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«Les opérateurs doivent se mettre d’urgence à la logistique verte»

Le secteur de la logistique au Maroc est doté d’une charte, dite de logistique verte, pour les bonnes pratiques respectueuses de l’environnement. Encore faut-il assurer les préalables nécessaires pour la réussite de cette initiative. Il s’agit notamment de se doter d’une réglementation stricte, de mettre à niveau des plateformes logistiques et d’éviter les projets irréalisables ou trop coûteux. Il faut aussi externaliser les services logistiques et la formation, estime Driss Herrati.

«Les opérateurs doivent se mettre d’urgence à la logistique verte»
Il est nécessaire de se doter d’une réglementation très stricte dans la construction des nouveaux bâtiments logistiques.

Le Matin : Le Maroc s’est doté depuis quelques années d’une Charte sur la logistique verte qui se propose de promouvoir les bonnes pratiques pour une logistique plus respectueuse de l’environnement. Pensez-vous que cette initiative a une chance de se concrétiser, vu la complexité de la réalité du terrain ?
Driss Herrati :
Effectivement, dans le cadre de la COP 22, le Maroc a mis en place une Charte de la logistique verte afin de diminuer l’impact des émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par l’activité logistique (voir encadré). Il est donc urgent que les opérateurs logistiques et de transport, mais aussi les constructeurs de bâtiments logistiques, opèrent de manière écologique avec des panneaux photovoltaïques, des systèmes de récupération des eaux de pluie et l’éclairage basse tension. En fait, toute construction d’un nouveau bâtiment doit être précédée d’une étude d’impact écologique (EIE) qui permettra d’évaluer cet impact et déterminera les besoins en aménagement écologique sauf que les EIE ne sont pas obligatoires pour la construction des nouvelles plateformes logistiques.
Les améliorations observées dans ce domaine sont surtout réalisées grâce aux procédures HSE (Hygiène Sécurité Environnement) des grands groupes et non aux obligations réglementaires marocaines. À noter à ce sujet que le Maroc s’est doté d’une loi (loi 30/05 de juillet 2011) relative au transport des matières dangereuses pour se conformer à la réglementation internationale ADR (transport des matières dangereuses, ndlr). Mais cette loi reste totalement inapplicable.

Cette charte connait-elle un début d’implication des opérateurs ?
Il faut savoir que certains opérateurs majeurs de la logistique s’y sont déjà mis tels que La Voie Express sur son site de El Khyaita, près de Had Soualem, qui fait 30.000 mètres carrés. Elle récupère les eaux de pluie et les stocke, utilise des éclairages LED à faible consommation d’énergie et exclusivement des engins électriques pour la manutention. Il y a d’autres sociétés qui font de même comme Dachser sur sa plateforme de Mohammedia. 

Que faut-il faire pour une meilleure adhésion des opérateurs à cette initiative de la logistique verte ?
Il faut commencer par se doter d’une réglementation très stricte dans la construction des nouveaux bâtiments logistiques, et aussi grâce à l’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL), assurer le financement de mise à niveaux des anciennes plateformes avec un cahier des charges très précis.    Il faut aussi interdire les engins thermiques dans les enceintes logistiques fermées – ce qui normalement devrait être la règle –, la gestion des déchets, la récupération des eaux de pluie et l’éclairage basse tension. Il ne faut pas initier des projets irréalisables ou trop coûteux. Certaines activités, entre autres celles du transport et de la logistique, connaissent parfois une résistance au changement.

Parmi les pistes explorées à ce sujet, figure l’externalisation des services logistiques. À votre avis, cette solution peut-elle fonctionner ?
Effectivement, vous remarquerez que, la plupart du temps, les produits stockés dans des plateformes logistiques modernes telles La Voie Express, la SNTL, Dachser, Bolloré ou Geodis sont des produits venant de l’international. Il y a pourtant une solution, à savoir la logistique intra tels que la pratique ID Logistique qui réalise la prestation logistique au sein de l’usine de sucre de Cosumar. Cette solution permet au producteur de se consacrer à son cœur de métier et à externaliser la prestation logistique sans que celle-ci ne quitte ses bâtiments.
Cette prestation peut demain être mise à disposition des grands industriels marocains. Elle leur permettra une bonne gestion des stocks, des expéditions et des livraisons, une gestion des retours ainsi que la valorisation des déchets par un professionnel comme le groupe Suez.
De même, en matière de transport, il n’est pas normal de ne pas utiliser le train pour la livraison des produits lourds tels que l’eau, le ciment ou encore les matériels de travaux publics, et d’utiliser la route alors que nous avons des gares dans toutes les grandes villes, sauf Agadir.
Il n’est pas normal non plus de ne pas avoir de couloirs réservés aux bus et taxis comme dans toutes les grandes villes internationales, ce qui permettra de fluidifier la circulation et de diminuer les GES. Et pourquoi ne pas disposer que de bus et taxis électriques ?!
Il faudrait rendre obligatoires les livraisons dans les centres urbains la nuit ou tôt le matin comme dans les grandes villes occidentales : la préparation des commandes se fait la nuit, le chauffeur prend la route vers 4 h 30 et commence sa livraison alors qu’il n’y a pas encore de circulation. Ce sont des choses simples et faciles à mettre en pratique, il suffit que l’autorité compétente – la commune – ait le courage de les mettre en place.

Et quel rôle pour la formation pour promouvoir la logistique verte ?
Grâce à l’AMDL et ses partenaires tels que le Giac Translog, il a été mis en place un programme de mise à niveau des prestataires de transport, logistiques et chargeurs (clients). Celui-ci est très ambitieux et pertinent, puisqu’il propose des financements pour les modules de formation très précis et demandés par les professionnels, comme les formations de caristes, transport des matières dangereuses, éco-conduite... Ce programme est étalé sur la période 2018-2020. Le centre Avenir Formation (Driss Herrati en est le DG, Ndlr) est qualifié pour ce programme. Installé sur 12.00 m2, ce centre est équipé de salles de formation, d’engins de manutention logistique et d’un simulateur de conduite de camion dernière génération (Develter) avec 9 logiciels et 200 exercices de conduites. Nous avons étudié la consommation optimale des camions de certains clients, à la demande, et avons réussi à réduire de 20% cette consommation grâce aux bonnes pratiques et à l’éco-conduite.
Il faut aussi savoir que la pneumatique est le deuxième poste de coût dans un camion après le gasoil. Et bizarrement, très peu de responsables d’exploitation en connaissent toutes les subtilités. Ils ignorent la technologie des pneus modernes et manquent d’information sur le type de pneu dont ils peuvent avoir besoin, mais aussi la consommation, l’usure, la durée de vie, etc.
Pour finir, il ne faut pas oublier que la plupart des entreprises de transport et logistique ne font pas appel à des prestataires professionnels comme Suez pour la récupération des palettes cassées, cartons ou films étirables, ce qui leur permettrait de valoriser leurs déchets, de gagner de l’argent et de garder leurs plateformes propres. 

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