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Pas de réforme sans équité !

La question est on ne peut plus complexe. La pression fiscale est-elle une réalité ou tout simplement un ressenti ? En tout cas, le sujet a fait l’objet d’un débat édifiant lors de la première «Matinale de la fiscalité» organisée vendredi par Groupe Le Matin. Les avis divergent sur ce point, mais se rejoignent sur la nécessaire équité fiscale pour une réforme réussie.

Pas de réforme sans équité !
La première «Matinale de la fiscalité» organisée par Groupe Le Matin, le 29 mars à Casablanca, a été agrémentée par un débat de qualité reflétant l’importance du sujet pour toutes les parties prenantes.

Le débat aura été riche pour la première «Matinale de la fiscalité» organisée par Groupe Le Matin, le 29 mars à Casablanca sur le thème «Assises de fiscalité : grands principes et attentes». C’est Mohamed Berrada, ex-ministre des Finances et président du Comité scientifique des troisièmes Assises de la fiscalité prévues les 3 et 4 mai à Rabat, qui a inauguré ce débat, si précieux, à la veille d’un grand rendez-vous qui devra fixer la future «boussole fiscale» sur un objectif en or : garantir l’équité fiscale. Pour Berrada, la fiscalité est un sujet sensible qui touche tous les acteurs de la société. Et puisqu’il en est ainsi, le débat doit impliquer tout le monde : contribuables, institutionnels, entreprises et gouvernement. «Toute réflexion sur la réforme fiscale doit obligatoirement appréhender les autres secteurs économiques et sociaux. Ce qui est tout à fait logique puisque le système fiscal a des liens avec cet ensemble», insiste le professeur. À ses yeux, la fiscalité ne doit pas être perçue comme une fin en soi. Pourquoi ? «Un système fiscal doit constituer un moyen efficace pour améliorer le climat social et favoriser une croissance socialement inclusive». Et ce n’est pas encore le cas chez nous. En dressant un diagnostic de l’économie nationale, Berrada ne mâche pas ses mots. L’économie marocaine n’a pas réellement évolué. La preuve : le pays enregistre encore un taux de chômage parmi les plus élevés et le taux de productivité est très faible (0,1%). Ce qui explique la faible croissance du PIB. Certes, le pays réalise chaque année des taux de croissance variés en fonction de plusieurs facteurs, dont la campagne agricole. Et même lorsque la croissance est importante, elle est de mauvaise qualité puisqu’elle ne crée pas d’emplois et demeure faiblement inclusive, en plus d’être mal répartie. Résultats : les inégalités sociales se creusent et le chômage poursuit sa montée en flèche. «Nous vivons dans un modèle économique où la croissance est essentiellement tirée par la demande et où 32% des investissements ne génèrent pas d’emplois et de croissance», souligne le professeur qui estime que la qualité d’une croissance est mesurée par sa régularité. Une industrie performante absorbe le chômage et génère plus de valeur ajoutée et partant une croissance robuste. Or, analyse Mohamed Berrada, à l’exception de quelques branches comme l’aéronautique et l’automobile, le pays connait une désindustrialisation de certaines branches. La question qui se pose à la veille des Assises de la fiscalité est comment une nouvelle politique fiscale pourrait contribuer à dissiper les inégalités sociales ? À cette question, l’ex-ministre des Finances évoque les principes directeurs : «il faut aller vers un système fiscal qui encourage les investissements créateurs d’emplois permanents et non pas producteurs de rente». Pour atteindre cet objectif, Berrada appelle à mettre en place des mécanismes, dont une révision de la TVA et de l’impôt sur les sociétés (IS). Notre intervenant déplore le fait que seulement 0,8% des contribuables payent 80% de cette taxe. D’où l’urgence d’élargir l’assiette de cet impôt pour en finir avec l’iniquité. Autre aberration selon Mohamed Berrada : les impôts indirects comme la TVA dépassent largement les impôts directs. La fiscalité locale doit également faire l’objet d’une réforme substantielle. «Le système fiscal local est constitué à 30% par la TVA et pas moins de 60% de ses recettes proviennent de cette taxe. De même, la taxe professionnelle est contradictoire : plus on investit, plus on est taxé. Ce n’est pas normal. Il faut la réviser», recommande Berrada. La fiscalité locale compte actuellement près de 27 taxes, ce qui la rend plus ambigüe pour le contribuable. D’où la nécessité pour le professeur de réduire ce nombre pour plus de simplicité et de transparence. Parallèlement, l’État doit rationaliser ses dépenses pour que le contribuable puisse percevoir l’impact des impôts sur l’amélioration des services publics. 

Haro sur le «mille-feuille» fiscal local !
Le panéliste Mohamed Manchoud, directeur de l’animation du réseau à la Direction générale des impôts (DGI), estime que la fiscalité est la fille servante de l’économie. «Sa réforme devra aller dans le sens d’une fiscalité de développement. D’ailleurs, le système fiscal doit traduire à un moment donné le niveau de développement de l’économie», résume-t-il. Manchoud soutient, par ailleurs, que si l’on arrive à dissiper l’iniquité fiscale, l’on aura résolu 60% de la problématique liée à la fiscalité au Maroc. Pour la fiscalité locale, le responsable souligne que le «mille-feuille» fiscal entrave les investissements. «Notre ambition est d’aboutir à un Code général des impôts qui inclut les deux volets de la fiscalité : local et total», pour plus de transparence et de clarté pour le citoyen. En outre, précise-t-il, il faut réussir l’équation système fiscal-administration fiscale. En clair, «l’on peut avoir le meilleur système fiscal, mais s’il est mal appliqué, on aura tout raté». 
L’équité fiscale reviendra dans la bouche de tous les intervenants. Et pour  Mohamed Hdid, président de la commission de la fiscalité et du régime de change à la CGEM, l’équité doit être la colonne vertébrale de toute réflexion sur la fiscalité. «L’idée d’organiser les Assises émerge des attentes insistantes du contribuable qui fait l’objet d’une pression fiscale. Celle-ci est très mal répartie à cause des incitations fiscales et de l’informel». C’est pour cela que les prochaines Assises, selon Hdid, aboutir à la conception d’un système bien pensé pour ne pas décevoir les attentes. «La pression fiscale au Maroc n’est pas flagrante», rétorque Issam El Maguiri, président de l’Ordre des experts-comptables. Mesurée par les recettes rapportées au PIB, la pression fiscale est de 22%, alors que dans les pays développés, elle dépasse 40%, argue-t-il. Pour El Maguiri, le problème se pose plutôt en termes d’assiette fiscale et de faiblesse de la compétitivité des entreprises. 

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