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Les Matinales Groupe Le Matin

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Ph. Sradni

Driss Maghraoui, directeur exécutif AWB, en charge  du marché des particuliers et des professionnels

«De prime à bord, je note que l’appellation Amnistie comporte un élément négatif. C’est-à-dire qu’il y a des personnes qui ont commis des fautes et qu’ensuite on leur pardonne ! J’aurais tendance à évoquer un autre sens qui est celui du rétablissement de la confiance. D’ailleurs, la loi de Finances a été plutôt construite autour de ce principe de confiance. Là, on pourrait se poser la question sur le lien de la confiance avec le monde bancaire. D’abord, les banques sont, par définition, des tiers de confiance. Ensuite, il faut rappeler que parmi les facteurs clés de la réussite de l’opération d’amnistie en 2014 était bien cet élément de confiance qui existe entre les clients, les contribuables et les banques, d’un côté, et de l’autre, l’état d’esprit des collaborations entre les établissements bancaires, les pouvoirs publics et les administrations. (…) Nous savons tous que Économie = Confiance, et la méfiance provoque toujours des blocages. La confiance est un ingrédient important dans la recette de la croissance économique. En termes de bénéfices attendus, il faut noter la question du cash. En effet, dans notre économie, il y a beaucoup trop de cash, entre 16 et 18 milliards de dirhams qui circulent en dehors du circuit économique pour des raisons fiscales. Le fait de lancer un appel à ramener ce cash, dans le cadre d’une régularisation volontaire, contribuera à le ramener dans le circuit bancaire et donc à l’utiliser dans l’économie au bénéfice de la société. Aussi, ce cash rapatrié servira à financer la TPE, conformément aux Directives Royales. (…) Les banques sont concernées par l’opération de régularisation fiscale en ce qui concerne les revenus des personnes physiques issues d’activités professionnelles ou agricoles. Nous sommes donc en train de parler d’une centaine de milliers de personnes, et c’est là la nouveauté de cette mesure qui représente, dans cette dimension-là, une forme d’accompagnement et d’éducation fiscale des particuliers, ce qui va impacter directement les comportements au niveau des entreprises.»

Driss Bencheikh, secrétaire général de l’Office des changes

«La 1re amnistie des changes remonte à 1962. Donc ce n’est pas une chose nouvelle pour nous. La dernière amnistie la plus importante est celle de 2014. Elle a connu une grande réussite aussi bien sur le plan régional qu’international, et c’est un indicateur clé pour l’économie marocaine, avec 19.000 déclarations et presque 28 milliards de DH déclarés. (…). Le contexte actuel est marqué par la digitalisation accrue et les engagements pris par le Maroc au niveau international qui donneront lieu à l’échange automatique des données, au lieu d’échange à la demande. L’administration marocaine peut ainsi avoir accès à l’information sur les avoirs constitués à l’étranger par les Marocains. (…). 
Je crois que le plus important est que cette régularisation est volontaire et qu’elle vise surtout à rétablir la confiance et non pas réaliser des objectifs chiffrés. Elle donne également l’avantage de l’anonymat. C’est une occasion en or à saisir, car c’est la dernière chance, comme cela a été confirmé par le gouvernement, avant l’échange automatique des données qui rendra l’information facilement disponible pour le Maroc. (…). On est en train de capitaliser sur l’expérience 2014. Nous avons exactement les mêmes dispositions qu’à cette époque. C’est identique. L’avantage est qu’aujourd’hui le système est rodé. La 2e chose la plus importante est l’opérationnalisation. On est en train de travailler sur la mise en place du dispositif. On va publier le 2 janvier 2020 deux circulaires. 
D’ailleurs, nous avons eu trois réunions avec le GPBM pour mettre en place des dispositions post-contribution libératoire qui vont permettre aux citoyens et aux entreprises marocains d’utiliser avec une entière liberté les avoirs détenus à l’étranger déclarés dans le cadre de cette contribution libératoire. Mais la chose la plus importante qu’il faut noter est qu’en 2020 nous allons annoncer de nouvelles mesures au niveau de la réglementation des changes qui vont faciliter la tâche aux citoyens et aux entreprises dans leurs relations avec la devise.»

Mohamed Hdid, président Commission fiscalité et régime de change à la CGEM

«Tout d’abord, il ne faut pas parler d’amnistie qui est le fait d’épargner quelqu’un déjà sanctionné. Nous devons parler de procédure de rectification volontaire. Le contexte actuel est marqué par un manque de confiance. Le maitre mot donc est la confiance qu’il faut restaurer. Or le digital a permis à l’administration de renforcer ses moyens de contrôle. S’est alors installé un sentiment que l’administration fiscale voit tout. Les citoyens craignent donc que celle-ci commence à disposer d’informations sur ceux qui ont de l’argent chez eux. Conséquence, beaucoup de citoyens ont aujourd’hui peur d’acheter même s’ils disposent de compromis de vente depuis plusieurs mois. Ils se disent que si l’administration commence à leur poser des questions elle repartira certainement avec quelque chose, car, pour eux, elle ne repart jamais sans rien. D’ailleurs, garder de l’argent chez soi n’est pas illégal. Aucun passage dans le Code général des impôts ne l’interdit. Lors du dépôt de cet argent à la banque, un droit d’appréciation est laissé au banquier qui connait ses clients. Ce n’est qu’une fois que vous l’avez investi qu’on va vous poser des questions. C’est là où je considère qu’il fallait une certaine cohérence globale de l’ensemble des mesures fiscales. Sinon, nous risquons d’exclure des citoyens de cette opération, comme ceux qui ont de l’argent, mais pas d’activité professionnelle. J’aurais préféré une loi rectificative que des mesures dans une loi de Finances qui traite d’autres sujets. Nous traversons une période de transition, au Maroc et à l’étranger, qui est nécessaire pour arriver, un jour, à une situation où tout le monde est tracé.»

Abdelmajid El Faiz, président de la Commission fiscale de l’Ordre des experts-compables

«Le Maroc a connu, depuis longtemps, de nombreuses amnisties, mais chacune dans un contexte politique et économique particulier. Cette dernière, qui je pense est la dernière, intervient également dans un contexte différent et est de nature différente. En effet, si pour une partie, elle porte sur une renonciation du droit de la part de l’État marocain, et qui pourrait être moralement incompréhensible et éthiquement inacceptable pour une partie des contribuables, cette amnistie pourrait se justifier pour d’autres pour plusieurs 
considérations. 
On parle certes d’Amnistie, mais le gouvernement n’évoque pas ce concept précis qui ne porte dans son esprit que sur l’effacement des pénalités et intérêts du retard, puisque les droits doivent être payés entièrement. 
(…) Les dispositifs mis en place dans le cadre du projet de loi de finances 2020 sont beaucoup plus globaux que ceux déployés par le passé, puisqu’on a essayé de couvrir les différents domaines dans lesquels les Marocains, personnes physiques ou morales, peuvent ne pas être en conformité avec la loi. C’est pour cette raison que ce dispositif a touché également la règlementation de change car on estime qu’il existe des liens entre ces différents processus. Maintenant se pose la question des objectifs de ces amnisties ou mesures libératoire et l’étude de leur impact. 
En dehors de l’amnistie de changes, nous ne disposons pas d’informations chiffrées par rapport aux anciennes. Nous ne savons également pas quel a été le sort des recettes générées par ces opérations d’amnistie. Mais qu’est-ce qui fait que cette amnistie, survenue dans un contexte spécifique, est particulière ? D’abord, parce qu’il n’y a pas de contribution libératoire qui est forfaitaire et indépendante de l’impôt qui devrait être payé, ensuite, elle n’est pas purement budgétaire. Comme l’a évoqué le ministre de tutelle, l’objectif est de libérer beaucoup plus la psychologie des citoyens et donner une impulsion aux citoyens pour rentrer en conformité avec la loi. Autre objectif est de libérer l’acte d’investir et de consommer ?

Mehdi El Fakir, économiste, expert-comptable

«Le terme amnistie a été contesté dans le cadre de ce débat, parce qu’il a plutôt une connotation conceptuelle que technique. Il s’agit principalement de six opérations de régularisation limitées dans le temps et dans l’espace, dont l’objectif principal est de rétablir la confiance. Cela démontre clairement une volonté du législateur et de l’État de rétablir la confiance à travers une période transitoire. Ces dispositions devraient préparer pour une réforme de fond qui n’est autre que la loi-cadre. Les mesures de régularisation spontanée, de par leur nature, sont des mesures transitoires, exceptionnelles. Nous voyons mal que de telles mesures pourraient être contenues dans une loi-cadre qui devrait cadrer les mesures fiscales pour les cinq prochaines années. Aujourd’hui, le mot d’ordre est la confiance ! Il faut faire le nécessaire pour que cette période fiscale transitoire puisse réussir. Nous parlons d’une pacification fiscale au vrai sens du terme. De ce fait là, le rôle des forces de médiation, à savoir les techniciens et les forces corporatistes citées dans la loi comme des parties prenantes, est de faire réussir ces dispositions. Parce que l’expérience passée a démontré que le scepticisme demeure. Une année est trop courte pour résoudre ce problème. Donc, tout ce qui peut booster cette médiation est la bienvenue. J’estime qu’il s’agit de mesures de dernière chance qu’il faut saisir. Malgré les critiques, nous avons une volonté affichée de la part de l’État de faire évoluer les choses, à travers des mesures qui sont limitées dans le temps et dans l’espace, mais surtout de demander une adhésion de la part des contribuables une fois pour toutes. Ce n’est qu’avec une adhésion complète à l’impôt, que nous pouvons imaginer des réformes volontaristes. Évacuons ce sujet fiscal une fois pour toutes, à l’occasion de la loi de Finances 2020, maintenant il faut s’atteler sur ce modèle de développement qui devrait ramener une réponse définitive à la problématique de développement et de facto à cette question de confiance.»

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