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Visite de S.S. le Pape au Maroc - L’Église catholique au Maroc, une dynamique insufflée au fil des ans

L’Église catholique est très présente au Maroc et regroupe un nombre croissant de chrétiens d’origines étrangères. Son dynamisme est reconnu notamment en raison de ses activités dans les domaines de l’éducation et du développement, ainsi que par la présence de nombreuses communautés religieuses. Ses débuts remontent d’ailleurs à 1923 lorsque le Pape de l’Église catholique Pie XI avait créé deux Vicariats apostoliques : un avec siège à Rabat et un autre à Tanger.

L’Église catholique s’est développée rapidement au Maroc. En 1923, le Pape de l’Église catholique Pie XI a créé deux Vicariats apostoliques à Rabat et à Tanger. En 1955, 200 églises ou chapelles étaient à la disposition des 500.000 Européens du Maroc. Pendant la période qui précéda l’indépendance du Royaume, l’Église du Maroc avait pris position pour un nécessaire respect des volontés du peuple marocain d’accéder à sa souveraineté et a souligné le devoir de justice dans la mise en valeur du pays. Le droit à l’indépendance était alors implicitement considéré par elle comme juste.
De nos jours, l’Église catholique reste très présente sur le territoire et regroupe un nombre croissant de chrétiens d’origine étrangère. Son dynamisme est reconnu, notamment en raison de ses activités dans les domaines de l’éducation et du développement, ainsi que par la présence de nombreuses communautés religieuses.
En effet, grâce aux conventions passées entre l’État marocain et les États d’Afrique subsaharienne, et à la position centrale que le Maroc souhaite occuper au sein de l’Union africaine, de nombreux étudiants sont accueillis au sein des établissements d’enseignement supérieur du Maroc depuis une quinzaine d’années, parmi lesquels figure un grand nombre de chrétiens. Ces jeunes ont donné ainsi un nouveau souffle à l’église au Maroc, qui rassemblerait aujourd’hui environ 30.000 chrétiens, dont 20.000 catholiques et 10.000 protestants, et dont la moyenne d’âge est de 35 ans.
Ce qui est important à savoir également, c’est que l’église au Maroc est subdivisée en deux diocèses : le diocèse de Tanger, dont Monseigneur Santiago Agrelo Martinez est l’archevêque, est composé de cinq paroisses situées dans le nord du Maroc ; le diocèse de Rabat, dont Monseigneur Cristóbal Lopez Romero est l’archevêque, est composé de 32 paroisses situées dans le reste du Maroc.

Face à l’arrivée de ces nombreux chrétiens, les diocèses ont développé de nombreuses activités paroissiales. On trouve ainsi des chorales, la catéchèse pour adultes et enfants, l’aumônerie des collèges et lycées et le scoutisme avec les Scouts unifiés au Maroc (SUM). Des groupes de réflexion apostoliques ont également été créés, tels que les Équipes Notre-Dame pour les rencontres de couples chrétiens, Vie et Foi-MIAMSI pour les jeunes travailleurs, et l’Aumônerie des étudiants catholiques au Maroc (AECAM).
Parallèlement, l’Église a également développé ce que l’on a coutume d’appeler les «œuvres sociales». Cette expression de solidarité est à destination d’une large frange de population. Ainsi, l’Église est engagée auprès des détenus catholiques grâce aux aumôniers de prison qui leur rendent visite, elle accorde aussi beaucoup d’attention aux femmes par le biais notamment de centres de formation féminine, tel qu’il en existe à Mohammedia, où les femmes suivent des cours de français ou d’alphabétisation, mais aussi des cours de couture et de broderie. Enfin, l’Église accorde une place très importante à l’alphabétisation et à l’éducation en général, à travers notamment le centre Saint Antoine à Meknès, centre d’apprentissage des langues et de l’informatique quasi gratuit au service de tous.

Enfin, le dynamisme de l’Église catholique est toujours présent grâce à l’ensemble des communautés religieuses présentes au Maroc. Les religieux et les religieuses vivent à proximité des populations au sein desquelles elles sont envoyées et sont à leur service, tant au niveau sanitaire qu’au niveau éducatif et social. Parmi ces communautés, on peut citer les Franciscaines missionnaires de Marie à Nador qui apportent leur soutien aux migrants, la Compagnie missionnaire du Sacré-Cœur de Jésus à Taza qui possède un centre d’accueil pour personnes handicapées et les Salésiens de Don Bosco à Kénitra qui s’occupent de la gestion des deux écoles catholiques et des deux centres de formation situés dans la ville. D’autres communautés sont à vocations plus contemplatives : les Clarisses à Casablanca, les Carmélites à Tanger et les Trappistes à Midelt.  

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Entretien avec Pascal Drouhaud, président de l’Association Amérique latine-France

«S.M. Mohammed VI et le Pape François vont inscrire cette visite dans une dynamique de dialogue interculturel et entre les religions»

Spécialiste français des relations internationales et président de l’Association Amérique latine-France (LATFRAN), Pascal Drouhaud avait suivi la dernière visite du Pape François en Colombie en septembre. Il revient pour «Le Matin» sur la visite attendue en cette fin mars au Maroc, commente son importance et analyse les effets qu’elle peut avoir pour le Maroc, pour l’Afrique et pour le monde économique.

Le Matin : Vous avez suivi la visite du Pape François en Colombie en septembre dernier. Quelle similitude voyez-vous avec la visite qu’il effectue à la fin du mois au Maroc ?
Pascal Drouhaud :
Les deux visites sont avant tout historiques. Elles s’inscrivent dans une démarche à la fois symbolique, mais également hautement imprégnée d’une vision stratégique régionale importante. Je m’explique. En Colombie, en septembre 2017, le Pape François a voulu marquer son appui au processus de paix dans lequel s’était engagé ce pays d’Amérique latine depuis 2012 et concrétisé par un accord en septembre 2016. La Colombie est la quatrième économie latino-américaine et elle vivait, depuis 1964, une forme de conflit interne avec l’ancienne guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Un an après la signature des accords de paix, le Pape François venait en Colombie et affirmait dès son arrivée que «la recherche de la paix est un travail toujours inachevé, une tâche sans répit et qui exige l’engagement de tous». Il marquait son appui au processus et inscrivait sa visite dans une réalité régionale qui occupe une place dans l’actualité internationale : la situation tendue au Venezuela et la lutte contre le trafic de drogue, par exemple. Le Pape François rappelait également son rôle pastoral dans le cadre d’une messe gigantesque à Bogota qui a réuni près d’un million de personnes.
Au Maroc, la visite papale intervient 34 ans après celle du Pape Saint Jean-Paul II (août 1985), canonisé en 2014, et 39 ans après celle de Sa Majesté le Roi Hassan II à Rome en 1980. La présence du Pape François le 30 mars à Rabat et le 31 à Casablanca pose le cadre d’une visite en faveur du dialogue interreligieux. Nous en avons plus que jamais besoin. C’est d’autant plus important que le Royaume du Maroc a toujours garanti une ouverture aux religions, ce qui contribue aussi à son prestige.
Sa Majesté Mohammed VI, Commandeur des croyants, a un rôle de premier plan en la matière et la visite du Pape fera apparaître cette dimension. Ce sont aussi deux Chefs d’État qui se rencontreront : la nomination de l’ambassadrice marocaine auprès du Vatican, Mme Rajaa Naji Mekkaoui, qui a été la seule femme alem à donner une lecture devant le Souverain dans le cadre des causeries religieuses pendant le mois du Ramadan, révèle le climat de dialogue et sans doute de confiance qui existe entre le Royaume et le Vatican. Je pense que les sujets plus régionaux seront aussi à l’ordre du jour des échanges bilatéraux : la question des migrants et la situation dans l’espace méditerranéen seront sans doute abordées pendant les rencontres. C’est pourquoi, si les visites en Colombie et au Maroc sont différentes dans leurs dimensions géographiques, elles se rejoignent, dans leur dimension historique et la portée régionale, sur des sujets globaux qui intéressent l’ensemble de la Méditerranée et l’Europe.

Quelle lecture faites-vous de cette visite du Pape François au Maroc ?
Cette visite est emblématique de la place toute particulière qu’occupe le Maroc sur la scène internationale. Plus que jamais, cette visite montre à la fois l’ouverture du Maroc, mais également le rôle qu’il peut jouer sur des sujets qui intéressent l’Afrique dans son ensemble et l’espace méditerranéen : la question migratoire est un sujet important bien naturellement. Mais il n’est pas le seul. Le développement économique, la force d’attraction d’investissements dans les secteurs de l’économie numérique, de la gestion urbaine et de la mobilité font du Maroc un nouveau pôle de croissance économique. L’ambition étant, je crois, de créer un «hub régional» qui constitue un pont entre l’Europe et une partie de l’Afrique. À ce titre, le train à grande vitesse est révélateur de cette ambition et de cette volonté de faire le lien entre les deux continents. Il me semble que la visite du Pape alimente aussi ce dynamisme marocain dans un environnement régional complexe.

Le Maroc est un pays où l’Islam est la religion majoritaire et où le Souverain a le titre de Commandeur des croyants...
Le Pape François vient au Maroc aussi et avant tout parce que Sa Majesté le Roi est également Commandeur des croyants. Cela ne peut que renforcer la volonté d’un dialogue éclairé entre les religions à l’heure où le fait de se parler et d’échanger est absolument nécessaire. Sa Majesté Mohammed VI et le Pape François vont montrer l’exemple et inscrire cette visite dans une dynamique visant à dire que le dialogue interculturel, entre les religions, est possible, naturel plus encore que nécessaire. Je crois que Sa Majesté le Roi et le Pape veulent dire combien il est important de se parler et de créer une dynamique de coopération, dans la responsabilité. Je suis certain que l’accueil qui sera fait au Pape sera enthousiaste et à la hauteur des enjeux, mais aussi de l’image d’ouverture au monde qui caractérise le Royaume du Maroc.

Selon vous, cette visite aura-t-elle un impact uniquement sur le Maroc ou également sur l’ensemble du continent africain ?
Cette visite est chargée de sens, à la fois religieuse, mais également politique compte tenu des enjeux globaux qui placent le Maroc et l’espace méditerranéen au centre de l’actualité internationale. Sa dimension d’exemple, historique, ne peut que renforcer la portée continentale du message qui sera délivré au Maroc, par le Pape François aux côtés de Sa Majesté le Roi 
Mohammed VI. Je m’attends à un message de solidarité et d’espoir. Vous savez, l’Afrique va doubler de population pendant les 25 prochaines années. Deux milliards d’habitants vont peupler ce continent qui est le berceau de l’humanité. Ce sont des enjeux gigantesques en termes de développement et de services à apporter à cette population qui sera très majoritairement jeune. L’accès à l’éducation, tout faire pour faciliter l’accès au numérique, la mobilité, adapter l’énergie aux défis liés au changement climatique, ce sont là autant d’enjeux essentiels pour un continent, l’Afrique, qui dispose de beaucoup d’atouts pour jouer son rôle sur la scène internationale.

Vous êtes aussi un acteur économique. Pensez-vous que cette visite aura également un effet d’ordre économique ? Dans quel sens si c’est le cas ?
L’objet premier de cette visite est de développer le dialogue interreligieux. Mais bien naturellement, le Maroc va pouvoir renvoyer l’image de ce qu’il est aujourd’hui sur le plan économique : un pays attractif pour les investissements internationaux avec une ambition à la fois nationale (en matière de transports, en soutien à ses entreprises, par le dynamisme de son secteur des services numériques, etc.) et africaine : les investissements marocains en Afrique sont nombreux et diversifiés faisant du Maroc un partenaire solide et crédible de nombreux pays africains et du Moyen-Orient. La visite du Pape François offre l’occasion de montrer ce visage de dynamisme économique. 

Entretien réalisé par Brahim Mokhliss

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