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««Lumières d’afriques» témoigne d’une partie de l’histoire du continent»

««Lumières d’afriques» témoigne d’une partie de l’histoire du continent»

Le Matin : Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer l’ONG «African Artists for Development» ?
Matthias Leridon
: En 2009, nous avons créé avec Gervanne, mon épouse, l’ONG «African Artists for Development (AAD-Fund)» sur une profonde conviction : la création artistique dispose d’une capacité de transformation positive et humaine qui peut être un formidable levier au service d’un nouveau type de projets de développement pour les populations du continent africain. Au début des années 2000, la communauté internationale réfléchissait activement aux meilleurs moyens de construire un monde socialement plus juste et plus durable : c’est à ce moment que l’ONU a défini les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) qui sont devenus depuis les Objectifs pour le développement durable (ODD). AAD-Fund est notre réponse à cet engagement mondial ; une réponse qui s’appuie sur nos deux passions que sont le futur de l’Afrique et l’art contemporain africain. Les équipes d’AAD-Fund créent des ponts entre différents créateurs de valeur humaine, sociale, sociétale et économique : artistes, entreprises, porteurs de projets de développement, communautés africaines... Intégrer dans des programmes de développement la démarche créative d’un artiste, c’est insuffler à ces programmes un supplément de sens, d’originalité et de stabilité. C’est favoriser l’appropriation et l’engagement des populations qui en sont les bénéficiaires. C’est attirer plus facilement l’attention de partenaires grâce à la médiatisation que crée la présence sur le terrain d’un artiste africain. C’est créer un témoignage et un soutien artistique unique aux côtés d’idées qui peuvent changer le monde. 
Racontez-nous l’histoire de cette collection dédiée à la créativité africaine...
AAD-Fund est une ONG qui n’a pas vocation à collectionner des œuvres d’art. C’est à titre personnel et privé que nous collectionnons depuis 30 ans. Nous n’avions pas au départ de démarche organisée de constitution d’une collection. Nous avions de nombreux amis artistes africains et nous achetions les œuvres qui nous plaisaient. Ce qui est devenu la «Collection Leridon», c’est le fruit de ces rencontres et de ces coups de cœur. Deux événements fondateurs ont été malgré tout à l’origine de notre collection : l’exposition «Magiciens de la Terre» en 1989 au Centre Pompidou, révélatrice de la création artistique non occidentale, et l’acquisition du tableau «l’Espoir fait vivre» de Chéri Samba.
À partir de ce moment-là, nous avons compris que nous étions en train de constituer l’une des principales collections mondiales d’art africain contemporain. Nous continuons depuis à découvrir, à rencontrer et à dialoguer avec les artistes dans leur lieu de création. Chaque œuvre est autant une rencontre humaine avec un artiste, son histoire et sa sensibilité, qu’une rencontre esthétique. Nous savons aussi que cette collection nous donne aujourd’hui une responsabilité particulière, car elle témoigne d’une partie de l’histoire de la création contemporaine africaine.

Quelle est l’approche de votre ONG auprès des artistes africains contemporains ?
Lors de nos différents déplacements en Afrique, nous avons pu voir combien les artistes s’engageaient au quotidien auprès des communautés qui les ont vus naître et grandir. Cet engagement fait écho à notre conviction que l’art est aussi un formidable levier de développement. Tous nos projets associent un processus de création artistique au service d’un projet de développement. Faire l’expérience de la création artistique est un moment humain unique. Lorsqu’on a la chance de créer, de construire ensemble avec un artiste, il se passe quelque chose de différent. Il n’y a plus que des femmes et des hommes qui imaginent ensemble un avenir commun et une humanité commune. Cet échange permet de créer de l’estime de soi tout en s’ouvrant au dialogue et à l’altérité. Concrètement, nous sélectionnons d’abord des projets de développement puis les équipes d’AAD-Fund cherchent les «leviers artistiques» qui pourraient être intégrés à chaque projet. Une fois que le concept de notre projet sort de notre laboratoire d’idées, nous cherchons alors quels pourraient être les artistes investis dans la face artistique de notre programme. S’ensuit une phase de dialogue et d’élaboration finale en relation avec les porteurs de projets sur le terrain.

Comment est venue l’idée de constituer cette exposition avec 54 artistes africains au Maroc ?
Nous avons créé cette exposition en ouverture de la COP 21 à Paris en novembre 2015. Elle a été inaugurée au Théâtre national de Chaillot dans le lieu même où avait été signée en décembre 1948 la Déclaration universelle des droits de l’Homme. African Artists for Development tenait à apporter un message d’alerte et de confiance à cette réunion internationale des Chefs d’État en faveur de la lutte contre le changement climatique. Oui, nous sommes sûrs que le continent africain sera le continent des Lumières au XXIe siècle, mais, oui également, il y a un problème d’accès à la lumière et à l’énergie pour les populations africaines. Il n’y a qu’à regarder par un hublot lorsque l’on survole l’Afrique la nuit dans un avion. Or comment accéder aux Lumières sans Lumière ? De cette double réalité est née «Lumières d’Afriques». Pour la première fois, 54 artistes venant des 54 pays africains sont présents dans une exposition ayant un thème commun : «L›Afrique des Lumières». Pour la première fois, 54 artistes africains se sont réunis pour porter un message d’alerte sur l’accès à la lumière pour les populations africaines tout en partageant leur lumière intérieure, celle qui leur permet de créer. Pour la première fois, la communauté artistique africaine s’est engagée publiquement dans un geste artistique unique pour un développement durable respectueux de l’humanité. L’exposition «Lumières d’Afriques» est un peu la première pierre symbolique de l’engagement des artistes du continent pour un monde plus juste, plus serein et plus humain. 

Pourquoi le Maroc, avant la Tunisie puis l’Afrique du Sud ?
Parce que plus que jamais le Maroc est une porte d’entrée symbolique sur l’ensemble du continent africain. C’est un pays riche d’histoire et un phare pour la culture avec la volonté et la capacité de mettre à l’honneur le patrimoine passé comme la création contemporaine. Bon nombre d›institutions et d›événements font déjà référence en matière de création africaine dans le Royaume. Et le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain voulu par le Roi est aujourd’hui un symbole continental de l’engagement du Maroc et du Roi en faveur de la création artistique africaine. En fait, «L’Afrique des Lumières» commence ici au Maroc. 

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