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«La prospective territoriale permettra à l’Afrique de décider de son avenir»

Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Dakhla accueille ces 20 et 21 juin 2019 la deuxième édition du Forum des Associations africaines d’intelligence économique sur le thème : «Intelligence économique et prospective des territoires en Afrique». Cette rencontre, qui entre dans le cadre de l’Université ouverte de Dakhla, est organisée par l’Association d’études et de recherches pour le développement, en partenariat avec l’Agence marocaine de coopération internationale. Dans un entretien accordé au «Matin», Driss Guerraoui revient sur les enjeux de ce Forum ainsi que sur l’importance de l’intelligence économique dans sa dimension prospective pour le développement futur de l’Afrique.

«La prospective territoriale permettra à l’Afrique de décider de son avenir»
Driss Guerraoui. Ph. Kartouch

Le Matin : Pourquoi une rencontre sur la prospective des territoires en Afrique ?
Driss Guerraoui :
Il y a une raison majeure qui explique ce choix. Elle réside dans le fait que pour décider de son propre avenir, l’Afrique doit pouvoir prévoir dans quel environnement régional et mondial elle va évoluer demain. Dit autrement, il s’agit pour l’Afrique et les Africains de prendre appui sur une prospective de leur démographie, de leurs ressources naturelles, agricoles, halieutiques, minières et énergétiques, ainsi que des grandes transformations économiques, sociales, politiques, culturelles, climatiques, technologiques, militaires, sécuritaires et géostratégiques qu’ils sont appelés à connaître en vue de construire leur propre modèle de développement et de définir le rapport futur de l’Afrique avec le reste du monde.
Au-delà du fait, rappelé par Jacques Attali dans «Peut-on prévoir l’avenir ?», que «le savoir sur l’avenir a toujours été un instrument de pouvoir», la prospective pour les économies et les sociétés africaines est importante parce qu’elle permet aux États africains d’identifier en matière de développement ce qui est nécessaire à réaliser à court terme, ce qui est possible à moyen terme et ce qui est souhaitable à long terme. De ce fait, elle leur permet de connaître les scénarios et les alternatives probables, les pistes d’amélioration et les voies de l’innovation. Elle leur apporte un éclairage sur les menaces, les risques, les aléas et les incertitudes qui les guettent et les opportunités qui leur sont offertes dans un monde qui sera de plus en plus global, interdépendant et très connecté.
Mieux encore, la prospective est enfin d’une grande utilité pour les décideurs africains, car elle pourrait favoriser leur appropriation d’un savoir scientifique intelligible et mesurable sur le devenir de leurs pays, un savoir pouvant déboucher sur la mise en place d’une planification et d’une veille stratégiques en mesure de transformer les rêves qu’ils portent pour leurs peuples et pour le développement de leurs pays en réalité opérationnelle et pratique.
Or dans de nombreux domaines ayant trait à la prospective, et hormis quelques rares exceptions de pays, parce que l’Afrique connaît un réel déficit de connaissance, ce sont les grands think tanks internationaux qui opèrent dans le monde qui font généralement de la prospective pour les Africains. Cette situation a des conséquences en termes d’émergence et de développement de démarches endogènes et indépendantes de prospective, de formation des compétences en cette matière et surtout de production autonome d’une pensée stratégique prospective propres à chaque pays et par extension à l’ensemble du continent africain. C’est pour cette raison que le Forum des Associations africaines d’intelligence économique a choisi, dans le cadre de l’Université ouverte de Dakhla, de mettre à contribution l’intelligence collective de ses membres pour approfondir l’examen de cette dimension cruciale du développement du continent africain.

En quoi l’intelligence économique pourra-t-elle apporter une contribution à ce niveau à l’Afrique ?
Appliquée au territoire, l’intelligence économique dans sa dimension prospective permet d’atteindre plusieurs objectifs. Elle contribue à renforcer la capacité des États, des collectivités territoriales, des entreprises, des universités, des centres de recherches et des acteurs de la société civile à comprendre et à analyser l’environnement dans lequel ils évoluent, et ce en vue d’accroître leur pouvoir d’adaptation aux réalités changeantes de cet environnement. Elle leur permet de prévoir et d’anticiper les évolutions futures de cet environnement, d’identifier les stratégies des concurrents légitimes et des ennemis potentiels, ce qui favorise leurs facultés de veille stratégique. De même, elle leur offre les conditions pour créer et innover en vue d’élever les performances globales de leurs organisations. Elle leur permet, également, de disposer des instruments et des outils nécessaires à la protection de leur patrimoine informationnel en particulier et à se protéger contre les risques majeurs, les aléas et les incertitudes en général, contribuant ainsi à garantir la maîtrise anticipée des catastrophes de tout genre et corrélativement à réaliser la sécurité globale de leurs pays. Elle met, enfin, à leur disposition les moyens et dispositifs fonctionnels pour le management des mutations qu’ils connaissent et la conduite du changement que ces mutations impliquent.

Quel rôle l’intelligence économique territoriale pourra-t-elle jouer en direction des entreprises africaines ?
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la mondialisation s’accompagne aujourd’hui d’un regain d’intérêt pour les territoires et pour la gestion de proximité des questions de développement. De ce fait, les délocalisations des grands réseaux transnationaux, comme la création de firmes nouvelles, s’opèrent à l’heure actuelle sur la base de la capacité des territoires à réunir les conditions d’une attractivité optimale des investisseurs potentiels, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Dans ce cadre, la concurrence entre les entreprises est en train de se superposer à une concurrence entre les territoires (villes, métropoles et régions). Aussi, assistons-nous à une situation inédite en économie. D’un côté, ce sont les territoires qui deviennent les vrais faiseurs d’entreprises et, de l’autre, les déterminants de la compétitivité sont en train non seulement de changer radicalement de nature, mais de se déplacer d’une concurrence autour des prix et de la qualité des produits et des services à celle qui met en valeur les notions de proximité, de mobilité, de qualité des institutions et des organisations dans les territoires (le transport, l’administration, le système de formation professionnelle, les moyens de communication, les réseaux d’activité bancaire, financier et boursier) et de capacités d’innovation offertes par les territoires d’implantation des entreprises (Technoparc, technopôles, plateformes industrielles, incubateurs, centres technologiques d’excellence, structures intégrées de recherche-innovation). Dès lors, la géo-économie devient de plus en plus une variable déterminante dans les stratégies d’implantation, de délocalisation, de co-développement et de co-émergence des nations, de leurs territoires et de leurs entreprises.
Cette tendance va s’affirmer avec forces dans les 10 à 20 années à venir où nous allons assister à deux phénomènes concomitants : d’une côté, un nouveau rapport entre les territoires urbains et ruraux, puisque la population mondiale à l’horizon 2030 sera composée de plus de 60% d’urbains et, de l’autre côté, nous allons assister à l’émergence et au développement de villes d’un genre nouveau de plus en plus grandes et de plus en plus denses, et dont la gouvernance sera de plus en plus complexe. L’Afrique, notamment au sud du Sahara, bien qu’elle reste à cet horizon encore à dominance rurale, connaîtra aussi les mêmes problématiques, voire de façon plus prononcée en termes de capacités de ses territoires à répondre aux besoins croissants d’une population qui atteindra les 2,5 milliards d’habitants en 2050. Aussi, satisfaire les besoins de cette population dans les domaines de l’emploi, l’éducation, la santé, le transport, le logement, l’alimentation, l’assainissement, la gestion des déchets, et bien évidemment la connectivité numérique, la culture, les loisirs et la sécurité sera un défi de premier ordre pour les décideurs et les élus nationaux et territoriaux africains. C’est pour toutes ces raisons réunies que le renforcement des capacités des villes, des métropoles et des régions africaines en intelligence économique territoriales est un impératif pour le développement futur du continent.

Quelles sont les retombées attendues de cette deuxième édition par le Forum des Associations africaines d’intelligence économique ?
Cette deuxième édition du Forum des Associations africaines d’intelligence économiques (FAAIE), qui va réunir à Dakhla des présidents d’associations nationales d’intelligence économique, des experts et des acteurs institutionnels locaux et nationaux, venant de 28 pays d’Afrique anglophone, lusophone et francophone et du Maghreb, ainsi que des spécialistes non africains d’intelligence économique, a pour objectif d’accueillir de nouvelles associations africaines d’intelligence économique nouvellement créées, qui rejoindrons officiellement le Forum, d’initier des partenariats panafricains en matière de renforcement des capacités africaines en intelligence économique, comme elle verra la remise du Prix récompensant les meilleures recherches africaines en intelligence économique. Ainsi, trois Prix consacreront les meilleurs livres, doctorats et masters publiés ou soutenus durant les années 2018 et 2019. Il est à noter, enfin, qu’en marge de la rencontre, le bureau du FAAIE statuera sur le projet de création d’un Centre africain d’études et de recherches en intelligence économique et veille stratégique, comme prévu par le plan d’action du Forum. 

Propos recueillis pas L.M.

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L’intelligence économique au centre des débats à Dakhla

La thématique de l’intelligence économique sera au centre des discussions dans la ville de Dakhla pour le reste de la semaine. La ville, qui accueille les travaux du deuxième Forum des Associations africaines d’intelligence économique, reçoit des experts et des spécialistes issus de 26 pays d’Afrique. Dans le cadre de l’université ouverte de Dakhla, les travaux du deuxième Forum des Associations africaines d’intelligence économique se sont ouverts, jeudi, dans la ville de Dakhla au sud du Maroc. Organisée par l’Association d’études et de recherche pour le développement en partenariat avec l’Agence marocaine de coopération internationale, l’édition de cette année, se déroulant du 19 au 23 juin, a été placée sous le thème «Intelligence économique et prospectives des territoires en Afrique». Rassemblant les représentants de pas moins de 26 pays africains, l’édition de cette année a connu la signature de plusieurs conventions entre le Forum et des associations africaines nouvellement créées. Des conventions ont été également signées pour le lancement du programme de renforcement des capacités africaines en intelligence économique territoriale en Afrique. Selon le président de l’Université ouverte de Dakhla, Driss Guerraoui, l’objectif de ces conventions est de «répondre à l’un des objectifs que le forum s’est fixé et qui est l’accompagnement des pays africains dans leur développement inclusif». Cette édition du Forum a également connu l’attribution du Prix scientifique de la recherche en intelligence économique pour les catégories thèse de Doctorat et Master. Une façon pour les organisateurs de cette rencontre d’encourager la recherche en Afrique. Des dotations financières ont d’ailleurs été consacrées aux lauréats 
de ces Prix.

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