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«Le Maroc est la porte d'entrée idéale entre le monde arabe et l'Afrique»

Membre du groupe de la Banque islamique de développement, la Société internationale islamique du financement du commerce agit en tant que catalyseur du développement du commerce entre les pays membres de l'Organisation de la coopération islamique. Son PDG, Hani Salem Sonbol, revient dans cet entretien sur les actions et réalisations menées en partenariat avec le Maroc ainsi que sur les programmes dédiés au Royaume.

«Le Maroc est la porte d'entrée idéale entre le monde arabe et l'Afrique»
Hani Salem Sonbol, PDG de la Société internationale islamique de financement du commerce

Créée en 2008, la Société internationale islamique pour le financement du commerce (ITFC) est chargée notamment du développement du commerce dans les pays de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Quel est le bilan des activités menées jusqu’ici ?
La Société internationale islamique du financement du commerce est un membre du groupe de la Banque islamique de développement. Elle a pour vocation de faire progresser le commerce entre les pays membres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), permettant en définitive de contribuer à son objectif prioritaire visant à améliorer les conditions socio-économiques dans le monde. Dans le cadre de son engagement envers Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations unies, l'ITFC prévoit des actions pour tous, quel que soit leur emplacement géographique ou leur contexte social et économique. En 2018, l’ITFC a fourni 1,7 milliard de dollars de financement, contribuant au développement des pays membres les moins avancés (PMA). L’objectif étant d'apporter une stabilité économique et d'aider à la diversification de leurs activités.
Depuis sa création en 2008, l'ITFC a accordé plus de 45,4 milliards de dollars de financement, alors que les déboursements se sont chiffrés à 35,6 milliards de dollars, pour soutenir les secteurs d’activité clefs comme l’Énergie, l’Agriculture et de l’aide au développement des PME. Par ailleurs, le total cumulé des fonds mobilisés auprès des banques et institutions financières partenaires a atteint 27,3 milliards de dollars, reflétant le rôle crucial de l’ITFC comme catalyseur du développement du commerce parmi les pays membres de l'OCI.

Le Maroc fait partie des pays de l’OCI. Quelles sont les actions de coopération de la Société ITFC menées avec le Maroc ?
Le Maroc et l’ITFC ont signé un protocole d'accord en novembre 2015 pour mettre en place un certain nombre de programmes répondant à des ambitions communes. L'un d’entre eux représente un des programmes phares de l'ITFC : le programme Arab-Africa Trade Bridges (AATB) – Programme des ponts du commerce arabo-africains – lancé au Maroc en février 2017 sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. L’AATB sert de plateforme permettant au Maroc de tirer parti des opportunités commerciales découlant stratégiquement de sa situation économique et géographique et de devenir un contributeur clé au développement du commerce intra-OCI. À travers ce programme, l’ITFC soutient activement les efforts du Royaume dans les secteurs public et privé pour développer les exportations marocaines vers l'Afrique subsaharienne.
Depuis 2017, le secteur de l’Énergie au Maroc est soutenu par l'ITFC. Un nouveau partenariat avec OCP Group d’un montant de 88 millions de dollars pour le financement des importations de soufre et d'ammoniac vient renforcer les interventions de l’ITFC dans le Royaume. À ce jour, l’ITFC a approuvé plus de 23 projets de financement du commerce au Maroc pour un montant total de 2.286,5 millions de dollars.

Justement, vous avez récemment fait un déplacement au Maroc, au cours du mois d’avril. Sur quoi a-t-il débouché ?
L'ITFC a en effet participé à la 44e réunion annuelle de la Banque islamique de développement (BID), tenue à Marrakech en avril dernier. La Société internationale islamique de financement du commerce et l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) ont signé un mémorandum d’entente en vue de promouvoir le commerce entre le Maroc et les pays africains membres de l’Organisation de la coopération islamique, visant à renforcer les efforts de développement du commerce du Maroc et dans l’ensemble de la région africaine.
De plus, lors de la 44e réunion annuelle de la BID, l’ITFC a signé six accords majeurs de financement et de développement du commerce, d'une valeur supérieure à 1,1 milliard de dollars, avec des pays membres de l'OCI. Ces accords-cadres prévoient des financements aux secteurs publics et privés, ainsi que des programmes de renforcement des capacités pour les initiatives de développement des exportations et des PME et ciblent les industries à forte croissance, comprenant les produits agricoles, les produits de base énergétiques tels que le pétrole brut, les intrants agricoles, les fournitures médicales, les matériaux de construction, les métaux et le bétail.

Vous considérez que les partenariats internationaux et le soutien des secteurs public et privé sont nécessaires pour assurer l'accès aux marchés, pour arriver à un commerce équitable et des solutions innovantes, en particulier pour les pays en développement. Quelle appréciation portez-vous en la matière sur le cas marocain ?
Des partenariats internationaux – en plus de l'appui des secteurs public et privé – sont en effet nécessaires pour fournir un accès au marché, un commerce équitable et des solutions innovantes, en particulier pour les pays en développement. En collaboration avec des organisations partenaires et des financements du secteur privé, l’ITFC a contribué à dynamiser les activités commerciales des pays membres les moins avancés en mobilisant 1,39 milliard de dollars de ressources supplémentaires auprès de sources extérieures en 2018.
Dans le cas du Maroc en particulier, outre le programme de l'AATB, le Maroc est également bénéficiaire de l'Initiative d'aide au commerce pour les États arabes (AfTIAS) de l’ITFC. Ce programme a été lancé en 2013 en coopération avec cinq agences des Nations unies (OIT, CCI, CNUCED, PNUD et ONUDI), la Ligne des États arabes (LEA), les missions permanentes des pays arabes à Genève, les organisations régionales arabes ainsi que les parties prenantes de la région et d'ailleurs. Il s'agit d'un programme multi-donateurs, multi-pays et multi-agences, visant à dynamiser le commerce arabe en renforçant la compétitivité des entreprises et en facilitant le commerce.
Le Maroc a bénéficié d’une amélioration de sa compétitivité régionale grâce à la réforme de la politique commerciale et à l'efficacité des institutions d'appui au commerce (IAC) favorisant l’amélioration des volets d’approvisionnement, l'intégration aux chaînes de valeur et au renforcement de la capacité des organisations régionales et sous-régionales favorisant l'intégration commerciale.

Vous avez des programmes d'assistance technique et de renforcement des capacités liées au commerce pour améliorer la qualité des biens et des marchandises destinés à l'exportation dans l'économie mondiale. Le continent africain profite-t-il de ces programmes ?
À l'échelle mondiale, le besoin en financement du commerce est estimé à 1,5 trillion de dollars, dont près de 25% dans les pays membres de l'OCI, répartis sur quatre continents, dont l'Afrique où les besoins en financement du commerce sont estimés à 125 milliards de dollars. On estime que 75% de cet écart est dû au rejet des demandes de financement des PME. Le secteur des PME étant un moteur essentiel de la croissance économique et de la création d'emplois, il est crucial de réduire cet écart. Par conséquent, les banques multilatérales de développement telles que l'ITFC ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine en aidant les PME à obtenir du financement, à se développer dans le commerce international et à participer aux chaînes de valeur mondiales.
En juillet de cette année, lors de la septième édition de L'Examen global de l'aide pour le commerce organisé par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève, l’ITFC a dévoilé la deuxième phase du programme AfTIAS, axée sur l’intégration des pays arabes aux chaînes de valeur stratégiques pour améliorer la production à valeur ajoutée, les flux commerciaux, la réduction de la pauvreté et la création d'emplois pour les jeunes en particulier.
Au-delà des programmes AfTIAS et AATB, l’ITFC intervient à la fois dans le financement des PME et dans l'assistance technique par le biais de nos programmes commerciaux intégrés qui abordent, dans une approche plus globale, les défis auxquels les PME font face. À date, l’ITFC a été en mesure de fournir 15 milliards de dollars au secteur privé (35% du financement total), dont 4 milliards de dollars attribués aux PME.
L’ITFC a mis en place un programme intégré de développement des PME comprenant la facilitation de l'accès au financement, mais aussi l’aide au renforcement des capacités et services consultatifs. Le projet pilote africain est actuellement en cours au Burkina Faso pour fournir simultanément des solutions de renforcement des capacités aux banques et aux PME. L'objectif final est d'accélérer l'octroi de prêts bancaires aux PME et d'encourager l'éligibilité des PME au financement par les banques.
Enfin, en 2018, l’ITFC, en partenariat avec la Banque africaine de développement, a lancé le premier programme d'apprentissage en ligne sur le financement du commerce pour les institutions financières africaines, en utilisant la plateforme et les certificats de l'Académie de la Chambre de commerce internationale (CCI). Cette initiative s'inscrit dans le cadre de notre Programme d'assistance technique pour le financement du commerce extérieur (TFTA).
Vous ambitionnez de renforcer vos actions dans les pays africains. Est-ce que le Maroc, très présent dans le continent, peut jouer un rôle dans ce sens ? Comment ?
Les sociétés et les économies d'Afrique et du Moyen-Orient évoluent et, dans certains cas, mûrissent. Le Maroc est la nation la plus stable d'Afrique du Nord : politique et gouvernance stable, paix et croissance économique. Le Maroc entretient des relations internationales solides et positives et est un investisseur actif dans les infrastructures et l'emploi. Cela fait du Maroc la porte d'entrée idéale entre le monde arabe et l'Afrique. Le Maroc continuera donc à jouer un rôle à part entière dans le développement du programme de l'AATB. L’ITFC continuera de mettre l'accent sur le développement du secteur privé au Maroc en envisageant de financer les entreprises locales et de fournir un financement «Mourabaha» en deux étapes pour soutenir les banques marocaines en Afrique subsaharienne. En 2017, ITFC a signé une Mourabaha de 40 millions d'euros avec la Banque Atlantique, filiale de la Banque Centrale Populaire d'Afrique de l'Ouest. L’ITFC envisage également de soutenir le développement des banques participatives au Maroc.

Quels sont les secteurs, selon vous, auxquels il faut accorder le plus d’intérêt pour intégrer davantage les pays africains dans les chaines de valeur mondiales ?
Il est important de se concentrer sur les secteurs qui offrent une croissance économique durable, une création d'emplois et un potentiel d'exportation. Les secteurs varient d'un pays à l'autre, mais il est clair que les différents produits agricoles et agroalimentaires offrent un potentiel important : les aliments transformés, les matières premières, le coton, les arachides et plus encore. Bien que l'exportation de matières premières soit importante, il convient de noter que l'entrée dans la chaîne de valeur mondiale exige une valeur ajoutée, raison pour laquelle l’ITFC soutient le développement dans le pays afin que les entreprises puissent développer et fabriquer des produits et répondre aux normes internationales.
Par exemple, au Maroc, l’ITFC soutient le développement du secteur agricole, en particulier l'industrie des engrais, en fournissant des financements aux entreprises marocaines qui investissent dans la fabrication d'engrais en Afrique subsaharienne. À cela s'ajoute l'assistance technique fournie aux agriculteurs dans le continent. Ce type d'intégration régionale est un bon exemple d'investissement en Afrique pour la fabrication locale d'engrais et le renforcement des chaînes de valeur. Au Maroc, à la suite du protocole d'accord de l'année dernière, les principaux domaines de coopération comprendront des projets visant à soutenir le commerce et les infrastructures commerciales par le biais des programmes suivants :
• Le programme Arab-Africa Trade Bridges (AATB) – Programme des ponts du commerce arabo-africains.
• Le mécanisme de liaison de transfert de connaissances, à l'appui de la coopération tripartite entre le Maroc et les pays africains à travers l’ITFC pour transférer l'expertise et les connaissances à ces pays, chacun en fonction de ses besoins.
• La coopération bilatérale pour le renforcement des capacités.
• Un programme de coopération bilatérale pour encourager l'utilisation des services de l’ITFC par les secteurs public et privé au Maroc. 

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