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L’Unesco relance le débat dans l’industrie audiovisuelle et du film

Les disparités entre les hommes et les femmes persistent toujours dans presque tous les domaines culturels. Face à ce constat, l’Unesco a organisé en fin de semaine dernière un séminaire régional «Pour une égalité des genres au sein de l’industrie audiovisuelle et du film». Objectif : faire un état des lieux et formuler des recommandations pour promouvoir les droits des femmes dans ce secteur.

L’Unesco relance le débat dans l’industrie audiovisuelle et du film
En marge de la treizième édition du Festival international du film de femmes de Salé, l’Unesco a tenu samedi dernier un séminaire régional «Pour une égalité des genres au sein de l’industrie audiovisuelle et du film dans la région Maghreb-Machreq». Cette rencontre a eu pour principaux objectifs de faire un état des lieux de l’égalité des genres dans l’industrie du film aussi bien au Maroc que dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) et d’identifier les causes de l’inégalité persistante dans le secteur. À cet effet, les résultats de deux études ont été présentés et discutés par un collège d’experts et professionnels représentant des organisations d’Algérie, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de Tunisie, et d’Europe. Ces études ont montré que les disparités entre les hommes et les femmes persistent dans presque tous les domaines culturels et dans la plupart des régions du monde. En effet, même dans les pays où l’accès équitable à l’éducation et la formation est la norme depuis longtemps, l’inégalité dans les pratiques artistiques (dont le film) persiste au niveau d’accès, d’opportunités, et de reconnaissance. «Les femmes sont fortement sous-représentées dans le milieu de la création, en particulier aux postes décisionnels et à des fonctions créatives majeures, elles ont plus difficilement accès aux ressources que les hommes et font face à des écarts de salaires importants. Dans la région du Maghreb-Machreq, la question de l’égalité des genres est encore plus critique, selon les chiffres révélés par l’étude annuelle du Forum économique mondial sur la parité du genre de 2016, sur 144 pays, l’Algérie est classée 120e, suivie par la Tunisie 126e, l’Égypte 132e, la Jordanie 134e, le Liban 135e et enfin le Maroc au 137e rang», ont indiqué les participants à cette rencontre, ajoutant que cet écart noté touche également l’industrie du film de manière significative. Une étude réalisée la même année par l’Université du Qatar et l’Institut Doha du Film sur l’industrie du film souligne que les femmes représentent seulement 29% des auteurs, 26% des réalisateurs et 30% des producteurs dans l’industrie du film indépendant, en Algérie, Égypte, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie. «Aujourd’hui, nous attendons beaucoup de nos partenaires, nous sommes en train de créer une plateforme de tous les partenaires pour débattre ensemble les défis, les opportunités et les ambiguïtés rencontrées pour trouver des réponses locales à toutes ces questions», a affirmé Golda El-Khoury, directrice du Bureau de l’Unesco pour le Maghreb, soulignant que l’Unesco est engagé pour les années à venir pour aider tous les acteurs pour que cette plateforme soit capable et durable pour traiter cette question.

De son côté, le ministre de la Culture et de la communication, Mohamed Laaraj, a souligné dans une allocution lue en son nom par le secrétaire général du département de la communication, Mustapha Taimi, que le texte constitutionnel réaffirme l’adhésion du Maroc aux principes et valeurs des droits humains, tels qu’ils sont universellement reconnus, le bannissement de toute forme de discrimination et le renforcement de l’égalité hommes-femmes par l’affirmation du principe de la parité. «La Constitution, qui a consacré le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’exercice de tous les droits fondamentaux, a imposé de nouveaux défis en matière d’égalité homme-femme, et a jeté les fondements d’un projet de société égalitaire et moderniste où les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits et des mêmes opportunités», a-t-il souligné.

Il est à noter qu’à la clôture des travaux de ce séminaire, les participants ont formulé des recommandations plaidant en faveur de l’égalité des genres dans le secteur et adopté l’Appel « En route vers la première édition des Assises de l’égalité au sein de l’industrie audiovisuelle et du film dans la région Maghreb-Machreq. Maroc, 2020». 

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Entretien avec Golda El-Khoury, directrice du Bureau de l’Unesco pour le Maghreb basé à Rabat

«Il est nécessaire aujourd’hui d’approfondir le débat, la recherche, mais surtout la sensibilisation pour l’égalité des droits»

Le Matin : Quels sont les objectifs de ce séminaire ?

Golda El-Khoury : Ce séminaire est l’occasion de faire l’état des lieux de l’égalité des genres dans l’industrie du film aussi bien au Maroc que dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Il vise également à identifier les causes de l’inégalité persistante dans le secteur, que ce soit au niveau du développement de l’industrie ou au niveau des images stéréotypées. À cet effet, les résultats de deux études réalisées et les différentes initiatives menées à cette échelle ont été présentés et discutés par un collège d’experts et professionnels représentant des organisations d’Algérie, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de Tunisie et d’Europe. 

 

Comment peut-on expliquer les inégalités des genres qui persistent toujours dans le secteur du film ?

Il s’agit de symptômes familiers aux autres domaines de la vie socio-économique, culturelle et politique. En effet, même dans les pays où l’accès équitable à l’éducation et la formation est la norme depuis longtemps, l’inégalité dans les pratiques artistiques (dont le film) persiste aux niveaux d’accès, d’opportunités, et de reconnaissance. 

Les femmes, selon le Rapport mondial de l’Unesco 2018 «Re |Penser les politiques culturelles», sont fortement sous-représentées dans le milieu de la création, en particulier aux postes décisionnels et à des fonctions créatives majeures ; elles ont plus difficilement accès aux ressources que les hommes et font face à des écarts de salaires importants.

Il est nécessaire aujourd’hui, encore plus dans notre région figurant au bas des classements établis à l’échelle mondiale, d’approfondir le débat, la recherche, mais surtout la sensibilisation à l’égalité des droits des différents intervenants dans ce secteur, afin de réinscrire ce défi, dans les priorités non seulement nationales, mais à l’échelle de la région. 

 

Cette rencontre est organisée dans le cadre du projet régional «Renforcement d’un secteur du film sensible au genre dans la région Maghreb-Machreq», parlez-nous un peu plus de ce projet.

Face au constat alarmant de la sous-représentation de la femme dans et à travers l’industrie du film, le Bureau de l’Unesco pour le Maghreb a lancé depuis 2017 le projet «Renforcement d’un secteur du film sensible au genre dans la région Maghreb-Machreq», grâce au co-financement de l’Union européenne et au soutien de la Suède, afin de promouvoir l’image et la place de la femme dans le secteur du film cinématographique, télévisuel, sur le web/fiction et documentaire.

La mise en œuvre de ce projet a adopté une approche holistique, participative et régionale indéniable. 

À cet effet, et suite à un appel à projets à hauteur d’un million d’euros, des partenaires dans la région ont été sélectionnés afin d’implémenter huit axes d’interventions complémentaires, permettant d’atteindre une égalité des genres dans le secteur, et par conséquent dans la société, avec une attention particulière aux populations féminines vulnérables telles que les femmes en situation de handicap, aux réfugiées, aux migrantes...

À ce stade, nous pouvons nous féliciter des nouvelles stratégies innovantes que nous avons mises en place avec nos partenaires, en étant à l’écoute des besoins réels des professionnels, de nouvelles tendances qu’impose le développement des technologies de l’information et de la communication, qui ont favorisé l’émergence de nouveaux médias dans l’industrie, présentant un grand défi pour notre mission.

Concrètement, comment l’Unesco et ses partenaires vont-ils promouvoir la place de la femme dans le secteur du film grâce à ce projet dans les pays ciblés, et en particulier au Maroc ?

L’intervention de l’Unesco se décline autour d’actions favorisant la relance du débat d’une part, mais surtout la réinscription de la question d’égalité des genres dans les priorités nationales et régionales, des différents acteurs opérant dans le secteur, et ce, à travers l’action des partenaires que nous avons sélectionnés. Et cela passe par la production de réflexion et d’études par la «Jordanian Commission for Democratic Culture Association» et l’Association démocratique des femmes du Maroc. Des études, avec une démarche scientifique fiable permettant de révéler l’état des lieux dans la région, et au Maroc avec des chiffres et indicateurs précis, qui nous permettent d’aiguiller le processus de notre action. 

Aussi, par la création d’un annuaire en ligne des femmes professionnelles du film dans la région permettant de faire connaitre les compétences de femmes de la région, et ce, dans les différents métiers du secteur, réalisé par «Fe-male» et «Dawer». 

Nous avons également, lancé avec la Royal Film Commission de Jordanie et l’Association de la culture par l’audiovisuel, des actions de sensibilisation des décideurs du secteur, afin qu’ils intègrent des dispositifs juridiques et une approche de gestion sensible au genre, dans leur management. Et, le renforcement des capacités des femmes professionnelles, mais aussi, des producteurs, a également été au cœur de notre action, dans une démarche innovante, de coaching et développement personnel. Et afin d’agir à la source, avec «Maamal 612, Think Factory», un module sensible au genre a été développé et est en cours d’intégration dans des écoles de cinéma et d’audiovisuel au Maroc et en Jordanie, dans une première phase, avant de généraliser son adoption par les universités et écoles de la région. 

Enfin, nous avons également accompagné l’industrie influente des festivals. Et, dans ce cadre, l’«Association tunisienne des médias alternatifs» a soutenu quelques festivals de la région, afin de favoriser la participation des femmes professionnelles, une programmation sensible au genre, et à créer des prix récompensant des films adoptant une approche sensible au genre. 

 

Cela fait une année que vous occupez le poste de directrice du Bureau de l’Unesco Maghreb basé à Rabat, rappelez-nous les principales actions qui ont été menées durant cette période et parlez-nous un peu du mandat de l’Unesco au Maroc.

Lors de cette première année, en tant que directrice et représentante de l’Unesco pour le Maghreb, nous avons mené des actions dans les différents champs d’interventions relevant du Mandat de l’organisation, afin de promouvoir la coopération dans le domaine de l’éducation, des sciences, de la culture, de la communication et de l’information. Et ce, en étroite collaboration avec les institutions nationales, toutes les parties prenantes, notamment les jeunes et les médias. 

D’abord, nous avons signé un Plan d’action de coopération relatif au droit d’accès à l’information avec le ministère de la réforme de l’Administration et de la fonction publique. Un plan qui s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de coopération conclu entre le Royaume et l’Unesco, le 30 octobre 2017 à Paris, et visant à mettre en place un programme commun pour appuyer et accompagner les chantiers de réforme en matière d’accès à l’information. 

Aussi, nous avons lancé avec l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme (ANLCA), la plateforme virtuelle CREA «Centre de ressources et d’expertise pour l’alphabétisation». Outre la centralisation de l’information relative aux programmes et à l’expertise existants en matière de lutte contre l’analphabétisme, CREA a pour objectifs de diffuser l’information pertinente répondant aux besoins de la population cible ou grand public, répondre aux besoins des acteurs œuvrant dans le domaine à travers des formations destinées à renforcer leurs capacités, et permettre aux utilisateurs de partager des informations selon les habilitations accordées.

De plus, nous avons lancé un programme ambitieux «Houdoud» avec le financement du Canada, et en partenariat avec la Chaire Fatima Mernissi de l’Université Mohammed V et la Haute École de management (HEM), qui a favorisé la création d’une passerelle entre la création artistique et celle des savoirs. 

Et enfin, cette période a également été marquée par la poursuite de l’accompagnement des Radios associatives, à travers la mise en place de «Radio Migration», une radio sur les ondes FM bénéficiant d’une licence temporaire accordée par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA).

Ce fut une année très riche d’accomplissements, et de partages fructueux avec toutes les parties prenantes au Maroc, et dans les pays de la région, traçant les grandes lignes de nos futures actions, dont un grand partenariat que nous lancerons sous peu, avec l’Office national de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). 

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