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«Le plus important en matière d’éducation, c’est de veiller à ce que les enseignants soient formés et accompagnés»

En visite au Maroc dans le cadre de ses activités professionnelles au sein de la direction de l’institut mondial du sondage d'Ipsos Monde (CEO Global Affairs), la Franco-Marocaine Najat Vallaud-Belkacem explique les raisons de sa visite à Casablanca. Elle parle aussi de son parcours politique et de ses relations avec le Maroc. L’ancienne ministre française de l’Éducation nationale décline également sa vision concernant la réforme de l’enseignement au Maroc. Entretien.

Le Matin : Vous effectuez une visite au Maroc. Dans quel cadre s’insère-t-elle et quels en sont les objectifs ?
Najat Vallaud-Belkacem :
Je suis venue participer au Salon du livre de Casablanca qui est un formidable événement littéraire et culturel organisé chaque année. Par ailleurs, vous savez que depuis quelques mois, j’ai rejoint l’entreprise Ipsos pour laquelle je m’occupe des études auprès des institutions internationales. Ici, nous avons une cinquantaine d’employés qui œuvrent pour Ipsos Maroc avec beaucoup de professionnalisme et de dévouement et j’ai pu constater combien leur activité au service du tissu économique marocain est riche et diverse.

Vous avez assuré de nombreuses fonctions en tant que commis de l’État français, puis vous avez mis votre savoir-faire entre les mains du secteur privé, notamment l’institut de sondages Ipsos. Pantouflage qui n’est pas passé inaperçu. Quels sont les arguments que vous avez mis en avant pour défendre votre décision ?
Ce n’est pas un pantouflage à proprement parler puisque je n’étais pas fonctionnaire. Lorsque j’ai commencé à m’engager dans la politique, il y a plus de 15 ans, je venais moi-même du secteur privé en qualité de juriste. Mais vous avez raison, l’expérience que je vis actuellement est d’une autre nature que la vie politique qui a été la mienne ces dernières années. Le secteur privé, compétitif, au sein d’une multinationale comme Ipsos installée dans 90 pays différents, me permet de prendre à bras le corps d’autres défis, dans d’autres horizons géographiques (à l’échelle du monde) et avec une autre temporalité.
En revanche, sur le fond, mes activités au quotidien consistent à mieux comprendre les sociétés, les gens, les marchés et à mettre cette compréhension au service de nos clients que sont les entreprises, les gouvernements et les institutions internationales. De ce point de vue, j’ai l’impression de n’avoir pas perdu de vue mes centres d’intérêt évidents. Je continue à désirer de tout cœur que le monde aille mieux. Aider les décideurs, mais aussi les opinions publiques à le comprendre ce monde, dans toute sa complexité, est une façon d’y contribuer.

Cela n’a-t-il pas un effet sur votre parcours politique, d’autant plus que quelques-uns de vos camarades du Parti socialiste avaient essayé de vous convaincre de briguer la direction du parti, il y a un an de cela ?
Oui, c’est vrai. Dans la vie on fait des choix. Pour ce qui me concerne, j’avais toujours dit que je considérais qu’une vie entière consacrée à la politique ne me satisferait pas. Que je souhaitais vraiment découvrir d’autres mondes, vivre des vies parallèles (y compris d’ailleurs celle qui consiste à voir d’un peu plus près ses enfants grandir). Eh bien, la situation politique en 2017 m’a, d’une certaine façon, ouvert cette possibilité-là. Et je l’ai saisie, tout simplement.

Est-ce qu’il y a toujours un penchant politique dans vos activités ?
La politique ne vous quitte pas si facilement, vous savez ! Lorsque vous avez vibré pendant des années, chaque minute de chaque jour, pour une cause, un combat, un engagement, ça ne s’arrête pas du jour au lendemain. Je me sens donc totalement concernée, encore aujourd’hui, chaque jour, par ce qui se passe dans mon pays. Et si cela ne se traduit plus comme auparavant par une montée en première ligne, en revanche je suis bien plus disponible, par exemple, pour voir le monde tel qu’il va, ou plutôt tel qu’il ne va pas d’ailleurs, et donc pour alimenter ma réflexion et mon engagement en la matière.

Vous êtes d’origine marocaine. Quels sont les liens que vous maintenez avec votre pays de naissance ?
J’ai tout simplement toujours plaisir à revenir au Maroc. Cette fois encore, et malgré la pluie qui m’a accueillie, Casablanca était un rayon de soleil dans ma semaine.

Aujourd'hui, le système de l'éducation nationale au Maroc est en pleine réforme, à votre avis, quels sont les éléments à prendre en considération afin de gagner ce pari ?
Mon expérience me dit que le plus important en matière d’éducation c’est ce qu’on appelle «l’effet maître» : veiller à ce que les enseignants soient formés et accompagnés autant que faire se peut dans ce métier si difficile et si précieux. C’est pour moi l’une des choses les plus importantes si l’on veut la réussite des élèves.

Vous avez lancé, récemment, une formation à l'égalité entre hommes et femmes à science Po. Vous n'envisagez pas de lancer des partenariats avec des écoles marocaines pour assurer le même genre de formation ?
Je serais bien sûr ravie de le faire. L’idée est simple : dans ces grandes écoles et universités, on trouve des jeunes filles et des jeunes gens qui seront demain potentiellement aux commandes, soit dans les entreprises, soit dans la fonction publique, soit dans la politique. 
Lorsqu’ils arriveront aux manettes, il me semble très important qu’ils aient été éclairés en amont sur la nature et la forme des inégalités entre les femmes et les hommes qui perdurent dans nos sociétés, et sur la façon d’y remédier. 
Pour que sitôt en poste, ils sachent sur quels leviers agir pour réduire ces inégalités à l’échelle de leur entreprise, de leur ville, de leur administration ou de leur pays. C’est à cela que prépare modestement cette nouvelle formation. Parce que faire face à ces inégalités, cela ne s’improvise pas. 

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