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Nizar Baraka : «Face à la montée du populisme, il faut convaincre par l’action»

C’est un Nizar Baraka serein, méthodique, mais non moins critique vis-à-vis de «l’inertie du gouvernement» qui s’est exprimé lundi dernier au micro de l’Info en Face. Pour son centième numéro, l’émission de la Web TV du groupe Le Matin animée par Rachid Hallaouy a reçu le secrétaire général de l’Istiqlal. Nombre de sujets qui font l’actualité ont été abordés, y compris les plus polémiques. Pouvoir d’achat, grogne sociale, libertés individuelles, l’école, la darija dans l’enseignement… autant de questions sur lesquels M. Baraka a été interpellé. Sans jamais se départir de son flegme habituel, le patron du doyen des partis politiques marocain a été direct et clair dans ses réponses qui cristallisaient, de manière limpide, la vision de l’Istiqlal pour relancer la machine économique et redonner ses titres de noblesse à l’action politique.

Situation socioéconomique alarmante : comment redresser la barre

La situation économique et sociale se détériore. Et paradoxalement, le gouvernement s’obstine à maintenir les mêmes choix, puisqu’aucune inflexion n’a été opérée, malgré la multiplication des secousses sociales, estime le SG de l’Istiqlal. «Le modèle de développement adopté jusqu’alors a atteint ses limites. Or, on continue sur les mêmes politiques en espérant un changement», analyse-t-il. Résultat : une dégradation de la croissance. Et le Maroc ne peut pas continuer sur cette tendance, il y a un risque pour la stabilité sociale, avertit-il. «Le gouvernement n’a pas repris les choses en main. Alors qu’il y a une perte de confiance des citoyens et des acteurs économiques envers les politiques et les institutions élues». Comment redresser la barre alors : il est essentiel, selon l’Istiqlal, de revaloriser les salaires et de soutenir le pouvoir d’achat. Il est urgent aussi de régler la problématique des PME, notamment les délais de payement. «La loi est passée, mais sa mise en œuvre piétine à cause de l’absence des décrets d’application». Par ailleurs, le chef de file des Istiqlaliens estime qu’il existe trop de subvention et de dépenses fiscales. «Il s’agit de réallouer ça de manière à relancer l’investissement, renforcer la demande intérieure et réduire les inégalités sociales et territoriales.» 

S'ouvrir à la modernité mais sans créer de ruptures

Le secrétaire général de l’Istiqlal ne fait pas mystère du cachet viscéralement conservateur de son parti. Pour lui, la culture et les valeurs qui font l’identité marocaine sont une ligne rouge. Interpellé sur la vision du parti quant à la dépénalisation des relations hors mariages, M. Baraka affirme que le respect des valeurs est essentiel et que la stabilité de la société en dépend. Il se dit toutefois ouvert à tout débat serein et dépassionné, sans verser dans la provocation. «Nous avons notre modèle marocain ouvert et pluraliste, mais respectueux de nos valeurs». S’agissant de la liberté de conscience, encore une fois, l’Istiqlal se dit disposé à tout débat serein. «On est prêt à ouvrir tous les débats, mais dans les enceintes qu’il faut et non pas dans une logique de créer des ruptures ou des conflits. Il faut maintenir et renforcer la cohésion sociétale et non pas l’inverse».
Pour ce qui est de la légalisation de l’avortement, il estime que l’Istiqlal est en phase avec la société marocaine. 
«Le plus important est de moderniser la société dans une logique de respect de ses valeurs religieuses. Calquer un modèle importé ne marchera pas. L’Istiqlal est pour la modernisation de la société, mais sans créer de ruptures. Bien entendu, la parole est libre, chacun a le droit de défendre son point de vue, mais dans la sérénité !» conclut-il.

«L’Istiqlal, un parti dynamique dans une scène partisane léthargique»

L’Istiqlal entend être plus présent sur le terrain et plus proche des citoyens. C’est l’une des grandes résolutions du parti en 2019. Pour ce faire, une tournée dans différentes régions du Royaume est programmée, annonce de prime abord Nizar Baraka. Ainsi, le chef du doyen des partis marocains défend sa formation politique qu’il juge active et présente sur le terrain dans un environnement partisan léthargique. «En tant que parti politique, nous sommes dans une nouvelle dynamique. Nous veillons à être plus proches des citoyens et de leurs doléances». Pour M. Baraka, il s’agit de tenir un langage de vérité et de crédibilité ; de proposer des solutions, mais sans escamoter les problèmes. À cet égard, il rappelle que l’Istiqlal avait fait le déplacement dans plusieurs foyers de contestation sociale, à Al Hoceïma et Jerada, pour expliquer les efforts qui ont été entrepris par l’État. Mieux encore, «nous avons proposé au gouvernement un Plan national de développement des zones frontalières, une sorte de plan Marshall pour la relance socioéconomique de ces zones» ajoute-t-il.
De même, lorsque la campagne de boycott de trois produits de base battait son plein, l’Istiqlal, à en croire Nizar Baraka, avait pris position dès le départ. «Pour nous, c’était un cri d’alarme de la classe moyenne, qui voit son pouvoir d’achat s’éroder graduellement». Et quand les cours du pétrole flambaient, «nous avions même proposé une loi de Finances rectificative». S’agissant du maintien de l’heure d’été, il affirme que son parti avait dit que «la décision n’a pas été bien préparée et qu’elle procédait d’un politique de replâtrage». 

«Décadence de la scène partisane, il faut convaincre par l’action»

Pour Nizar Baraka, la vie politique en général, et partisane en particulier, n’est pas au mieux de sa forme. Selon lui, on assiste à une dégradation de la vie politique marquée par un manque de confiance dans les partis, parallèlement à une montée du populisme. «Malheureusement, la politique spectacle attire, mais elle ne mène pas loin. Il faut convaincre par l’action. Expliquer les contraintes et proposer des solutions». Du coup, le Maroc a besoin d’une reprise en main et d’un nouveau cap, martèle-t-il.
Selon le patron de l’Istiqlal, la sinistrose qui marque la vie partisane et politique a débuté en 2014. Il rappelle le discours historique du Souverain en 2011, qui a impulsé une nouvelle dynamique politique et constitutionnelle, déplorant le fait que cette dynamique n'ait pas été mise à profit par les partis pour donner un élan positif à l’action partisane. Que faut-il faire pour relancer la machine ? Fort de ses cinq ans à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE), M. Baraka souligne qu’il convient de mettre en place des mesures de confiance en commençant par boucler le dialogue social. Il faut, selon lui, augmenter les revenus, dans la limite du possible bien entendu. Secundo, il faut s’atteler à une réforme de la fiscalité, notamment l’impôt sur le revenu, et envisager une déductibilité des frais de scolarité. Et tertio, il y a lieu de mener à bien, sans trop tarder, la réforme du système de l’éducation formation.

La darija dans l’enseignement, un faux débat !

Pour l’Istiqlal qui a toujours été un fervent défenseur de langue arabe, le débat sur la place de la darija dans l’école est un faux problème de nature à perturber des débats de société autrement plus importants. «Les Marocains ont pu initier un débat serein sur leur identité. Venir perturber ça avec la question de la darija, c’est une catastrophe pour le pays», souligne M. Baraka, précisant que le Maroc a déjà deux langues officielles, dont l’une, l’amazigh, n’a pas encore vu sa loi organique adoptée. «On ne doit pas perturber cela avec la darija. De plus, on va se couper de 400 millions de personnes qui parlent arabe. Il faut préserver notre spécificité en tant que pays pluraliste, ouvert, carrefour de plusieurs civilisations, mais qui demeure attaché à son identité et à sa culture».

Réhabiliter l’école en tant que creuset de citoyenneté

Pour Nizar Baraka, l’école marocaine est en crise et est en partie responsable de la situation socioéconomique. Mais l’Istiqlal n’a-t-il pas une responsabilité morale dans cet échec, puisqu’il a toujours défendu mordicus l’arabisation ? Non ! rétorque-t-il. «Nous avons trop focalisé sur la question de la langue et non sur les raisons majeures de l’échec», indique-t-il, précisant que l’école a énormément pâti des gouvernements qui se sont succédé avec chacun sa propre vision. Ce qui fait que pendant des années, on assistait à la massification des effectifs sans se donner les moyens humains et financiers pour accompagner cela. On a souffert aussi du manque de pédagogie et de l’absentéisme des professeurs, déplore-t-il, notamment dans le rural. «Je ne dis pas que l’Istiqlal n’a pas sa part de responsabilité dans ce qui se passe. Mais on est tous responsables».
Maintenant pour dépasser cette situation, M. Baraka insiste sur la nécessité de relever le défi des inégalités sociales et territoriales, réhabiliter l’école en tant que creuset de citoyenneté. Pour ce faire, «il est primordial de réussir la loi-cadre qui doit être adoptée à l’unanimité». 

 

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