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«Le sens de l’histoire, c’est un partenariat toujours plus étroit avec le Maroc»

Le Parlement européen a adapté la semaine dernière à une écrasante majorité l’Accord agricole Maroc-UE dans sa nouvelle version qui permet aux produits en provenance des provinces du Sud marocain de bénéficier des mêmes avantages tarifaires que les autres régions du Royaume. Outre l’action discrète, mais efficace menée par la diplomatie marocaine, ce vote est aussi le résultat du travail effectué par Pierre Moscovici, qui a proposé et défendu la résolution du Parlement européen. Dans un entretien accordé au «Matin», le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes revient sur l’Accord, son impact sur la région du Sahara et sur l’avenir des relations avec l’UE.

Le Matin : En votre qualité de commissaire européen aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes, vous avez travaillé pour une révision de l’Accord d’association UE-Maroc de manière à y inclure les produits originaires du Sahara. Maintenant que cette version est entérinée, quel est votre sentiment ?
Pierre Moscovici
: J’ai le sentiment que nous avons fait ce qu’il fallait faire. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2016 avait créé une situation d’incertitude juridique qui pesait sur les relations entre l’Union européenne et le Maroc. Or on sait que l’incertitude juridique, c’est de l’activité économique en moins, des emplois en moins, et que le Sahara a besoin de cette activité économique et de ces emplois pour se développer. Le statu quo n’était donc pas tenable. C’est pourquoi j’ai souhaité travailler avec les pays européens, le Parlement européen et les autorités marocaines à la révision de l’accord d’association, pour étendre les tarifs douaniers préférentiels aux produits agricoles du Sahara. L’accord voté mercredi dernier par le Parlement européen à une large majorité représente l’aboutissement de plus de deux ans de travail et de dialogue et je me réjouis de ce dénouement.

Quels sont d’après vous les points essentiels à retenir de ce nouvel accord ?
Ce qu’il faut retenir, c’est que cet accord bénéficie à tous, au Maroc, à l’Union européenne, mais aussi et surtout aux habitants et aux entreprises du Sahara. Il contribue à la stabilité d'une région dont les intérêts économiques, politiques, sécuritaires et sociaux sont au cœur de l’action européenne. Nous n’étions pas là pour faire de la politique, mais pour apporter une solution pragmatique à un problème juridique. Nous l’avons fait dans le plein respect du processus de paix engagé par les Nations unies. D’ailleurs, je salue la relance des discussions entre les parties à Genève en décembre dernier ; c’est assurément un bon signal politique pour entamer cette année 2019.

Certainement, dans les coulisses et en commissions, la bataille était rude. Quels étaient les arguments que vous avez mis en avant et comment avez-vous répondu aux arguments des adversaires de la révision de l’Accord ?
En effet, il a fallu convaincre que la révision de l’accord allait bénéficier aux populations sahraouies. C’est pourquoi nous avons travaillé main dans la main avec la société civile et les organisations qui s’intéressent au développement économique, social et politique de la région. Une délégation de parlementaires européens s’est aussi déplacée au Sahara à l’automne. Cela a été notre boussole dans la recherche du compromis et je crois que nous y sommes parvenus. Quelques chiffres : dans le secteur agricole, ce sont pas moins de 14.000 emplois qui dépendent de cet accord et quelque 45.000 dans le secteur de la pêche. Nous aidons par exemple les petits producteurs de tomates ou de melons et de produits issus de la pêche, comme les petits pélagiques (par exemple les sardines et les maquereaux). Je crois que nous sommes parvenus à convaincre justement parce que cet accord porte une promesse de développement.

Pourquoi d’après vous les 444 députés ayant voté pour l’adoption de l’accord ont-ils choisi de passer outre la décision de la CJUE de 2016 ?
Je suis heureux qu’il y ait eu une large majorité en faveur de l’accord. Cela montre que nos arguments étaient les bons et qu’une large part des députés européens ont saisi les enjeux économiques et sociaux qui sous-tendent l’application de cet accord. Cela montre aussi que les députés ont été convaincus que cet accord était conforme à l’arrêt de la Cour de justice de l’UE de décembre 2016. Le refuser aurait tout simplement retardé sa mise en œuvre, ce qui aurait été dommageable pour les entrepreneurs locaux et pour la relation de confiance que l’Europe a établie avec ses partenaires marocains. Il s’agissait donc de trouver une solution qui mette fin à l’incertitude juridique, dans le respect du processus de paix.

Quelles seront d’après vous les retombées de cet Accord sur l’avenir du partenariat Maroc-UE ?
Je crois que sur ces nouvelles bases, le partenariat UE-Maroc est plus solide que jamais. Le Maroc est un pays ami et allié. C’est aussi une porte vers l’Afrique, pour une Europe qui entend resserrer ses liens avec le continent africain. Le sens de l’histoire, c’est un partenariat toujours plus étroit avec le Maroc. Nous avons franchi une nouvelle étape cette semaine.

Les opposants à l’Accord ont-ils un recours pour le remettre en cause ?
Rien ne les empêche de le faire – et c’est bien normal dans des États de droit. Mais n’imaginons pas tout de suite tel ou tel scénario qui remettrait en cause ces années de travail : l’Accord a été voté, il entrera en vigueur dans les semaines qui viennent. C’est une bonne nouvelle, saluons-la comme telle. 
 

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