En Afrique subsaharienne, 21% de la population dispose d’un compte mobile. La finance digitale occupe ainsi une place de plus en plus grande dans la vie des gens, puisqu’elle leur permet d’effectuer toute une série d’opérations, du simple transfert d’argent de personne à personne jusqu’à l’accès au crédit, en passant par le paiement de factures ou l’épargne sur un compte mobile. Mais dans la plupart de ces pays, l’usage a anticipé le cadre réglementaire. Au Maroc, c’est l’inverse. Le pays a d’abord fixé un cadre réglementaire pour le paiement mobile, basé sur l’interopérabilité (M-Wallet) entre les banques, les établissements de paiement et les opérateurs télécoms. «Cette réglementation doit s’accompagner d’un certain nombre d’éléments essentiels pour faire fonctionner la machine comme un outil d’inclusion financière. Il faut que cette interopérabilité soit la plus large possible afin d’englober les acteurs de la micro-finance et micro-assurance», a déclaré Abou Diop, directeur associé au Cabinet Mazars, lors du deuxième colloque du cycle de conférence «Digital Act by inwi» qui a eu lieu le 5 novembre à Casablanca.
En clair, pour Diop, les services du paiement mobile au Maroc (même s’ils tardent à démarrer) doivent pouvoir fonctionner en synergie et devenir plus pertinents en cernant tout l’écosystème. «Au Maroc, les points de financiarisation sont principalement portés par les banques, puisque la micro-finance couvre à peine 2,5% de la population. Pourtant, je crois que le secteur bancaire a fait son travail, car le nombre d’agences pour 100.0000 adultes est de l’ordre de 24. Le Maroc est même classé 3e devant des pays européens comme la France (37 agences) et le Danemark (27 agences)», fait valoir Mehdi Tazi, membre du Conseil national de l’inclusion financière.
Comment alors le mobile money peut-il offrir et encourager l’accès à des services financiers abordables pour les 30 à 40% de la population exclue du système financier marocain ? Est-ce que les 40 millions de téléphones mobiles au Maroc pourront changer le modèle de distribution du micro-crédit et de la micro-assurance basé sur la proximité géographique ? «L’enjeu pour le Maroc dans les années à venir est de réduire les inégalités régionales, territoriales et individuelles de genre. Je rappelle que le relèvement, en août dernier, du plafond du micro-crédit à 150.000 DH permet de toucher une nouvelle catégorie de la population. Autant de gisements de croissance offerts pour les opérateurs, d’autant plus que l’objectif de l’écosystème m-payment et de capter six millions d’utilisateurs et de générer 1,5 milliard de transactions en 2025», souligne Amina Kchiri, expertes en éducation et inclusion financières. Désenclaver financièrement la population est une mission compliquée admet Mehdi Tazi : «au Maroc, la régulation est très forte, mais les évolutions qu’on veut lui apporter prennent du temps, du coup le secteur de l’assurance peine à s’adapter au niveau de financiarisation ». La lenteur du circuit législatif est un «faux» problème pour Nicolas Levy, CEO de Inwi Money : «ce qui rend la tâche difficile aux opérateurs de micro-finance ce sont leurs coûts élevés, car basés sur un réseau physique et un modèle économique très coûteux. Le problème aussi, c’est le taux d’impayés chez les populations pauvres». En fait, tout l’avenir repose sur le mobile money, car capable d’offrir des services financiers plus pertinents, accessibles aux habitants des zones rurales et abordables.
«Pour les opérateurs de l’écosystème banques, télécoms et assurances, le mobile money est un très gros réseau de distribution sans le créer et mutualisant plusieurs types de clients. C’est également un système hybride (à la fois physique et digital) qui donne accès à des services financiers et permet le recouvrement», détaille le CEO d’Inwi Money. Combler le déficit d’usages en fournissant des services (abordables) dont les populations ont besoin. Voici, le défi qui unit désormais les opérateurs financiers et télécoms. Bien sûr, tout cela doit s’accompagner aussi, selon les panélistes, de l’équipement des ménages. Autant aujourd’hui sur un certain nombre de transactions comme les transferts, on joue sur la 2G, autant sur la partie micro-assurance/micro-finance, le pays est obligé de passer à des équipements encore plus importants des ménages pour pouvoir fluidifier les transactions.