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«Dans le nouvel accord avec l’OCDE, le Maroc s’engage dans des instruments juridiques très avancés et très exigeants»

Le Royaume du Maroc et l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) viennent de signer, à Paris, le protocole d’accord relatif deuxième Programme pays-Maroc, destiné à assurer la continuité d’une collaboration renforcée entre les deux parties. Couvrant une durée de trois ans (2019-2022), le nouvel accord vise à soutenir la mise en place de réformes socioéconomiques inclusives. Carlos Conde, chef de la division Moyen-Orient et Afrique du secrétariat des relations mondiales de l’OCDE, nous en dit plus sur l’importance et les enjeux de ce deuxième Programme pays.

«Dans le nouvel accord avec l’OCDE, le Maroc s’engage dans  des instruments juridiques très avancés et très exigeants»

Le Matin : Quel bilan faites-vous du partenariat de l’OCDE avec le Maroc ?
Carlos Conde
: Cela fait une quinzaine d’années que le Maroc et l’OCDE entretiennent une relation privilégiée, notamment à travers l’Initiative MENA-OCDE, qui rassemble 19 pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord et qui vise à soutenir la mise en place de réformes socioéconomiques inclusives. Dans ce cadre, le Maroc n’a cessé de se rapprocher des standards de l’OCDE et de consolider sa relation avec l’Organisation. Déjà en 2007, le Maroc sollicitait l’OCDE afin de mener une évaluation de son système de passation des marchés publics. Dix ans plus tard, à l’issue de la Conférence de Marrakech, le Maroc devenait président de l’Initiative MENA-OCDE pour le mandat 2009-2016. Le processus de rapprochement entre le Maroc et l’OCDE s’est accéléré en 2015, quand le Royaume est devenu le premier et seul pays de la région MENA à bénéficier d’un Programme pays, aux côtés du Pérou, de la Thaïlande et du Kazakhstan. La première phase du Programme pays, lancée en 2015, comprenait 16 examens des politiques publiques et projets de coopération technique, la participation renforcée dans 9 comités de l’OCDE et l’adhésion à 9 instruments juridiques de l’OCDE. Il est également important de souligner qu’il s’agit d’un partenariat basé sur le bénéfice mutuel entre les pays de l’OCDE et le Maroc. Pour l’OCDE, qui a vocation à inspirer l’économie mondialisée de nos jours par des principes et des valeurs partagés, il est essentiel de travailler de manière approfondie avec des économies comme l’économie marocaine qui poursuit son développement avec détermination. Les défis, les résultats et, occasionnellement, les frustrations sont des leçons à tirer qui nous ont enrichis dans notre capacité à agir dans une économie globalisée et à l’appréhender dans toute sa complexité.

L’OCDE et le gouvernement du Maroc signent un nouveau Protocole d’Accord relatif au renouvellement du «Programme pays-Maroc» pour trois ans. Quels sont les objectifs de ce Protocole d’accord ?
Les efforts considérables et de long terme engagés par le Maroc dans le cadre du premier Programme pays appelaient tout naturellement à son renouvellement. Le deuxième Programme pays s’inscrit en premier lieu dans une logique de continuité et de consolidation des acquis. Je tiens à remercier S.E. le Chef du gouvernement qui, lors de son allocution aux membres du Conseil de l’OCDE, s’est engagé à assurer personnellement la mise en œuvre des recommandations formulées par l’OCDE pendant la première phase et à assurer le leadership nécessaire pour la deuxième phase. Il est, en effet, essentiel dans tout processus de réforme de travailler dans la durée et avec persévérance pour obtenir l’impact souhaité. Vous comprenez bien qu’un nouveau modèle territorial plus équilibré ou une gestion publique transparente ne peuvent pas être obtenus du jour au lendemain. Il faut par conséquent un travail de fond avec les différents ministères, bien coordonné avec l’ensemble de l’administration, pour pouvoir mesurer le progrès et la bonne application des recommandations.
En second lieu, le nouveau programme pays fait une ouverture vers de nouvelles thématiques, mais aussi vers des engagements plus ambitieux. Dans le nouvel accord, le Maroc s’engage dans des instruments juridiques très avancés et dont les exigences sont d’une grande importance, telles que la Convention de l’OCDE de lutte contre la corruption. Le nouveau programme pays intègre aussi une unité Maroc au sein de la direction économique de l’OCDE, ce qui permettra d’améliorer très significativement les analyses économiques sur le pays. Il est à noter que ces unités n’existent que pour les pays membres de l’OCDE et les grandes économies telles que la Chine ou le Brésil. Permettez-moi de souligner que le nouvel accord s’est enrichi des conclusions d’une évaluation en profondeur effectuée par le secrétariat de l’OCDE avec le concours des autorités marocaines. Cette évaluation a constaté des résultats très positifs dans son ensemble. Le Programme pays a eu un impact bien visible par exemple en termes de collaboration interministérielle ou bien dans l’usage des outils statistiques par les administrations marocaines. Elle a aussi donné des pistes pour mieux faire, ce qui nous a permis de signer un programme de travail beaucoup plus avancé.

Cette signature annonce une autre phase dans le Programme pays pour le Maroc. Quelle est la particularité de cette nouvelle étape ?
Comme dans la première phase, le Programme pays II contribuera au programme de réformes marocain de trois manières différentes : (i) par la réalisation d’examens des politiques publiques, (ii) par une participation du Maroc à certains comités de l’OCDE, et (iii) par l’adhésion du Maroc à différents instruments juridiques de l’OCDE. Le programme comprend 15 projets. Il prévoit l’adhésion du Maroc à 20 instruments juridiques de l’OCDE et renforcera la participation du Maroc à 6 organes de l’OCDE. Ces trois types d’activités permettront au Maroc de se rapprocher des bonnes pratiques et standards de l’OCDE, notamment en développant des recommandations spécifiques aux problématiques marocaines et basées sur l’expertise et les standards de l’OCDE. Nous avons donc des objectifs clairs et précis que nous nous efforcerons, ensemble, d’atteindre. Je voudrais souligner le caractère particulièrement innovant d’un élément de ce programme pays : l’importance accordée à la dimension du genre. Nous ne le dirons jamais assez, le genre et la lutte pour l’égalité ne doivent pas être une composante isolée. La dimension genre doit faire partie intégrante de l’ensemble des politiques publiques. Le nouveau Programme pays inclut des actions spécifiques pour l’autonomisation économique de la femme, ce qui est un impératif pour le développement du Maroc et pour assurer sa compétitivité, mais aussi une approche transversale pour intégrer cette dimension dans l’ensemble des projets.

Quels seront les domaines prioritaires de ce partenariat ?
Malgré les réformes ambitieuses que le Maroc a su mettre en œuvre tout au long des dernières années et malgré son ouverture, sa résilience et sa stabilité, le Maroc reste confronté à des défis majeurs : l’éducation, l’intégration des jeunes et des femmes dans le marché de l’emploi, mais aussi la gouvernance publique, la lutte contre la corruption et le développement territorial. Dans le cadre du second Programme pays, le fil conducteur est de renforcer l’attractivité de l’économie marocaine grâce à la compétitivité, le capital humain et la bonne gouvernance de l’administration et des territoires. L’OCDE apportera son expertise au Maroc dans quatre piliers thématiques.
Le premier pilier est celui de la gouvernance publique, l’intégrité et la lutte contre la corruption. Il comporte des projets liés à l’administration publique, à la transformation numérique du gouvernement ainsi que de la justice au Maroc et la mise en œuvre des recommandations du scan d’intégrité effectué dans le premier Programme pays. Ce pilier apportera un appui à l’adhésion du Maroc à la Convention anti-corruption de l’OCDE et au renforcement des capacités de la présidence du gouvernement du Maroc en matière de performance stratégique et communication.
Le deuxième pilier porte sur l’investissement, la fiscalité et la gouvernance d’entreprise. Il est question ici de renforcer les politiques d’investissement, l’inclusion et l’éducation financières et de faire un suivi de l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales. Ce volet inclut le bureau économique Maroc, comme je viens de le signaler. Le capital humain est le troisième pilier de ce programme. D’une importance égale aux piliers précédents, celui-ci comprend des projets liés à l’éducation, mais aussi à l’autonomisation économique des femmes qui, comme je l’ai déjà expliqué, est une grande priorité de cette phase.
Enfin, le quatrième et dernier pilier, mais non des moindres, est celui du développement territorial. En s’appuyant sur le Dialogue sur les politiques de développement territorial effectué durant le premier Programme pays, ces activités permettront de soutenir les réformes visant à répondre aux disparités territoriales. Il s’agit d’un enjeu majeur pour le pays, tant d’un point de vue économique que social, de mettre en évidence le besoin de coordination pour y répondre et fournir les outils pour un meilleur dialogue entre les parties prenantes marocaines et enfin de diffuser et adapter les standards de l’OCDE en matière de politique de développement régional au Maroc.

Quelle sera la prochaine étape dans le cadre du Programme pays Maroc ?
La prochaine étape est celle de la mise en œuvre. Le Programme pays s’étend sur trois ans, et il sera primordial de séquencer efficacement les différentes étapes afin d’assurer une mise en œuvre optimale, à la fois pour le Maroc et pour l’OCDE. Dès septembre 2019, nous établirons ainsi des groupes de travail en coordination avec le gouvernement marocain et nous commencerons le travail sur le terrain. Il est notamment important de s’assurer de l’intégration des réussites du premier Programme pays à travers un système de suivi spécial en partenariat avec le ministère des Affaires générales et de la gouvernance, qui pilote le Programme pays côté marocain, mais aussi des services du Chef du gouvernement qui assurent le suivi de la mise en œuvre du programme du gouvernement.
Finalement, une recommandation de l’évaluation du premier programme pays était de renforcer la communication sur le programme et disséminer de manière plus systématique et avancée ses résultats. Pour cela, nous allons faire un véritable effort de mobilisation des parties prenantes. Une condition pour une conduite démocratique des politiques publiques est d’y associer des consultations, mais aussi d’intégrer des exercices de reddition de comptes et de communication. Dans cette nouvelle étape de notre travail avec le Maroc, nous sommes engagés à faire une ouverture encore plus profonde envers la société civile, le secteur privé, les institutions académiques et les médias pour renforcer le potentiel de succès de nos objectifs ambitieux.  

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