai beaucoup de chance de travailler dans une structure où le senior management mondialement en a pris conscience et a agi en exemple».

Halima Gueddari, directrice Distribution Omnicanal – Société Générale Maroc
«Les femmes sont aujourd’hui aussi capables que les hommes en termes de management. Le management n’est pas une affaire de sexe. Aucun ouvrage théorique ou pratique sur le management ne l’affirme d’ailleurs. Le management est plutôt une affaire d’expérience, de leadership et de compétences à plusieurs niveaux qu’elles soient techniques ou humaines (intelligence relationnelle ou autre). Les qualités managériales sont donc plus liées à la personne (valeurs, vécues...) qu’à son genre. Notre véritable plafond de verre c’est notre auto-censure,
je pense ! Il ne pourra être brisé par les seules lois ou décisions de gouvernance liées à la montée en puissance récente “d’actionnariats socialement responsables” au sein des grandes entreprises. De plus, l’entreprise aujourd’hui est une structure économique agile, en mouvement constant et l’utilisation de l’ensemble de ses ressources managériales (hommes ou femmes) n’est plus un choix arbitraire, mais plutôt une nécessité vitale (et à tous les niveaux de management) dans un environnement de plus en plus concurrentiel.»
Ikram Bghiel, directrice Développement du capital humain d’une compagnie d’assurance
«La difficulté à manager avec succès aujourd’hui est la même que l’on soit homme ou femme manager. L’expérience, le parcours de formation puis professionnel, le travail sur soi sont les éléments de base qui, s’ils sont gérés convenablement, permettent à la femme comme à l’homme de réussir dans leurs rôles de managers. On doit, impérativement, briser ce plafond de verre. On ne peut pas, dans un pays émergeant comme le nôtre, priver la société de la moitié de sa force vive, les femmes. Elles n’ont plus rien à prouver physiquement, intellectuellement, techniquement… concernant leurs capacités. Malheureusement, le plafond de verre étant lié aux croyances, à l’éducation, à la culture, il est difficile de dire quand on pourra en finir. En partie créé par les femmes elles-mêmes, il faudrait une réelle volonté politique et sociale pour mettre en place des dispositifs visant à le briser. Les femmes se mettent encore aujourd’hui des barrières à leur propre évolution et se sentent obligées de faire des choix quant à la partie liée de leur vie (familiale ou professionnelle) qui doit être prioritaire».

Sofia Bettioui, manager communication et relations publiques à La Bourse de Casablanca
«C’est malheureusement encore le cas ! Les femmes ont encore des difficultés à se situer dans leurs rôles de managers. Cela vient d’abord de notre éducation. Les filles sont éduquées pour être gentilles, douces et se contenter d’un second rôle. A contrario, le petit garçon est éduqué dans un esprit de conquérant, de “Tuteur” à qui revient le devoir de faire “le Monde”. Nous avons tous entendu à un moment ou un autre de notre vie une maman ou un papa dire à son fils “koun Rajel”, soit un Homme ! Cette toute petite phrase résume malheureusement tout l’héritage culturel de notre pays, mais peut-être aussi son avenir si nous continuons à perpétuer la chose sans remise en question. Or on ne se rend pas compte que c’est une femme qui élève des hommes, ceux-là mêmes qui font le monde ! Le plafond de verre n’existe que parce que les femmes le tolèrent. Les hommes qui détiennent le pouvoir de décision dans l’entreprise seront obligés de se remettre en question s’ils ont affaire à des femmes “battantes” dont l’ambition ne tient compte ni des freins ni des considérations du Genre et qui forcent le respect. D’ailleurs, il y a de plus en plus de femmes qui se distinguent dans nos entreprises et dont l’évolution hiérarchique est saluée par des hommes collègues et partenaires. C’est pour dire que le seul problème est l’idée que les femmes ont d’elles-mêmes. Nous revenons là aussi à l’éducation !»

Omayma Achour, cadre au sein d’un organisme public
«Les femmes ont une grande capacité à gérer l’ingérable et à surmonter les épreuves les plus difficiles avec de la sagesse et de la délicatesse. Du Front-Office au Back-Office, elles veillent au bon déroulement des événements, sans négliger les moindres détails ou frustrer les bonnes volontés. Je suis intimement convaincue que les femmes sont nées pour être managers pour gérer, mais il ne faut pas non plus les exploiter ou les contraindre à exécuter ces tâches. D’ailleurs, nous avons des exemples brillants de femmes ayant réussi leur parcours managérial dans divers domaines et qui sont des idoles dans la société pour d’autres femmes et pour notre jeunesse. Lorsque la femme est convaincue de ses compétences, elle travaille, mène des projets jusqu’au bout, réalise des ambitions et fait prospérer les partenariats, elle brille comme une étoile scintillante, c’est pour cette raison que nous devons éduquer nos jeunes filles et garçons au respect de la réussite, du succès et les encourager à se surpasser pour réaliser les grands défis et s’inspirer de femmes battantes. Le “plafond de verre” est une expression utilisée pour souligner la difficulté d’accès des femmes aux postes supérieurs, les femmes sont généralement confrontées au réseau de pouvoir tacite, implicite, voire occulte, qui les écarte de ce niveau de pouvoir ou de rémunération ou hiérarchique auquel elles peuvent prétendre. Au Maroc, ce n’est pas la compétence des femmes qui fait défaut, mais ce sont le patriarcat, les stéréotypes, et la conscience collective qui freinent. Il y a quelque chose qui cloche dans la société ! Comment la même femme qui réussit un parcours professionnel et familial, des études supérieures de 10 ou plus dans certaines spécialités, ne pourra-t-elle pas réussir la gestion du pouvoir au niveau économique, politique ou social ? Ce n’est pas vrai, c’est une illusion, la femme réussit ces challenges, nous devons juste montrer ces exemples de femmes dans tous les médias à travers les émissions de débats télévisés et les reportages réalisés durant toute l’année et non pas le 8 mars et le 10 octobre ».
Reportage photos Saouri
