Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Société

«Mieux encadrer le comportement des usagers de la route exige un travail de longue haleine afin d’atteindre les résultats escomptés»

«Mieux encadrer le comportement des usagers de la route exige un travail  de longue haleine afin d’atteindre les résultats escomptés»

Le Matin : Le Maroc a mis en place depuis plusieurs années une stratégie nationale de sécurité routière pour lutter contre 
les accidents de la circulation. Celle-ci a été renouvelée pour la période 2017-2026. 
Pouvez-vous nous rappeler les points 
saillants de cette stratégie ?
Mohamed Najib Boulif:
La stratégie nationale de sécurité routière 2017-2026 a été adoptée pour essayer de répondre aux problématiques liées à la sécurité routière en s’inspirant des différentes expériences internationales, notamment la résolution 64/255 de l’Assemblée générale des Nations unies qui a proclamé une Décennie d’action pour la sécurité routière 2011–2020 ayant pour objectif de stabiliser puis de réduire le nombre de victimes sur les routes dans le monde entier. En outre, à partir de septembre 2015, l’amélioration de la sécurité routière fait partie des objectifs de développement durable (ODD) visant à réduire de 50% la mortalité routière à l’horizon 2030.
Le Royaume du Maroc étant un pays ouvert sur le monde, la nouvelle stratégie se veut être en phase avec les bonnes pratiques au niveau mondial. De ce fait, cette stratégie a adopté une vision plus exigeante et concentrée sur le long terme pour développer «des comportements responsables et des routes plus sûres au Maroc». Pour la première fois dans le management stratégique de la sécurité routière au Maroc, des objectifs ambitieux et quantifiés ont été fixés visant à réduire de moitié le nombre de tués à l’horizon de 2026, soit l’équivalent de moins de 1.900 tués sur les routes, avec un objectif intermédiaire de ne pas dépasser 2.800 tués en 2021, soit une baisse de 25%. 
La mise en place de cette stratégie se base sur des enjeux stratégiques à fort potentiel pour réduire le nombre de victimes des accidents de la circulation. Ces enjeux se présentent comme suit :
• Les piétons qui constituent environ 28% des victimes impliquent l’adaptation des infrastructures en milieu urbain, l’incitation à leur prise en compte par les autres usagers et la protection des cheminements piétonniers.
•  Les 2 et 3 roues motorisées qui constituent environ 24% des victimes et nécessitent la mise en place de plusieurs dispositions notamment l’incitation au port du casque, le contrôle de leur vitesse, l’attention de la part des autres véhicules et la résolution des problématiques d’homologation.
•  Les accidents impliquant un seul véhicule dont la proportion est d’environ 16% et dont la prévention nécessite le port de la ceinture de sécurité, le respect des règles de base de la bonne conduite ainsi que le traitement des accotements.
•  Les enfants moins de 14 ans : Environ 10% des tués, ce qui exige l’aménagement des abords des lieux fréquentés par cette cible, l’incitation à la réduction de vitesse en ces endroits, la conduite «apaisée» et la création de traversées protégées devant les écoles et dans les zones résidentielles ainsi que la sensibilisation et l’éducation routière en milieux scolaire et parascolaire.
•  Les transports professionnels : cette catégorie constitue une proportion importante d’environ 6.6% et nécessite la formation des conducteurs, le contrôle technique des véhicules, le contrôle du respect des règles de transport et le respect des vitesses réglementaires. Dans ce cadre, des actions précises ont été identifiées avec des échéanciers bien définis, des outils de mise en œuvre, des moyens de réalisation et des indicateurs de suivi et d’évaluation. L’objectif étant d’assurer un recadrage de cette stratégie au fil du temps et de réajuster les mesures prises à chaque fois qu’il est jugé nécessaire. 
Sur le plan institutionnel, le management de la sécurité routière au Maroc est en phase de mutation profonde. Le Royaume du Maroc a choisi de s’aligner sur les bonnes pratiques au niveau international, et ce, à travers la création de l’Agence nationale de la sécurité routière (ANSR). Toutes les dispositions sont prises pour que cette Agence soit opérationnelle à partir de janvier 2020. L’objectif à travers la création de l’ANSR est de réunir l’ensemble des métiers liés à la sécurité routière au sein de la même structure pour avoir plus de synergie et d’efficience dans l’action publique. Il est prévu que le Conseil d’Administration de cette Agence se réunira avant fin novembre pour valider un ensemble de documents, notamment son plan d’action triennal, le plan d’action et le budget de l’exercice 2020, son organigramme ainsi que les chartes des instances de gouvernance.

À deux ans de son lancement, quelle évaluation faites-vous de cette stratégie ?
En adoptant la stratégie nationale de sécurité routière 2017-2026, nous nous sommes fixé pour la première fois des objectifs chiffrés sur la base d’un diagnostic bien étudié. C’est un acte ardu, délicat mais aussi engageant et décisif qui va nous permettre de mesurer l’écart entre les résultats et les objectifs. Nous estimons que c’est un processus stratégique et mobilisateur de l’ensemble des acteurs qui va nous permettre de redoubler nos efforts et réaliser de belles performances en matière de sécurité routière. Dans ce sens, une tendance baissière a été enregistrée durant les deux premières années de la mise en œuvre de la stratégie. En 2017, les accidents mortels ont diminué de 2.47% et le nombre de tués a baissé de 2.62%, soit 94 vies humaines épargnées.
Cette tendance baissière a été confirmée par le bilan de l’année 2018 qui a enregistré 3.066 accidents mortels, avec une diminution de 0,62% par rapport à l’année précédente. Le nombre de morts sur les routes était de 3.485 tués, avec une baisse de -0,40% par rapport à la même période une année auparavant. Les statistiques indiquent également que le taux de blessés graves a diminué de -4,90%, atteignant environ 8.725 blessés.
Ainsi, la coordination qui se fait actuellement entre les différents acteurs a abouti à des résultats encourageants. Bien que le bilan des accidents de la circulation des six premiers mois de cette année tire la sonnette d’alarme, il faut persévérer dans des actions de sensibilisation et de contrôle qui demeurent la base dans tout effort national mené dans le but d’influencer positivement le comportement des usagers de la route.
Mieux encadrer le comportement des usagers de la route exige un travail de longue haleine afin d’atteindre les résultats escomptés en termes de réduction de la sinistralité routière et amélioration des indicateurs de la sécurité routière. Dans cette optique, nous restons entièrement conscients de la nécessité de développer davantage nos actions en vue de contribuer à la lutte contre l’insécurité routière dans notre pays. Comme évoqué auparavant, une évaluation des réalisations effectuées courant les deux premières années et la mise en œuvre de la stratégie nationale de sécurité routière seront lancées avec l’avènement de l’Agence nationale de la sécurité routière et de nouvelles actions seront établies pour donner un nouvel élan à ce dossier.

Où se place le Maroc en matière de lutte contre les accidents de la circulation aux niveaux régional, continental et mondial ?
La comparaison entre pays en matière de sécurité routière obéit à certaines règles et normes scientifiques bien précises. En effet, les pays n’ont ni les mêmes superficies, ni la même longueur du réseau routier, ni la même taille du parc automobile, ni le même trafic routier, ni la même population, etc. De ce fait, toute comparaison basée uniquement sur le nombre d’accidents, le nombre de tués ou le nombre de blessés en chiffres absolus n’est pas significative et s’avère dénuée de tout sens. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les organisations internationales concernées s’appuient sur un certain nombre d’indicateurs standardisés qui se présentent par ordre d’importance comme suit :
•  Le nombre d’accidents ou le nombre de tués rapporté au trafic routier ;
• Le nombre d’accidents ou le nombre de tués rapporté au parc automobile en circulation ;
• Le nombre d’accidents ou le nombre de tués rapporté à la population (100.000 habitants). 
Cependant, le calcul de ces indicateurs n’est pas toujours possible pour tous les pays, et ce, pour différentes raisons, notamment la disponibilité et la fiabilité des données nécessaires à ces calculs. Ainsi, seul le dernier indicateur est généralement utilisé pour effectuer cette comparaison au niveau international. 
En se basant sur cet indicateur, et contrairement aux spéculations sur ce sujet, le Royaume du Maroc présente un bon niveau de sécurité routière dans l’ensemble comme on peut le constater dans le graphe ci-dessous. Nous estimons que chaque accident est un accident de trop, mais la vérité scientifique montre que notre pays présente un niveau de maîtrise de la sinistralité routière meilleur à plusieurs pas dans le monde et il est leader sur le continent africain comme il est au top 10 des pays arabes. Ces statistiques qui sont nécessaires pour se comparer à l’international ne nous empêchent pas de dire que la marge de progrès pour notre pays est encore énorme et que nous avons toutes les potentialités pour y parvenir. 

Propos recueillis par Hafsa Sakhi

Lisez nos e-Papers