Le Matin : Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer l’ONG «African Artists for Development» ?
Quelle est l’approche de votre ONG auprès des artistes africains contemporains ?
Lors de nos différents déplacements en Afrique, nous avons pu voir combien les artistes s’engageaient au quotidien auprès des communautés qui les ont vus naître et grandir. Cet engagement fait écho à notre conviction que l’art est aussi un formidable levier de développement. Tous nos projets associent un processus de création artistique au service d’un projet de développement. Faire l’expérience de la création artistique est un moment humain unique. Lorsqu’on a la chance de créer, de construire ensemble avec un artiste, il se passe quelque chose de différent. Il n’y a plus que des femmes et des hommes qui imaginent ensemble un avenir commun et une humanité commune. Cet échange permet de créer de l’estime de soi tout en s’ouvrant au dialogue et à l’altérité. Concrètement, nous sélectionnons d’abord des projets de développement puis les équipes d’AAD-Fund cherchent les «leviers artistiques» qui pourraient être intégrés à chaque projet. Une fois que le concept de notre projet sort de notre laboratoire d’idées, nous cherchons alors quels pourraient être les artistes investis dans la face artistique de notre programme. S’ensuit une phase de dialogue et d’élaboration finale en relation avec les porteurs de projets sur le terrain.Comment est venue l’idée de constituer cette exposition avec 54 artistes africains au Maroc ?
Nous avons créé cette exposition en ouverture de la COP 21 à Paris en novembre 2015. Elle a été inaugurée au Théâtre national de Chaillot dans le lieu même où avait été signée en décembre 1948 la Déclaration universelle des droits de l’Homme. African Artists for Development tenait à apporter un message d’alerte et de confiance à cette réunion internationale des Chefs d’État en faveur de la lutte contre le changement climatique. Oui, nous sommes sûrs que le continent africain sera le continent des Lumières au XXIe siècle, mais, oui également, il y a un problème d’accès à la lumière et à l’énergie pour les populations africaines. Il n’y a qu’à regarder par un hublot lorsque l’on survole l’Afrique la nuit dans un avion. Or comment accéder aux Lumières sans Lumière ? De cette double réalité est née «Lumières d’Afriques». Pour la première fois, 54 artistes venant des 54 pays africains sont présents dans une exposition ayant un thème commun : «L›Afrique des Lumières». Pour la première fois, 54 artistes africains se sont réunis pour porter un message d’alerte sur l’accès à la lumière pour les populations africaines tout en partageant leur lumière intérieure, celle qui leur permet de créer. Pour la première fois, la communauté artistique africaine s’est engagée publiquement dans un geste artistique unique pour un développement durable respectueux de l’humanité. L’exposition «Lumières d’Afriques» est un peu la première pierre symbolique de l’engagement des artistes du continent pour un monde plus juste, plus serein et plus humain.Pourquoi le Maroc, avant la Tunisie puis l’Afrique du Sud ?
Parce que plus que jamais le Maroc est une porte d’entrée symbolique sur l’ensemble du continent africain. C’est un pays riche d’histoire et un phare pour la culture avec la volonté et la capacité de mettre à l’honneur le patrimoine passé comme la création contemporaine. Bon nombre d›institutions et d›événements font déjà référence en matière de création africaine dans le Royaume. Et le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain voulu par le Roi est aujourd’hui un symbole continental de l’engagement du Maroc et du Roi en faveur de la création artistique africaine. En fait, «L’Afrique des Lumières» commence ici au Maroc.