Le Matin : Le programme Compact II est entré en vigueur le 30 juin 2017 et durera pendant 5 ans. À mi-parcours, pensez-vous que les objectifs seront atteints à terme ?
Anthony Welcher : MCC travaille en étroite collaboration avec notre partenaire, Millennium Challenge Account Morocco (MCA-Morocco), pour mettre en œuvre le deuxième Compactde MCC au Maroc. Le compact est un programme ambitieux soutenant deux priorités clés du gouvernement marocain : l’employabilité et l’accès au foncier. En travaillant avec les communautés locales et les partenaires gouvernementaux, le Compact est mis en œuvre à travers le pays. Nous sommes confiants, étant donné l’engagement de haut niveau des principales parties prenantes, que le Compact atteindra ses objectifs consistant à mettre en œuvre les réformes et les projets pilotes à court terme et à réduire la pauvreté et à générer de la croissance économique pour le Maroc et les familles marocaines à long terme.
Lors de ma visite au Maroc, j’ai participé à des réunions de haut niveau avec nos partenaires du gouvernement marocain et à la célébration de plusieurs étapes clés du Compact. Nous avons lancé la réhabilitation de 34 écoles dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Nous avons également annoncé la sélection de 15 projets bénéficiant d’un financement de 100 millions de dollars du Fonds «Charaka», en partenariat avec le secteur privé, afin de définir les besoins en matière de demande d’emploi. La modernisation de ces 15 centres de formation professionnelle augmentera la capacité du Maroc à promouvoir le développement des compétences techniques et la formation afin de répondre aux compétences requises du secteur privé, augmentant ainsi les possibilités d’emploi des diplômés.
La question du foncier est un handicap majeur à l’investissement au Maroc. En quoi les actions que vous menez peuvent-elles être décisives à ce niveau ?
Une analyse menée par le gouvernement marocain, MCC et la Banque africaine de développement a permis de définir les principaux obstacles à la croissance économique au Maroc. Plus précisément, les politiques et pratiques foncières limitant l’utilisation productive du foncier, notamment dans les secteurs rural et industriel, se sont révélées être un obstacle majeur à la croissance économique. Le Compact de MCC se concentre sur cette question dans le cadre du projet «Productivité du foncier», qui augmentera la productivité foncière en créant un cadre permettant aux marchés fonciers de satisfaire la demande des investisseurs. Les réformes devraient améliorer les options pour tous les investisseurs, qu’il s’agisse de petites exploitations familiales ou de grandes entreprises. En fin de compte, tous les investisseurs doivent avoir accès à des droits fonciers sécurisés.
Le projet «Productivité du foncier», représentant 169 millions de dollars, se compose de trois éléments : d’abord une stratégie nationale sur la gouvernance du foncier. Ensuite un processus de «melkisation» rationalisé pour transformer la propriété dans l’indivision des terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation en des propriétés privées des hommes et femmes agriculteurs, qui exploitent ces terres depuis des générations, ainsi que les mesures d’accompagnement visant à accroître les avantages pour ces agriculteurs, y compris les femmes. Enfin, une approche axée sur le marché privilégiant les partenariats public-privé et un fonds de soutien de 30 millions de dollars connu sous le nom de FONZID pour encourager un développement et une gestion durables et inclusifs du foncier industriel. Le gouvernement marocain a démontré un engagement fort en faveur de ces initiatives, notamment en apportant un cofinancement de 15 millions de dollars à FONZID par le biais du ministère de l’Industrie, de l’investissement, du commerce et de l’économie numérique.
MCC soutient fortement les amendements récemment apportés à la législation foncière, qui améliorent les droits des femmes à posséder et à hériter les terres collectives. Assurer aux femmes le pouvoir économique est une priorité de MCC et de l’Administration Trump. En février de cette année, le Président Trump a établi «the Women’s Global Development and Prosperity Initiative (W-GDP)», qui vise à promouvoir l’autonomisation économique des femmes dans le monde. La stratégie de gouvernance foncière est un élément essentiel de la croissance économique future du Maroc et offre au gouvernement marocain une occasion essentielle de faire progresser davantage l’accès des femmes au foncier et la sécurité de leurs droits de propriété. MCC est fier d’appuyer l’initiative W-GDP et de promouvoir l’autonomisation économique des femmes en partenariat avec le gouvernement marocain.
Quelles sont les considérations qui entrent en ligne de compte, côté américain, pour l’octroi de ce programme d’aide ?
MCC conclut des partenariats sélectifs avec les pays qui s’engagent pour la bonne gouvernance, la liberté économique et l’investissement en leurs citoyens. MCC adopte une approche fondée sur des données factuelles pour identifier ses pays partenaires et pour développer et évaluer tous ses projets MCC. Pour être éligibles au financement de MCC, les pays doivent satisfaire à une «score card» de MCC, un ensemble de 20 indicateurs tiers qui mesurent la performance d’un pays dans les domaines de la liberté économique, de la gestion équitable et de l’investissement dans sa population.
Comment d’après vous la mise en œuvre d’un programme comme le Compact II peut-elle contribuer au développement du Maroc, ainsi qu’au renforcement des relations entre nos deux pays ?
La présence de MCC au Maroc, depuis 11 ans, est un exemple de coopération en cours pour soutenir la croissance économique de nos deux pays. La forte performance du Maroc sur le premier Compact de MCC et sa volonté et capacité de mener à bien les réformes politiques difficiles ont abouti à l’approbation d’un deuxième Compact par le conseil d’administration de MCC. Les deux représentent ensemble plus de 1 milliard de dollars d’investissements américains au Maroc. Le gouvernement marocain s’est engagé à mener à bien les réformes politiques et institutionnelles relevant du deuxième Compact et apportera une contribution financière supplémentaire équivalant à au moins 15% de la contribution de MCC à sa mise en œuvre.
Les relations américano-marocaines ont encore été renforcées par la signature d’un protocole d’accord entre MCC et le Maroc en 2015. Ce protocole vise à partager les avantages de l’expérience et des enseignements tirés du premier Compact conclu par le Maroc, avec les pays voisins et les pays de l’Afrique subsaharienne. Beaucoup d’entre eux sont confrontés à des problèmes de développement et de croissance économique similaires. Ces réflexions partagées peuvent aider ces pays à mieux affecter leurs ressources et à mettre en œuvre leurs projets avec plus d’efficacité. Il était important pour MCC de piloter ce soutien pour l’apprentissage et la collaboration. Ce soutien est en ligne également à l’intérêt stratégique de MCC de mettre en place des Compacts régionaux qui élargissent les avantages économiques des investissements de MCC.
Enfin, l’engagement de MCC en faveur de l’appropriation par les pays des Compacts signifie que ceux-ci sont des partenaires à part entière dans le développement et la mise en œuvre des investissements du Compact. Cette approche assure une bonne relation avec nos pays partenaires aux plus hauts niveaux et avec les parties prenantes principales au niveau de la communauté. Comme en témoigne son adhésion à ce deuxième Compact de MCC, le Maroc continue d’être l’un des plus puissants partenaires de MCC.
Propos recueillis par Abdelwahed Rmiche